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Sept questions entourant le déménagement de l’École de danse contemporaine de Montréal dans l’édifice Wilder Espace Danse dans le Quartier des spectacles

Entretien avec Yves Rocray, directeur général de l’École de danse contemporaine de Montréal

Le Portail : Pourquoi ce déménagement de l’École représente-t-il une date marquante pour l’établissement ?
Yves Rocray : C’est vraiment une date charnière pour nous. Après 35 ans de vie dans un espace carrément inadéquat et tout près de 18 ans de nombreuses démarches pour acquérir un lieu qui soit conforme aux standards d’enseignement de cet art, c’est vraiment la réalisation d’un rêve. Nous intégrons ainsi un lieu fait sur mesure pour nous qui répond aux standards que nous souhaitons et qui permet le développement d’une offre de services à valeur ajoutée à notre programme de formation déjà assez bien structuré. De plus, cette relocalisation permettra le développement de partenariats avec d’autres grandes écoles et d’attirer davantage de concepteurs, chorégraphes et collaborateurs provenant d’un peu partout dans le monde. Ce type d’installation positionne l’École au niveau des grandes écoles européennes. Nous sommes depuis toujours convaincus que le programme de l’École est extraordinaire; c’est d’ailleurs les commentaires que nous recevons d’un peu partout à travers le Canada concernant la qualité de formation et les interprètes que nous formons. Nous recevons également des commentaires très positifs de chorégraphes ou d’étudiants en provenance de l’étranger qui n’en reviennent pas de la qualité de l’enseignement offerte chez nous. Maintenant que nous disposons d’un lieu en mesure de se comparer aux grands conservatoires européens, nous nous positionnons à un niveau intéressant du point de vue international.

Portail : Pour y arriver, l’École a vécu un long parcours parsemé d’embûches.  Pourquoi autant de temps pour y arriver ?
Yves Rocray : J’ai personnellement travaillé sur cinq projets différents au cours des neuf dernières années. Mais avant moi, la directrice générale, Christine Bouchard, l’avait fait sur une vingtaine de projets sur une période de neuf ans. Dans tous les cas, nous devions abandonner le projet, parce que les lieux étaient inappropriés ou que le financement n’était pas attaché aux démarches. Quand, en 2006, Québec a pris l’engagement de construire un nouveau lieu, les planètes ont commencé à s’aligner. Il aura fallu tout de même onze ans après cette décision pour que les nouvelles installations puissent passer du rêve au concret. Nous avons dû être d’une persévérance et d’une patience inouïes. Durant les sept ans où nous avons travaillé au projet Wilder, trois gouvernements différents se sont succédé. Nous avons dû produire et reproduire les argumentaires afin de convaincre le Conseil du Trésor et avons de plus connu beaucoup de difficultés reliées à la restauration d’un bâtiment centenaire qui cachait de nombreux vices sur le plan structurel.

Portail : Vous avez de nouveaux locaux pour l’École, mais les installations font partie d’un concept plus large qu’on appelle Wilder Espace Danse. Expliquez-nous la dynamique de ce concept de regroupement de plusieurs institutions à la même adresse.
Yves Rocray : Un concours de circonstances a fait que plusieurs organismes en danse étaient à la recherche de nouveaux lieux pour cause de fins de bail ou encore de lieux inadéquats. Nous pensons ici aux Grands Ballets qui occupaient un espace trop petit pour une compagnie de son ampleur. Tangente et Agora avaient besoin de nouveaux lieux, parce que l’UQAM reprenait les espaces occupés par l’Agora de la danse sur la rue Cherrier. Comme l’édifice Wilder appartient au Gouvernement du Québec, quelqu’un a eu la brillante idée de convertir les espaces en un lieu qui deviendrait en quelque sorte la vitrine de la danse professionnelle à Montréal. Il faut savoir que, dans le Quartier des spectacles, aucun lieu n’était dédié à la danse. L’édifice du Wilder, c’est 10 000 mètres carrés dédiés à la danse. C’est un équipement de très grande qualité, incomparable au Canada, un lieu qui abritera dans quelques mois les bureaux du ministère de la Culture et des Communications, du ministre, du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la Régie du cinéma. Il devient un bâtiment phare et même un bâtiment amiral de la culture québécoise sur la Place des festivals. Il s’agit là aussi d’une forme d’affirmation que le Gouvernement du Québec soutient la création, la formation et la diffusion des arts de la scène à Montréal et au Québec, car 85 % de la danse professionnelle est présentée à Montréal. C’est une façon de souligner l’importance de cette forme d’expression artistique qui fait la fierté de tous les gouvernements quand nous allons à l’étranger. Nous sommes fiers des Marie Chouinard, La La La Human Steps, Grands Ballets, Cas Public et bien d’autres. Ce sont des compagnies qui sont reconnues pour leur créativité et leur inventivité artistiques. Nous sommes particulièrement fiers de nous trouver au centre de cette dynamique, d’autant plus que l’École révèle année après année des générations d’artistes.

Portail : La réponse à autant de besoins de quatre établissements a dû commander des investissements importants. Qui investit?
Yves Rocray : En conjuguant la contribution du Gouvernement du Québec, de Patrimoine canadien et celles des organismes, nous parlons d’un montant global de 66,4 millions de dollars. Il s’agit là d’un investissement majeur pour le milieu de la culture. La part de l’École représente environ 12,4 millions, dont 11 millions assumés par le Gouvernement du Québec. Le ministère du Patrimoine canadien contribue à la hauteur de 650 000 $ et l’École y investit 1,2 million.

Portail : L’École est affiliée au Cégep du Vieux Montréal. Quels sont vos liens avec ce collège ?
Yves Rocray : C’est une décision du Gouvernement du Québec en 1999 de faire en sorte que le Cégep du Vieux Montréal puisse accueillir des étudiants inscrits dans un programme danse-interprétation constitué d’un volet ballet (ESBQ) et d’un volet contemporain (EDCM). Dans cette formation technique de trois ans, les étudiants sont admis à l’École sur la base d’auditions qui ont lieu une fois par année aux mois de février et de mars. La plupart des étudiants doivent être inscrits au Cégep du Vieux Montréal et rencontrer les obligations fixées par l’admissibilité de l’établissement. Ces étudiants font leur formation générale au cégep qui se trouve à deux pas de l’École et la formation spécifique à la danse contemporaine à l’École, ce qui représente 25 heures de cours de danse par semaine. L’École offre aussi des cours complémentaires tels : un cours de gestion de la carrière, un cours qui met en relation l’art et la société, un autre sur la musique la danse et leurs valeurs communes, des cours d’anatomie en lien avec la pratique de la danse. Le financement de l’École repose sur un contrat de service avec le Vieux Montréal en fonction du nombre d’étudiants inscrits dans chaque cours. Le ministère de la Culture et le ministère de Patrimoine canadien assument l’autre partie du financement de l’École.

Portail : L’École a acquis au fil des ans une notoriété importante au Québec et à l’international. Comment cela se conjugue-t-il ?
Yves Rocray : Il existe cinq écoles en danse contemporaine au Canada : Québec, Montréal, Ottawa, Toronto et Winnipeg. En 2009, le ministère du Patrimoine canadien a fait une enquête auprès des plus grandes compagnies de danse au pays pour évaluer la pertinence du soutien du gouvernement fédéral à ces écoles. Il est ressorti de cette enquête que l’École de danse contemporaine de Montréal était un chef de file de la formation des interprètes au Canada. Elle était considérée comme une référence nationale au niveau de la formation ainsi qu’à l’échelle internationale. L’École collabore avec les pépinières européennes pour jeunes artistes et, tous les deux ans, nous accueillons de jeunes chorégraphes européens qui viennent passer une semaine complète à l’École pour monter une chorégraphie avec les étudiants, mais également pour connaître le milieu de la danse montréalaise, québécoise et canadienne. Quand ils retournent dans leur pays, ces personnes parlent assurément de leur expérience à Montréal et sèment des graines en même temps. Nos collaborations à l’international ont contribué à cette notoriété. Mais, par-delà ces éléments, c’est surtout la qualité des formations offertes qui fait la force de l’École. Nos enseignants sont aussi des professionnels de la danse qui connaissent des carrières actives sur les scènes canadienne, québécoise et internationale. Ce sont des praticiens au sommet de leur art qui transmettent aux jeunes leur connaissance et leur compétence. La diversité et la qualité du corps professoral ont des impacts réels sur le nombre de candidatures que l’on reçoit en provenance de l’étranger et contribuent à l’attractivité de l’École.

Portail : Vos diplômés ne contribuent-ils pas aussi à cette réputation?
Yves Rocray : Bien sûr ! Citons par exemple Mélanie Demers, Anne Thériault, Clara Furey, Ann Lebeau, Isabelle Poirier... Plusieurs compagnies engagent nos diplômés. Nos diplômés sont des ambassadeurs qui parlent au nom de l’École et qui ont un amour profond envers leurs formateurs et pour les années passées chez nous. L’établissement rayonne de plus en plus. Mais, entendons-nous : la danse contemporaine demeure un segment de marché assez pointu. Par contre, au Québec, l’École demeure la référence nationale pour la danse contemporaine.

Dossier préparé par Alain Lallier, éditeur en chef et édimestre au Portail du réseau collégial.
Note : Alain Lallier,ex-directeur général du Cégep du Vieux Montréal entre 1991 et 2003, siège au conseil d’administration de l’École depuis plusieurs années.






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