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Un projet pancanadien en Éducation à l’enfance!

Par Ann Ménard, conseillère pédagogique au Cégep Marie-Victorin.

Détentrice d’une maîtrise en psychoéducation, Madame Ann Ménard a travaillé quelques années en pédopsychiatrie avant de devenir enseignante en "Éducation à l’enfance" au cégep Marie-Victorin. Elle s’est intéressée à l’intégration des enfants ayant des besoins particuliers ainsi qu’aux relations entre les parents et les éducatrices. Depuis janvier 2012, elle est conseillère pédagogique, impliquée dans les dossiers de la recherche et de la réussite scolaire au cégep Marie-Victorin.

En réponse à l’invitation de madame Marie Lacoursière du Portail du réseau collégial, madame Ménard précise ci-après, les grandes caractéristiques d’un projet de recherche mené entre les années 2008 et 2012 par le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC) sur le partage d’expertise dans le domaine de l’éducation à l’enfance.

Plus de la moitié des enfants canadiens de moins de cinq ans sont dans un service de garde et ils y passent, selon Statistique Canada 2010, en moyenne 27 heures par semaine. La qualité de ces services de garde passe bien entendu par la formation des éducatrices. Le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC) a financé, de 2008 à 2012, un important projet de partage d’expertise dans ce domaine par le biais du Programme structurant de partage et de renforcement de l’expertise des collèges et cégeps canadiens en enseignement professionnel et technique dispensé en français (PRÉCEPT-F).

Caractéristiques historiques
Différentes caractéristiques influencent l’offre en matière de service de garde et la formation des éducatrices en français au Canada. Sur le plan géographique, on retrouve   majoritairement les francophones au Québec. Dans les autres provinces, la présence territoriale des francophones est assez disséminée. Les établissements d’enseignement y couvrent donc de larges territoires, pour une plus petite quantité d’étudiants. Par le fait même, les milieux de stage sont souvent très éloignés les uns des autres. Sur le plan linguistique, les services offerts en milieu de garde doivent tenir compte des différents degrés d’appropriation du français des enfants qui les fréquentent, dont les enfants ayant droit, les enfants autochtones et les enfants provenant de famille immigrante.

La prise en compte de la diversité culturelle, à travers les attitudes et les pratiques éducatives des futures éducatrices, devient ainsi un enjeu de la formation.

Des changements législatifs récents ont également eu des répercussions sur la prestation de services et la formation en Éducation à l’enfance. Par exemple, suite aux modifications en 2010 du Règlement sur les services de garderie relevant du ministère des Services communautaires en Nouvelle-Écosse, il y a eu augmentation des qualifications nécessaires pour le personnel et les directions d’établissement en petite enfance (par l’entremise d’un nouveau système de classification),et le besoin de perfectionnement professionnel continu pour le secteur s’est accru. Le Manitoba a aussi connu son lot de changements suite à l’adoption provinciale du Cadre d’élaboration d’un curriculum, du guide Rédiger une politique d’inclusion et de la Charte de sécurité et du Code de conduite. La transition des programmes de maternelle au système scolaire à l’Île-du-Prince-Édouard et en Ontario a aussi eu un impact considérable sur la formation. Il faut enfin souligner l’avènement d’un ordre professionnel en Ontario, qui a influencé les aspects éthiques et déontologiques de la profession. La création de cet ordre professionnel a eu également une influence sur la reconnaissance professionnelle des éducatrices et éducateurs.

Des partenaires provenant de sept provinces
C’est dans ce contexte que le Cégep Marie-Victorin, pionnier au Québec en matière de formation collégiale en Techniques d’éducation à l’enfance, a agi comme maître d’œuvre. Des établissements d’enseignement des sept provinces canadiennes offrant la formation en français en Éducation à l’enfance se sont joints au projet. Il s’agit :
• du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, campus Campbellton (Nouveau-Brunswick)
• du Collège Éducacentre (Colombie-Britannique)
• du Collège Acadie (Île-du-Prince-Édouard)
• de La Cité collégiale (Ontario)
• du Collège Boréal (Ontario)
• de l’Université de Saint-Boniface (Manitoba)
• de l’Université Sainte-Anne (Nouvelle-Écosse).

Objectifs
Ce projet visait trois objectifs :diffuser les meilleures pratiques pédagogiques en Éducation à l’enfance, favoriser le codéveloppement professionnel des enseignants en Éducation à l’enfance et finaliser un transfert d’expertise liée à la reconnaissance des acquis en tirant profit entre autres de l’expertise du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (campus de Campbellton) au niveau du système d’auto-évaluation Socrate, un outil pour appuyer l’auto-évaluation d’un candidat avant son insertion dans le processus de la reconnaissance des acquis.

Des moyens pour atteindre les objectifs
Différents moyens ont été déployés au fil des ans pour permettre l’atteinte des objectifs de ce projet pan-canadien.

En 2009–2010, les partenaires ont concrétisé leur collaboration en construisant une plateforme d’échange sur laquelle plusieurs documents, outils et articles ont été déposés. Cette dernière offrait ainsi aux partenaires un lieu d’échange virtuel privilégié, qui a permis la diffusion des meilleures pratiques de chaque établissement, avec des pages accessibles à tous et certaines accessibles seulement aux partenaires. Quelques statistiques illustrent bien l’intérêt de la plateforme :
• 1756 visites
• 5956 pages vues
• 32 articles
• 107 documents dans la bibliothèque.

Des colloques annuels ont permis des échanges d’idées et l’appropriation de pratiques novatrices à travers des tables rondes, des ateliers de travail, des conférences et des moments informels. Lors du dernier colloque, des informations ont été transmises sur la motivation des étudiants en formation à distance; elles seront fort utiles pour certains collèges, comme l’Université Sainte-Anne, tant sur le plan de la nature des cours à offrir pour stimuler la motivation que sur l’approche que devrait adopter l’enseignant.

Des sessions de travail en présence proposaient des activités adaptées aux besoins des partenaires. Elles ont porté, notamment, sur les outils de supervision de stage, l’étude de dossier en reconnaissance des acquis pour les éducatrices non formées ou encore sur l’évaluation d’implantation d’un programme d’Éducation à l’enfance.

Le réseautage découlant du projet a permis un travail de collaboration et de concertation avec des organismes provinciaux ou nationaux poursuivant des buts similaires en lien avec la promotion de l’Éducation à l'enfance en contexte francophone.

Des retombées concrètes
Ce projet a eu des retombées concrètes sur le plan des pratiques pédagogiques, que ce soit à travers le partage de connaissances disciplinaires (intégralité du matériel des cours d’observation, approfondissement du curriculum émergent, thématique de l’inclusion…) ou le partage de documents structurants (plan de cours, protocoles d’entente avec les services de garde…). Les retombées se sont fait sentir également sur le plan du renforcement institutionnel. Le projet a permis une meilleure compréhension des divers programmes de formation et une collecte de données sur les particularités des différents programmes d’Éducation à l’enfance. Puisque certains collèges sont en plein renouveau pédagogique en Éducation à l’enfance et en développement de cours en ligne, le partage a été extrêmement riche et les informations partagées seront utiles non seulement pour les enseignants, mais aussi pour l’administration de ces établissements dans l’élaboration des programmes et des offres de cours, notamment au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (campus de Campbellton), au Collège Acadie et au Collège Boréal. Les retombées du projet s’inscrivent dans l’esprit du Programme de partage et de renforcement de l’expertise des collèges et cégeps canadiens en enseignement professionnel et technique dispensé en français (PRÉCEPT-F). 

Quelques facteurs de réussite 
La réussite d’un projet de collaboration de cette envergure repose avant tout sur un leadership assumé. L’impulsion de départ pour ce projet a été donnée par la Direction des études du Cégep Marie-Victorin, qui a cru en ce projet et a mis les ressources nécessaires, dont le dégagement partiel d’une enseignante en Éducation à l’enfance et d’une conseillère pédagogique, pour la mise en œuvre du projet. Il n’est pas nécessairement simple de recruter des partenaires et de susciter leur adhésion à un nouveau projet. À cet égard, la connaissance des partenaires, de leurs besoins et le respect des rôles et compétences de chacun sont primordiaux et permettent la création d’une relation de confiance. Tout ceci demande du temps et un engagement réel pour qu’il soit possible d’obtenir la collaboration des diverses personnes provenant autant de la direction, de l’administration que du corps enseignant. Enfin, il nous semble évident que le succès de la collaboration est tributaire du sens que le projet prend pour chacun, et implique une mise en cohérence à travers laquelle les objectifs du projet sont enrichis au fil de son déroulement, et où il est possible de faire des ajouts pour répondre à des besoins spécifiques ponctuels.

Suite possible
Un nouveau projet de partage et de renforcement d’expertise financé par le RCCFC devrait bientôt prendre son envol; il ciblerait cette fois-ci spécifiquement le rehaussement des pratiques en reconnaissance des acquis et des compétences par l’appropriation de l’instrumentation développée par le Cégep Marie-Victorin et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) du Québec. Ce type de partage permettra l’amélioration des pratiques respectives, tout en évitant les répétitions et en adaptant l’instrumentation aux pratiques et réalités de chaque province. La reconnaissance des acquis et des compétences peut contribuer à l'accessibilité plus rapide à la profession d’éducatrice, à la réponse au besoin de main-d'œuvre francophone et à la mobilité de la main-d'œuvre d’une province à l’autre.

Pour conclure
Les collèges francophones ont la volonté de s’unir; les partenaires ont d’ailleurs plusieurs fois souligné qu’il est très profitable d’avoir l’occasion de partager de l’information, des expériences, des outils dans le domaine de l’Éducation à l’enfance… et qu’il est nécessaire de pouvoir le faire en français. L’établissement d’une réelle communauté de pratique autonome favorise la pérennité de ce projet.

Pour visiter la plateforme élaborée dans le cadre de ce projet
Et pour prendre connaissance du rapport final 
 






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