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Artenso : au centre de la médiation cultuelle

Par Alain Lallier

Entretien avec Eva Quintas, directrice générale d’ARTENSO, Centre de recherche en art et engagement social affilié au Cégep de Saint-Laurent

Qu’est-ce que la médiation culturelle ?
La « médiation culturelle » est une notion clé pour comprendre la mission d’ARTENSO. De quoi parle-t-on au juste ? Il s’agit d’un champ de l’action culturelle, parallèle à la création, à la diffusion et à la distribution. « La notion a été importée de France et elle est apparue dans le cadre des Journées de la Culture au tournant des années 2000 afin de décrire un autre type de rapports entre les producteurs et les récepteurs de culture, entre les créateurs et les citoyens, explique Eva Quintas. Il s’agissait en quelque sorte de sortir du modèle de consommation culturelle ou de divertissement. L’approche promeut des relations plus interactives et plus engageantes avec les populations. »

Les deux grands axes
En 2006, des universitaires et des acteurs de la société civile ont créé le Groupe de recherche sur la médiation culturelle (GRMC) qui a jeté les bases de ce nouveau territoire d’intervention en culture.

« Aujourd’hui, nous avons réussi à baliser un champ professionnel où s’élaborent des stratégies et des outils pour améliorer l’accessibilité aux productions et favoriser l’expression culturelle des citoyens », explique Eva Quintas. La médiation culturelle se déploie ainsi autour de ces deux grands axes:
• Rendre plus accessibles les productions professionnelles culturelles, par exemple avec des actions dans le milieu scolaire, à celles et ceux qui en seraient plus éloignés;
• Accroître la participation et l’expression culturelle des citoyennes et des citoyens notamment par l’art communautaire et des projets de proximité comme des murales dans les ruelles.

Journée professionnelle, Remix ta médiation!, Cégep de Saint-Laurent, octobre 2019 (Crédit photo : Émilie Adam)

Vers une reconnaissance professionnelle
Eva Quintas précise ensuite le contexte et ses acteurs : « Au départ, le cégep de Saint-Laurent a contribué à créer une A.E.C de spécialisation en médiation culturelle, unique formation professionnelle au Québec. Depuis deux ans, des mouvements et des regroupements de médiatrices et de médiateurs se structurent pour réclamer la reconnaissance de leur métier. En poste à La Maison Théâtre, au Musée d’art contemporain ou travaillant de façon indépendante, ils et elles affirment pratiquer un métier non reconnu, donc non balisé et non syndiqué.
Le GRMC est devenu l’Observatoire des médiations culturelles (OMEC), un regroupement stratégique de 25 personnes, des milieux universitaire, municipal, culturel et social de toutes les régions du Québec qui témoignent de l’importance accrue de ce champ dans les politiques culturelles.

Qui sont les clients du Centre ?
Les premiers contrats du Centre ont été réalisés avec les municipalités. Actuellement, ARTENSO accompagne l’Arrondissement d’Outremont à Montréal et la Ville de Magog dans l’élaboration de leur politique de développement culturel. Un autre mandat de consultation est en cours avec un centre d’artistes qui a reçu du financement du Conseil des arts du Canada pour évaluer la maturité numérique de son organisation. « Au Centre, ce qui est en émergence, c’est la consultation et l’accompagnement en culture numérique. Des mandats avec le Musée des beaux-arts de Montréal ou l’Association des bibliothèques publiques du Québec se déploient dans le contexte où plusieurs de leurs activités se transfèrent en ligne. En musique, le Centre a joué un rôle d’interface entre le cégep de Saint-Laurent — très fort en musique — et l’Université de Montréal. Le financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH)pour un projet de trois ans a permis la mise en place d’une équipe partenariale de recherche sur la médiation de la musique.»

Atelier Artenso 101, Cégep de Saint-Laurent, mars 2019 (Crédit photo : Eva Quintas)

Des réalisations adaptées au contexte
Le cycle de formations express Midi_démos, lancé par ARTENSO, se veut une réponse au contexte de pandémie. À l’arrivée du confinement, le Centre s’est questionné sur ce qu’il pouvait faire pour les milieux culturels. Il a lancé un appel de textes dans le milieu sur le thème de la médiation culturelle à l’heure du confinement. Huit textes ont été publiés moyennant rémunération. Ils ont alimenté une table ronde. Une série de mini formations ont été créées à la suite d’un autre appel à la communauté. Les formations sont axées sur des outils et des techniques. « Nous nous sommes rendu compte que les médiatrices et les médiateurs continuaient de travailler, mais à distance, comme les enseignantes et les enseignants du Cégep, et tout le monde a dû apprendre dans un temps record à utiliser des outils de transmission, d’enseignement et de cocréation en ligne pour lesquels il existait peu de documentation », commente la directrice générale.
Le Centre a également ouvert un espace numérique appelé la Maison virtuelle de la médiation culturelle où sont archivés sur la plateforme Padletles outils et les formations développés par ARTENSO.

Dans le contexte actuel plein d’imprévus, le Centre mise sur ses forces : sa petite taille, sa connaissance approfondie du milieu, des subventions importantes et une capacité de réaction très rapide.

Une collaboration étroite avec le Cégep
Le Centre travaille en étroite collaboration avec le cégep de Saint-Laurent qui lui offre gracieusement des locaux et des services connexes. Géré par un OBNL, ARTENSO a tissé des liens avec les départements d’enseignement et mis en place un programme de bourses et des stages rémunérés dans le but de faire émerger un pôle d’expertise en médiation culturelle en sciences humaines.

Aider le milieu culturel à traverser la tempête
Le milieu culturel est particulièrement malmené par la pandémie. Pour Eva Quintas, la situation est critique: «Tout le monde s’est tourné vers le web. Le virtuel explose. Nous nous demandons comment faire plus de médiation culturelle virtuelle au lieu de faire seulement de la diffusion de spectacles. Puisque les gens sont devant l’ordinateur toute la journée, pouvons-nous concevoir des expériences différentes ? Nous regardons comment accompagner les médiatrices et les médiateurs dans leurs utilisations des outils numériques en ligne et en mode collaboratif. Ça nous mène à des réflexions vers des modes decocréation à l’image de la pédagogie active ou inversée. Comment rendre l’écran plus intéressant ? Nous travaillons sur les méthodes de facilitation en ligne. Nous allons également ouvrir au cours de l’année qui vient un média-lab pour prototyper des dispositifs de médiation culturelle numérique afin de jouer un rôle d’accompagnement autour de processus collectifs et collaboratifs. Nous étudions comment pouvoir accueillir dans ce laboratoire des artistes médiateurs tout en respectant les règles sanitaires. »


Note: La série d'articles sur les centres de transfert est présentée avec la collaboration de Synchonex.




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