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PERFORMA, un modèle de formation continue ancré dans le milieu collégial

 

 Léane Arsenault, directrice PERFORMA, Faculté d’Éducation, Université de Sherbrooke


Les artisans de l’ordre collégial savent que PERFORMA est, sans conteste, du nombre des réalisations originales et importantes de l’ordre d’enseignement collégial québécois. Sa réputation internationale en témoigne dans différents colloques et la richesse de son réseau en est la preuve. 
 
Ce partenariat est né du besoin d’accompagnement des enseignantes et enseignants des établissements collégiaux qui, sans avoir de formation pédagogique, devaient rapidement devenir de bons professeurs pour réaliser cette belle nouvelle mission des collèges : faire coexister la formation technique et la formation préuniversitaire dans la formation de notre jeunesse québécoise. Ayant besoin d’enseignants qualifiés dans des domaines spécifiques, il n’était pas question de prolonger la formation de diplômés, de professionnels ou de gens de métier par une formation pédagogique venant s’ajouter à leur expertise. C’est alors que quelques collèges ont tenté des expériences de formation en milieu de travail; celle du Cégep de Sherbrooke a donné naissance au projet PERFORMA dont la faculté d’Éducation de l’Université de Sherbrooke a reconnu l’originalité et les retombées potentielles dans le domaine de la formation continue. Les autres collèges ont décidé de s’y associer et le ministère a reconnu cette organisation partenariale.

Plus de 1000 enseignantes et enseignants fréquentent régulièrement les formations depuis 1973

Depuis 1973, c’est graduellement plus de 1000 enseignantes et enseignants qui fréquentent les formations. Depuis l’an 2000, ils ont l’opportunité de s’inscrire dans un parcours professionnel complet : de l’insertion professionnelle au legs institutionnel ou à toute la communauté collégiale! C’est en tout cas ainsi que je me plais à décrire les formations à PERFORMA, car si le microprogramme de 2e cycle en insertion professionnelle en enseignement au collégial de 15 crédits accélère l’intégration de l’enseignant dans son milieu et sa profession, le diplôme de 2e cycle de 30 crédits l’accompagne dans son développement professionnel alors que la maîtrise professionnelle (M.Ed) lui permet de contribuer au patrimoine pédagogique du collégial par la production d’un essai. De plus, depuis trois ans, c’est au Colloque de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) dans le cadre du rendez-vous des maîtres de PERFORMA, que cette enseignante-maître ou cet enseignant-maître en éducation peut partager ses résultats de recherche, de l’analyse critique ou de l’innovation qu’elle ou il a réalisée. Rappelons aussi que les essais sont déposés au Centre de documentation collégiale (CDC) lorsque les diplômés y consentent.

Un partenariat de 59 établissements de l’ordre collégial et de l’Université de Sherbrooke caractérisé par le partage d’expertise

Le Regroupement des collèges PERFORMA rassemble 59 établissements en partenariat avec l’Université de Sherbrooke. Depuis sa création, ce partenariat repose sur un modèle pédagogique qui se caractérise par le partage d’expertise entre pairs, par l’entretien de groupes de travail et de réseaux intégrant chercheurs et praticiens pour élaborer les modalités et les contenus de formation. En plus des nouveaux programmes, des programmes nouvellement révisés et de l’actualisation des cadres de référence qui les soutiennent, c’est maintenant tout un processus de reconnaissance des acquis expérientiels qui se met en œuvre à PERFORMA.

QUELQUES ENJEUX AUXQUELS PERFORMA EST CONFRONTÉ

Issu d’un partenariat, ses enjeux sont intimement liés à ceux de chacun des cégeps membres et à ceux de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. PERFORMA a tout de même les siens propres liés aux particularités de son modèle organisationnel et pédagogique.

Un premier enjeu est tributaire de sa facture libre et volontaire. Ce principe est inscrit dans les engagements et responsabilités des signataires du Protocole qui encadre la mission de PERFORMA. Est-ce parce que ses concepteurs avaient, eux aussi, cette conviction que la formation continue n’a pas à être obligatoire puisqu’elle est nécessaire? J’ose le penser. Certes c’est aussi en lien avec une volonté de ne pas ajouter d’obligations autant de la part de l’employeur que des employés que l’offre de programme demeure une offre. Avouez tout de même que les collèges membres s’offrent encore un beau modèle! Un modèle à l’image de la manière dont ils percevaient le niveau de professionnalisme des enseignants et le rôle de la formation comme vecteur du développement pédagogique institutionnel! Une représentation que la formation continue, surtout si elle se fait sur place, se fréquente au besoin, très souvent de façon cyclique en lien avec les parcours professionnels des personnes visées ou encore des changements prescrits.

Un deuxième enjeu est lié au rôle-clé de la personne répondante locale. Ce rôle est dévolu à une conseillère ou un conseiller pédagogique du collège membre. Ici, aussi on saisit bien que le partenariat a subi de grandes secousses au moment où la fonction de conseiller pédagogique s’est alourdie de nouvelles obligations d’une approche évaluative nationale. Cette situation s’est doublée du renouvellement massif des professionnels. En effet, PERFORMA collabore également à diminuer les effets négatifs du renouvellement massif des conseillers pédagogiques depuis les 10 dernières années par une contribution additionnelle au partenariat. Tentant d’accélérer l’appropriation de cadres de référence nécessaires pour bien soutenir les enseignants, les huit jours de rencontres annuelles ont été repensés autrement et offrent maintenant un séminaire touchant les dimensions de cette tâche complexe de l’enseignement au collégial. De même, un nouveau microprogramme en conseil pédagogique au collégial a vu le jour l’an dernier.

Un troisième enjeu est lié à la pérennité du modèle pour des fins de financement. Si la pérennité ne s’exprime plus en termes d’accessibilité à l’expertise, et cela, grâce à la formation en ligne et à l’utilisation accrue des outils technologiques pour les groupes de travail, la question demeure quant au volume de fréquentation des participants aux fins de financement; autrement dit aujourd’hui la problématique en est plus une de fréquentation compte tenu du temps alloué ou allouable tant par la personne répondante locale pour jouer son rôle dans son établissement que par l’enseignante ou l’enseignant ciblé qui est aux prises avec un nouvel équilibre à maintenir entre ses obligations départementales et de programmes, ses impératifs familiaux et sa santé personnelle. Cette pérennité s’inscrit aussi dans le défi d’une adaptabilité de plus en plus rapide. Dans un univers où les besoins changent, notre capacité d’anticipation doit être au rendez-vous afin de contribuer au bon moment aux questionnements pédagogiques et aux réflexions nécessaires à un accompagnement des enseignants du collégial de qualité et d’une pertinence incontestable.

Un quatrième enjeu est celui de resituer PERFORMA dans la carte des moyens que les collèges se donnent pour bien accomplir leur mission. Si la formation continue des enseignants se passe sur les lieux de travail, c’est parce que les collèges l’ont voulu ainsi et que très tôt, ils se voyaient comme des organisations apprenantes… qui faisaient du perfectionnement un acte individuel, mais aussi collectif compte tenu des retombées sur le développement pédagogique institutionnel. C’est dans les faits ce qui se passe. Il n’y a qu’à regarder les innovations pédagogiques réalisées, qu’à voir qui siègent sur les différents comités, qui souhaitent assumer un certain leadership pédagogique dans un collège pour se rendre compte que PERFORMA y contribue, à tout le moins, dans la mesure de ses moyens et dans le respect de sa mission, de celles des autres organismes et dans le respect de la mission de chacun des collèges qui ont adhéré à ce partenariat. 

Resituer PERFORMA c’est aussi rappeler à la collectivité universitaire et collégiale que si PERFORMA a traversé les années, c’est parce qu’il a constitué et constitue encore un modèle novateur et unique permettant aux deux ordres d’enseignement supérieur de travailler en concordance au développement d’activités de perfectionnement de formation proposée en milieu de travail et selon des formules souples. À ce titre, PERFORMA demeure un terrain de réconciliation au sens de confronter les savoirs d’expérience et les savoirs issus de la théorie pour générer une qualité de formation, appuyée et ancrée.
 


iSuggestion de lecture à ce sujet : l’article de Guy Le Boterf dans la revue Pédagogie collégiale, HIVER 2011, VOL. 24 No 2 pp. 27-31.

 






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