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Zenétudes, un programme de prévention en santé mentale

Une collaboration entre le Cégep de Sorel-Tracy et l’UQAM

Zenétudes est le fruit d’une association entre le Cégep de Sorel-Tracy et l’UQAM dans le cadre du Programme de collaboration universités-collèges du ministère de l’Enseignement supérieur. Les auteurs du programmes sont : Diane Marcotte. Carole Viel, Marie-Laurence Paré et Cynthia Lamarre, toutes de l'UQAM.

Selon un mégasondage auprès de nombreuses universités américaines, incluant des universités et des collèges du Canada et du Québec, 32,5 % des étudiants se disaient si déprimés qu’ils avaient de la difficulté à fonctionner. Selon une enquête réalisée en 2012, les épisodes dépressifs au cours des 12 derniers mois rapportés par les 15-24 ans sont significativement plus élevés que ce qui était rapporté en 2002.  De plus, les 15-24 ans sont plus nombreux que les 45 ans et plus à rapporter ce fait (ESCC : Institut statistique du Québec, 2012).  Il n’existe pas à ce jour de programme en français pour prévenir ce genre de phénomène chez les nouveaux venus au niveau collégial.

Les responsables du programme


 

 

 

Madame Diane Marcotte détient un doctorat en psychologie clinique de l’Université d’Ottawa et est directrice du Laboratoire de recherche en santé mentale des jeunes en contexte scolaire de l’UQAM.

 

 

 

 

Madame Nancy Gosselin est enseignante au Cégep de Sorel-Tracy. Elle possède un baccalauréat en psychologie de l’UQAM et a terminé un microprogramme en enseignement postsecondaire à l’Université de Montréal. Elle a participé au volet 3 du programme en tant que coanimatrice du projet Zenétudes.

Une augmentation marquée du nombre de demandes de services en santé mentale chez les étudiants du postsecondaire
Zenétudes est un programme de prévention en santé mentale qui s’adresse aux nouveaux venus dans le milieu collégial souffrant d’anxiété. Un constat de départ indique qu’il existe une augmentation marquée du nombre de demandes de services en santé mentale chez les étudiants du postsecondaire. Au collège et à l’université, les études montrent une croissance substantielle au Québec, comme aux États-Unis et en Europe, où un grand nombre d’étudiants ont également besoin de services en santé mentale.

Réduire le décrochage scolaire en prévenant l’anxiété et la dépression
Avec l’augmentation du nombre de demandes de services chez les étudiants, il n’est plus permis de penser l’offre de service sur une base individuelle. Le modèle retenu préconise des interventions de type universel offertes à toute la population. Cela constitue le premier volet du programme qui s’adresse à tous les étudiants de niveau collégial. Dans le cadre du deuxième volet, les interventions sont plus ciblées. Elles s’adressent à des étudiants qui présentent des facteurs de risque sans présenter des symptômes de dépression ou d’anxiété. Le rôle du psychologue demeure au niveau individuel, dans la prévention ciblée du volet 3. Ce programme s’inscrit dans un environnement d’apprentissage accommodant et en lien avec la communauté.

Les travaux de la première année
Afin d’identifier les facteurs de risque conduisant à la dépression, l’équipe de recherche a réalisé un sondage auprès de quelque 400 nouveaux venus au collégial. La hiérarchisation de ces facteurs a permis d’identifier, entre autres, que « les buts personnels peu définis » figuraient parmi les premiers et que l’anxiété jouait également un rôle important. Les relations avec les parents, l’orientation sexuelle, les distorsions cognitives, l’adaptation émotionnelle au collège et le fait d’être une fille sont également des facteurs significatifs.

Des facteurs de protection
Le programme a aussi cerné des facteurs de protection. Par exemple, les garçons plus âgés ne vivant plus chez leurs parents sont moins à risque de devenir déprimés. L’attachement au collège, les valeurs sociales (le fait d’être en couple) ainsi que les buts personnels constituent également des facteurs de protection.

Le volet 1 : la prévention universelle
Une des caractéristiques importantes de ce programme relève du fait que son premier volet, d’une durée variant entre 60 et 90 minutes, est implanté en classe par l’enseignant. Le but est de faciliter la transition au cégep, de diminuer les symptômes de dépression et d’anxiété et de favoriser la persévérance scolaire. Les nouveaux cégépiens sont principalement visés, puisque les statistiques indiquent que le décrochage scolaire se produit surtout durant la première année.
Le programme comporte trois volets divisés en 15 composantes. Le premier concerne le choix professionnel, la transition collégiale, le rationnel du cheminement et le développement des connaissances. Madame Marcotte explique : « Un des facteurs de protection en santé mentale repose sur le fait d‘avoir des connaissances sur la problématique que l’on veut éviter de développer. Il existe souvent un tabou qui empêche le développement des connaissances et qui doit être identifié. Depuis quelques années, l’Organisation mondiale de la santé et les politiques gouvernementales contribuent à diminuer ce tabou. On voit souvent des personnalités connues ou des artistes qui témoignent qu’ils ont vécu un problème de santé mentale. Dans le premier volet, la recherche se concentre donc sur l’activation comportementale, la gestion de l’anxiété et le développement des habiletés sociales de communication, de résolution de problèmes et de gestion de conflits. »

Le programme commence par la vérification des connaissances chez les jeunes. Une dernière vérification, en phase finale, permettra de mesurer l’efficacité de l’intervention. Par exemple, on demande aux étudiants s’ils se considèrent tous comme des adultes. Plusieurs questions du jeu-questionnaire touchent différentes dimensions de la transition de l’adolescence vers la vie adulte. Dans le cas d’un adulte qui se perçoit comme un adulte, mais pas tout à fait comme un adulte, les connaissances à transmettre par l’enseignant visent à expliquer que c’est normal de ne plus se sentir adolescent et tout aussi normal de ne pas se sentir complètement adulte.

Autre composante : la gestion du temps
De nombreux cégépiens ont un travail d’appoint. La planification du temps devient dans ce contexte un facteur important de la réussite. Le professeur leur présente un horaire préuniversitaire ou technique contenant uniquement des cours. On ajoute dans un second temps le travail personnel requis pour chaque cours, puis on ajoute les heures de travail rémunérées. « Nous constatons finalement que 20,7 % des étudiants travaillent plus de 17 heures par semaine. On sait que travailler plus de 15 heures par semaine devient non seulement un facteur d’échec, mais augmente aussi les risques liés à l’anxiété. À vouloir tout faire en même temps, les étudiants ne sont plus dans un rôle d’étudiant à temps plein, car 60 % des cégépiens disent étudier moins de 6 heures par semaine... »
Dans le cadre du volet 1, les symptômes d’anxiété et de dépression sont évalués à l’aide de deux questionnaires. L’enseignant dirige par la suite les jeunes qui doivent compléter les deuxième ou troisième volets du programme vers les personnes responsables.

Le volet 2
Le volet 2 consiste en une prévention ciblée et sélective pour les étudiants qui s’autoréférent ou qui sont référés par différents professionnels ou enseignants. Il s’agit de deux ateliers d’une heure sur l’heure du midi. C’est une sorte d’entre-deux pour les étudiants qui ne sont pas prêts à passer au volet 3 et qui requièrent davantage de services. Les étudiants sont amenés à identifier leurs symptômes dépressifs et à adopter des stratégies susceptibles d’agir sur ces derniers. Il y a un atelier sur la dépression et un autre sur l’anxiété qui sont offerts par une équipe mixte composée d’un professionnel et d’un enseignant. Au Cégep de Sorel-Tracy, c’est le Bureau d’aide à la réussite (BAR) qui s’en charge. Dans le cadre de l’expérimentation, les responsables du projet ont animé les ateliers avec les professionnels.

Le volet 3
Le volet 3 s’adresse à 20 % des jeunes. Ce chiffre n’est pas typique du Cégep de Sorel-Tracy. Le même pourcentage se retrouve partout en Amérique du Nord. Un programme de groupe est offert à ces étudiants qui présentent des symptômes dépistés lors du volet 1. Il est offert par deux professionnels en santé mentale à raison de 10 rencontres de 75 minutes qui ont lieu pendant la période libre des activités au cégep.

Le travail dans ces ateliers
Dans ces ateliers, on développe des facteurs de protection contre l’anxiété et la dépression, puis on aide les jeunes à acquérir ces habiletés les conduisant vers une meilleure santé mentale. Quinze composantes sont incluses dans ce volet qui se penche sur les habiletés de gestion des problèmes et de gestion des conflits avec les pairs et les parents. À l’aide d’un petit questionnaire, l’étudiant est amené à établir son style de résolution des conflits et celui perçu chez sa mère et son père. On note souvent les réponses suivantes :
─  Je ne fais rien et j’attends que ça passe;
─  Je discute jusqu’à ce que l’autre me donne raison;
─  Je me dis que ce n’est pas très grave;
─  Je change de sujet;
─  Je suis plutôt timide dans ces situations.

Après évaluation de chacun d’eux, un style de résolution de conflit est identifié. Par exemple, si le sujet a un style dominant, on va lui suggérer de s’exercer à attendre que l’autre ait fini sa phrase avant de parler. Aux gens qui n’expriment pas leur opinion pour éviter les conflits, on leur suggère de s’entraîner à dire ce qu’ils pensent.

Les données préliminaires de la première année

Une addition de connaissances
Une vingtaine de groupes ont participé au volet 1 du programme. Il fallait vérifier s’il y avait eu un développement des connaissances comme souhaité. Sur 4 des 6 points, on constate une addition des connaissances. Les étudiants en savent beaucoup plus sur la transition de l’adolescence vers la vie adulte, sur le fait qu’on ne soit pas tout à fait adulte, mais qu’on ne soit plus adolescent. Ils savent davantage où ils se situent.
Acquisition de connaissances sur la dépression comme outil de prédiction du rendement scolaire
Nous constatons une amélioration dans la capacité à identifier les activités plaisantes et à les pratiquer plus souvent comme stratégie efficace pour faire face à la dépression. Dans la même veine, les sujets ont compris que, s’ils sont très anxieux dans une situation, il est préférable de se retirer plutôt que d’endurer des symptômes physiques et de nourrir des pensées désagréables. D’autre part, certains étudiants ont appris qu’il est préférable de s’exposer, car plus on fait d’exposés oraux, moins cela devient une source de stress.

Des données probantes
Au volet 3, 438 étudiants ont rempli les questionnaires, soit 278 filles et 160 garçons représentant tous les programmes. Résultats :
─ Un étudiant sur quatre vit une problématique de santé mentale (40 % des filles et 14 % des garçons);
─ 10 % des étudiants sont exclusivement anxieux;
─ 9 % souffrent de comorbidité ou de coassurance;
─ 4 % présentent seulement des symptômes de dépression;
─ 20 % présentent des symptômes d’anxiété.

Des données encourageantes
Madame Marcotte précise que ce sont des données préliminaires, mais encourageantes : « Pour les jeunes qui ont suivi le programme, on constate une diminution des symptômes de dépression quand on les compare au groupe témoin. Au niveau de l’anxiété, on constate une tendance encourageante. L’effet optimal ne se fait pas sentir uniquement à la fin du programme. Il faut considérer que ce sont des apprentissages. Le jeune met des outils dans son sac à dos. Ça peut prendre des mois avant qu’il ne devienne habile à les utiliser. Confronter ses distorsions cognitives, avoir de meilleures habiletés d’étude, être capable de voir la situation de différents points de vue, ça prend de la pratique. À la relance, on constate encore une diminution du nombre de symptômes. Il faut se donner du temps pour voir les effets. »

Dix cégeps à travers la province ont montré de l’intérêt à expérimenter le programme. On peut donc s’attendre à en reparler dans les prochaines années.

Dossier préparé par Alain Lallier en collaboration avec madame Diane Marcotte et Madame Nancy Gosselin






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