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La relève enseignante dans les collèges : trois portraits

Dossier préparé par Alain Lallier,éditeur en chef, Portail du réseau collégial

Nous savons que les enseignantes et les enseignants du collégial sont nombreux à prendre leur retraite au cours des présentes années. D’autres prennent la relève dans les collèges. Qui sont-ils ? Qu’est-ce qui les amène ou les motive à enseigner au cégep ? Quelles impressions dégagent-ils de leurs premières expériences d’enseignement ? Quels défis relèvent-ils et comment composent-ils avec la précarité d’emploi ?

Ce sont les questions auxquelles ont accepté de répondre trois nouveaux enseignants et enseignantes. Proshat Hemmati enseigne le français langue seconde au Cégep John-Abbott. Jocelyn Bernier-Lachance enseigne en Technologie d’analyses biomédicales au Cégep de l’Outaouais. Élise Marmette est professeur d’éducation physique au Cégep de Sept-Îles.


 

 

Proshat Hemmati, professeure de français langue seconde au Cégep John-Abbott

 

 

Le choix d’enseigner au cégep
D’entrée de jeu, madame Hemmati avoue avoir voulu enseigner au cégep dès qu’elle a pris connaissance que ce type d’établissement existait. Elle n’a jamais étudié au cégep et ne connaissait pas l’ordre collégial. C’est la présence des jeunes adultes qui l’intéressait. « Pour moi, c’est un âge intéressant, pour ne pas dire fascinant. J’adore être avec les jeunes adultes. Dès que j’ai connu le cégep, j’ai su que j’y serais à ma place. »

Une expérience en francisation
Proshat Hemmati a fait ses études universitaires en France. D’origine iranienne, elle étudie en Iran jusqu’au baccalauréat. Elle obtient par la suite un master 2 en lettres modernes françaises de l’Université de Provence. Elle immigre au Québec et, dans le but de pouvoir enseigner au niveau collégial, elle s’inscrit à un microprogramme en enseignement postsecondaire à l’Université de Montréal. Elle va assumer une tâche d’enseignement de français langue seconde à l’École internationale de langues YMCA. Elle enseigne en francisation à GEOS Montréal et au FBDM. Sa première expérience à l’ordre collégial se concrétise au Collège Dawson en formation continue et c’est au Cégep John-Abbott qu’elle connaîtra sa première expérience d’enseignement avec de jeunes adultes.

Ses premières impressions
Proshat Hemmati estime que son premier contact avec les étudiants fut une expérience stressante. « Se retrouver devant 36 jeunes adultes était nouveau pour moi, habituée à travailler avec des adultes. Les jeunes ne sont pas des adolescents. Ils ne doivent pas être traités comme des enfants ni comme des adultes expérimentés. Il importe donc de trouver le juste milieu en ce qui concerne la gestion de la classe. Pour moi au début, c’était stressant. Les étudiants sont généralement très responsables. Il faut savoir respecter leurs intérêts. Les règles trop strictes ne fonctionnent pas. Par contre, si nous sommes trop permissives, l’apprentissage peut en souffrir. Les élèves interpréteront que le cours manque de sérieux. »

Quels sont les défis ?
Pour les cours de base, madame Hemmati estime que l’on réussit à motiver les étudiants en rendant le cours intéressant. « Ça reste un grand défi de savoir comment motiver les étudiants. Si nous nous contentons de donner un cours magistral, ils s’ennuieront. Il faut savoir utiliser tous les moyens d’enseignement informatiques, audiovisuels et autres. »

L’insécurité rattachée à la précarité
Ne pas savoir s’ils auront ou non une tâche à temps plein au prochain semestre constitue un certain stress chez les nouveaux enseignants. Proshat Hemmati a vécu cette situation ; d’une tâche temps plein à l’automne, elle s’est retrouvée à l’hiver devant aucune charge de cours. Elle devait attendre. « C’est très stressant pour un enseignant débutant. » Il demeure toujours possible de cumuler plusieurs tâches d’enseignement dans plusieurs collèges. C’est le choix de certains. Madame Hemmati avait cette possibilité de retourner enseigner au Collège Dawson. Elle a décidé d’attendre et a pris la bonne décision. Des enseignants ont dû prendre des congés de maladie et, de ce fait, elle a pu obtenir une tâche à temps plein pour l’hiver. Si elle était allée à Dawson, elle n’aurait pas pu accepter l’offre de John-Abbott et se serait vue doubler par une autre personne sur la liste de priorité. Elle se serait retrouvée en septembre dans une situation encore plus précaire.



 

Jocelyn Bernier-Lachance M.Sc., T.M., R.T., Mcb.A.
Enseignant en Technologie d’analyses biomédicales
Cégep de l’Outaouais

 

Assister des étudiants à l’université lui a donné le goût d’enseigner au cégep
Durant ses études de maîtrise en recherche, Jocelyn Bernier-Lachance était engagé pour superviser les étudiants, faire des corrections, les guider en laboratoire et leur donner des conseils. « J’ai fait ça quatre à cinq fois durant mes études ; j’ai adoré ça. Je me suis dit en terminant mes études que j’allais entre autres poser ma candidature au cégep vu mon intérêt pour l’enseignement. J’ai toujours été quelqu’un de curieux qui aime partager son savoir avec les autres. J’ai posé ma candidature pour enseigner dans le programme Technologie d’analyses biomédicales dans lequel j’avais étudié au Cégep de Saint-Hyacinthe. » Le Cégep de l’Outaouais lui a offert un poste et il y enseigne depuis presque trois ans. Jocelyn Bernier-Lachance est détenteur d’un baccalauréat et d’une maîtrise en microbiologie et il suit le programme du MIPEC afin d’obtenir son microprogramme en insertion professionnelle au collégial.

Son souvenir du séjour au cégep comme étudiant
L’enseignant garde un très bon souvenir de son passage au cégep : « Pour moi, ce furent de très belles années. Ce sont les années où l’on s’émancipe beaucoup. On devient autonome. Nous faisons le choix de notre futur parcours. C’est stimulant et intéressant. Je me suis fait des amis au cégep, il y a maintenant dix ans, et je garde toujours contact avec eux. Pour moi, le cégep fut une étape importante dans ma vie. »

Ses premières impressions comme enseignant de cégep
« Ce n’est pas du tout ce que je pensais, avoue candidement Jocelyn Bernier-Lachance. Je dois avouer qu’à la première session, j’ai été surpris. Je n’avais pas de formation en pédagogie, on m’a engagé pour mes compétences techniques. Au début, j’ai fait des apprentissages en mode essais-erreurs. Je pensais qu’enseigner, c’était seulement donner des cours magistraux et faire de la correction. C’est beaucoup plus que ça. Nous parlons de la gestion de classe, la préparation d’exercices ; c’est assurer un suivi continu auprès des étudiants en difficulté. C’est donc plus complexe que ce que je pensais. Mais, j’adore ça et ne changerais pas de travail. »

Peu inquiet pour l’avenir
Jocelyn Bernier-Lachance en est presque à sa troisième année d’enseignement. Questionné sur sa précarité d’emploi, il se dit confiant dans les chances d’obtenir sa permanence. « Les opportunités sont là. J’avoue qu’au cours des premières sessions, l’inquiétude était au rendez-vous, mais le stress du départ diminue graduellement. »

Les défis comme enseignant
Parfaire ses connaissances en pédagogie demeure un défi pour Jocelyn Bernier-Lachance. « En faisant le MIPEC, je suis sur la bonne voie. J’ai toujours fait preuve d’ouverture d’esprit avec les étudiants. Je leur demande leur avis sur ma façon d’enseigner, sur les choses que je devrais améliorer. Je les inclus dans mon développement. Leurs rétroactions m’ont aidé à avancer. À force de travailler à l’amélioration de mes stratégies pédagogiques, je gagne en assurance. »
Intéressé par la recherche ?

L’enseignant est toujours intéressé par la recherche.

« J’ai vu au Cégep de l’Outaouais des chercheurs affiliés avec l’Université de Sherbrooke. Je me suis toujours porté volontaire au département pour le dossier de la recherche. J’avoue que mon travail d’enseignant m’occupe beaucoup mais, si des projets se présentent, je souhaite m’impliquer. »




 

 

 

Élise Marmette, enseignante en éducation physique du Cégep de Sept-Îles

 

Choisir d’enseigner au collège

Élise Marmette a toujours voulu travailler dans le monde du sport. Elle opte pour des études de baccalauréat en éducation physique. Elle complète ses stages d’enseignement en éducation physique au primaire et au secondaire pour se rendre compte rapidement qu’elle voulait travailler au cégep, considérant qu’il était plus facile d’y approfondir les concepts d’éducation physique et de santé. L’autonomie professionnelle lui semblait également plus intéressante. « Au cégep, le département est constitué d’un groupe de personnes qui partagent les mêmes intérêts. Au primaire, on est seul ou avec un seul autre enseignant, alors qu’au secondaire les échanges sont moins fréquents entre les enseignants. De plus, le milieu collégial requiert beaucoup moins de gestion des comportements. » Élise a terminé son baccalauréat depuis trois ans ; elle a assumé pendant deux ans des tâches de suppléance au primaire et au secondaire dans la région de Québec. À l’automne 2017, elle assume sa première tâche temps plein au cégep. Cet hiver, elle donne deux cours et mène un projet spécial.

Les premières impressions de l’enseignement
Élise Marmette a fait deux stages d’enseignement au niveau collégial. « Déjà là, l’expérience m’a confirmé que je voulais travailler dans ce milieu. Aux ordres primaire et secondaire, les jeunes sont très reconnaissants envers toi ; ils viennent te voir ; ils comptent sur toi. Au collégial, l’enseignant crée moins rapidement de liens avec les élèves. Tu peux cependant approfondir tes contenus dans un contexte intéressant d’autonomie. J’ai apprécié les échanges avec les collègues de travail. La présence d’un budget pour la formation continue nous inscrit dans une dynamique d’enseignement supérieur qui facilite et encourage le maintien des mises à jour. »

Et les étudiants ?
Les étudiants sont-ils motivés par leur cours d’éducation physique ? « Ça dépend des étudiants ! Certains sont plus impliqués, d’autres sont indifférents. Il faut cependant comprendre que le premier cours est très théorique et que c’est la première fois qu’ils sont confrontés à ce type d’enseignement. La motivation et l’intérêt sont, dans ce contexte, variables. » Dans les cours qu’elle a donnés, elle n’a pas remarqué de différence en termes de motivation entre les filles et les garçons. La différence se retrouve plutôt au niveau comportemental. Certains des garçons étaient moins concentrés à la tâche et orientés objectifs. « Ils étaient davantage là pour s’amuser que pour s’améliorer. »

Les défis
Élise Marmette se considère toujours en apprentissage. Son défi se situe au regard de la maîtrise de ses cours. « Je veux m’impliquer davantage dans le milieu et davantage utiliser les technologies dans mes cours. Les étudiants sont branchés, mais je constate qu’ils méconnaissent plusieurs applications. Je veux trouver des façons de faire permettant une meilleure utilisation des technologies afin de rendre les cours plus motivants. Je veux trouver les meilleures méthodes me permettant d’y arriver. J’aimerais de plus accéder à un emploi temps plein afin de me maintenir à jour et m’investir dans une formation vers l’obtention d’une maîtrise. »






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