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La coexistence travail-études (CTÉ), une formule qui fait des petits


Un texte d’Élise Prioleau, rédactrice

Cette année au Cégep de Rivière-du-Loup, Loïc de Terwangne était le premier étudiant du Bas-du-Fleuve à vivre la formule de coexistence travail-étude (CTÉ), un programme issu d’une concertation entre le marché de l’emploi et son collège. À la suite d’un stage d’été, en septembre il a été embauché par l’entreprise Premier Tech deux jours par semaine tout en poursuivant ses études à temps partiel. Loïc obtiendra son diplôme technique en quatre ans plutôt qu’en trois ans. En contrepartie, il aura cumulé à la fin de ses études l’équivalent d’une année et demie d’expérience dans son domaine dans le cadre d’un travail rémunéré à temps partiel, échelonné sur les deux dernières années de sa formation.

Diane Morisset, enseignante en technique de l’informatique au Cégep de Rivière-du-Loup et responsable de la formule de coexistence travail-étude (CTÉ) et de Loïc de Terwangne , un participant à la formule en 2018-2019

« C’est une expérience porteuse de confiance, de maturité et de motivation pour l’étudiant qui y participe, observe Diane Morisset, enseignante en technique de l’informatique au Cégep de Rivière-du-Loup et responsable de la formule de coexistence travail-étude (CTÉ). Je suis convaincue que la formule de CTÉ permet de former de meilleurs techniciens, car le bagage de connaissances des étudiants est enrichi par une expérience professionnelle concrète pertinente et stimulante », témoigne-t-elle.L’an prochain, ils seront trois étudiants du programme de technique de l’informatique à expérimenter la formule, qui risque fort bien de faire des petits dans le réseau des cégeps au cours des prochaines années.

Contrer la pénurie de main-d’œuvre

 

 

Mario Martel, enseignant en génie mécanique faisait partie du comité fondateur de la formule de coexistence travail-étude

C’est en 2007 au Cégep de Sherbrooke que la formule de coexistence travail-étude a vu le jour. Mario Martel, enseignant en génie mécanique faisait partie du comité fondateur de la formule de coexistence travail-étude. « Au départ, l’idée est venue d’entreprises de la région aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre. Elles se demandaient comment attirer les étudiants finissants, relate-t-il. À l’époque, les finissants étaient rares et les besoins étaient grands. Elles nous ont donc approchées pour mettre au point une formule qui leur permettrait d’embaucher des étudiants avant la fin de leurs études. »

Au cours de l’année 2007-2008, le Cégep de Sherbrooke a débuté un travail de concertation avec l’entreprise Verbom de Valcourt, qui fabrique notamment des outils et des pièces en aluminium pour l’industrie automobile. Un comité qui regroupe des intervenants du collège et de l’entreprise s’est d’abord formé afin de co-construire une formule adaptée à la fois aux besoins des étudiants et ceux de l’entreprise, comme l’explique Mario Martel. 

Par la suite et vu les besoins criants de l’industrie, des acteurs estriens des domaines de l’éducation et du secteur manufacturier ont mis en place un partenariat régional pour l’intégration de la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier (PRIMOM), afin d’imaginer un moyen de faire coexister le travail et les études. Des représentants du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, d’Emploi-Québec, du Cégep de Sherbrooke, de la commission scolaire (CS) de Sherbrooke, des syndicats régionaux et la Maison régionale de l’industrie y ont notamment siégé. De cet effort de concertation est née la formule de coexistence travail-étude (CTÉ) que l’on connaît aujourd’hui.

C’est en 2009 et 2010 qu’elle a été testée pour la première fois dans les programmes de Technologie du génie civil et en Techniques de génie mécanique. Depuis sa création, la formule de coexistence travail-étude connaît un succès au sein de Cégep de Sherbrooke et touche de plus en plus d’étudiants. Alors qu’ils étaient une centaine d’étudiants à avoir testé la formule entre 2007 et 2016, cette année 66 étudiants issus de onze programmes d’études techniques ont vécu l’expérience.

Encourager la diplomation et offrir des ressources
Les stagiaires sont généralement très satisfaits de la formule, qui leur permet de concrétiser rapidement les apprentissages faits en classe et de confirmer leur choix de carrière, peut-on lire dans le rapport d’évaluation de la formule de CTÉ produit en 2016 par le Centre d’études et de recherches sur les transitions et l’apprentissage (CERTA) de l’Université de Sherbrooke. Depuis son implantation, la formule aurait même permis de faire grimper les taux de diplomation à plus de 90% chez les étudiants participants, alors que ces taux sont normalement de 60% dans les mêmes programmes, selon le rapport du CERTA.

« Le fait d’obtenir un emploi dans leur domaine avant la fin des études est un facteur très encourageant pour les étudiants », selon Josée Bureau, enseignante en Technique de bureautique au Cégep de Sherbrooke et responsable de la formule de CTÉ dans son programme. « En techniques de bureautique, 80% des étudiants qui s’inscrivent au programme font un retour aux études, explique-t-elle. Pour ces étudiants matures et qui ont souvent déjà une expérience professionnelle, la formule est très bien adaptée », reconnaît-elle.

La formule de coexistence travail-étude est souvent combinée au programme Alternance travail-étude (ATÉ), précise l’enseignante. « À la fin de la première ou de la deuxième année, selon les programmes, plusieurs étudiants font un stage rémunéré en Alternance travail-étude. Par la suite, à l’automne, ces étudiants poursuivent généralement dans la même entreprise à temps partiel dans le cadre de la formule de CTÉ. Les deux programmes se complètent de manière à offrir des ressources financières toute l’année aux étudiants. »

Une seconde mouture en préparation
Une version 2.0 de la coexistence travail-étude est actuellement sur la table à dessin au Cégep de Sherbrooke, qui entend améliorer sa formule à compter de 2020. Parmi les nouveautés envisagées, le collège se penche sur la possibilité de permettre aux étudiants de commencer à travailler à temps partiel plus rapidement dans leur formation, possiblement dès la deuxième année, comme l’explique Mario Martel.

Cependant, comme l’évoquait en 2018 Marie-France Bélanger, directrice générale du Cégep de Sherbrooke dans le journal La Tribune, « ça prend de l’aide » financière. Des fonds nécessaires notamment pour dégager des enseignants de leur tâche afin de mieux adapter la formule aux différents secteurs d’emploi. En 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) promettait de soutenir le développement du programme de coexistence travail-étude du Cégep de Sherbrooke à hauteur de plus de 300 000 $, a rapporté La Tribune. Des fonds toujours attendus par le collège ,malgré les nombreuses démarches faites auprès des instances politiques et ministérielles, rapporte Annick Wishnowsky, responsable du service de liaison cégep-entreprise de l’établissement d’enseignement.« Tous s’entendent pour dire que la CTÉ est une formule innovante et formatrice pour les étudiants et étudiantes et qui répond bien au besoin de relève des entreprises, mais pour le moment aucun financement significatif n’a été obtenu. »

 

 






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