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Une fin de session inédite : des étudiantes témoignent

Par Marie Lacoursière et Alain Lallier

 

Les étudiants ont vécu une fin de session 2020 inédite. Les cégeps ont fermé leurs portes à la mi-mars et ont poursuivi la session à distance. Comment les étudiants ont-ils vécu ce changement radical? Comment se sont-ils organisés? Qu’est-ce qui les a frappés? Et comment envisagent-ils la suite des choses pour l’automne? Le Portail a interrogé des étudiants qui témoignent de leur expérience.

 

Sandrine Jouegouo Tameu, étudiante en Soins infirmiers, Cégep de Sept-Îles

 

Sandrine termine sa dernière session du programme de Soins infirmiers. Témoignant de son expérience, elle la résume en disant qu’il y a eu des hauts et des bas. « C’était une expérience exceptionnelle. Au début, il y avait beaucoup d’inquiétude, beaucoup de doute. Nous avons été très bien encadrés par les enseignants qui de bout en bout ont maintenu le contact. Je pense que ce support a été très bénéfique pour la fin de la session. Mais, vraiment nous avons vécu des montagnes russes. Il y avait des moments où nous étions vraiment anxieux. Et d’autres moments où finalement on voyait et espérait le bout du tunnel. C’est une expérience particulière. Je ne suis pas sûre que nous allons revivre ça encore. Quelque chose de très particulier pour moi. »

Des enseignantes très proches

Sandrine a particulièrement apprécié cette expérience parce que la situation a fait appel à son autonomie. Elle trouve que cette fin de session lui a permis de consolider son engagement envers la formation qu’elle a choisie. Elle s’est bien sûr demandé pourquoi elle étudiait dans ce programme. Mais, au final, ça lui a permis d’aller puiser l’énergie supplémentaire pour pouvoir s’organiser, pour être plus motivée à faire ses devoirs. « La routine avec une présence au cégep permet d’encadrer les efforts. Mais, rendue à la maison, on se retrouve avec l’atmosphère familiale. C’est difficile de se recentrer sur ses études. Ça m’a demandé un effort supplémentaire pour terminer la session. Heureusement, les enseignantes étaient très proches. Elles nous envoyaient des nouvelles tout le temps. Elles étaient ouvertes. Elles nous rappelaient que l’on pouvait leur poser des questions. Nous avons aussi reçu beaucoup de soutien du cégep pour nous familiariser avec les équipements techniques » explique-t-elle.

L’étudiante n’a pas rencontré de problèmes au niveau des équipements nécessaires pour suivre ses cours à distance. Elle avait déjà à la maison une connexion internet de haut débit, un téléphone intelligent et un ordinateur portable.

La priorité du milieu : compléter vos études

Au Cégep de Sept-Îles, en Soins infirmiers, la fin de la session va se faire en trois vagues qui se poursuivent du 22 mai jusqu’au 5 juin. Contrairement à d’autres régions, la demande  du milieu de la santé pour inviter les étudiantes à venir prêter main forte avant la fin de la session n’était pas très forte. Les dirigeants de l’hôpital de Sept-Îles ont souhaité que les étudiantes complètent plutôt leur formation en mai pour venir appuyer les infirmières en place au début juin.La direction de l’établissement a donc travaillé de concert avec une équipe de professeures engagées et convaincues de l’importance d’offrir une formation de qualité malgré le contexte, puis avec le CISSS de la Côte-Nord, la Direction régionale de la santé publique et le ministère de l’Éducation et l’Enseignement supérieur pour assurer l’atteinte des compétences essentielles à un finissant du programme. Résultat? Sandrine est déjà sélectionnée pour travailler comme infirmière à l’hôpital dès le mois de juin.

Concernant la passation de l’examen de droit de pratique de l’Ordre, les étudiantes sont encore dans l’attente d’une confirmation d’une date exacte. La cohorte du mois de mars a vu la tenue de l’examen reportée dans le contexte actuel. Actuellement, Sandrine et ses collègues se préparent pour l’examen de septembre.

Travailler dans la région

Même si elle n’est pas native de Sept-Îles, Sandrine compte bien y rester et y travailler. « Sept-Îles est une très belle place. Étant donné que c’est en région, nous avons des chances de vivre des expériences particulières. À l’Hôpital de Sept-Îles, j’y ai travaillé comme préposée pendant ma formation. Je trouve que c’est une chance pour moi. Vu que l’effectif est moindre que par rapport aux grandes villes, nous avons plus de chances de vivre des expériences que dans une grande ville. Moi, je compte poursuivre ma carrière à Sept-Îles, ma famille et moi. »



Anne Bontour, étudiante en Technologie minérale au Cégep de Sept-Îles

Anne Bontour étudie en Technologie minérale depuis 2 ans. Elle complétera son programme dans la spécialité géologie l’an prochain.  Elle a très bien vécu cette fin de session hors de l’ordinaire. « Quand cette mesure a été prise du confinement, nous avons vécu un certain stress, parce que nous sommes dans une technique où il y a beaucoup de cours pratiques. J’avais des appréhensions. Mais, en fait, le cégep s’est très vite adapté. Dans notre programme, nous étudions les roches, c’est quand même dur d’étudier des carottes de forages sans les voir ou les toucher. Les enseignants ont très vite trouvé des moyens alternatifs : des cours par vidéos, des documents explicatifs. Le stress a diminué rapidement. Les cours ont été de très bonne qualité. », explique-t-elle.

Notre force d'adaptation a été stimulée

Anne pense qu’on peut tirer profit de cette expérience en matière d’adaptation : « Il a fallu s’adapter pour rendre des cours très pratiques en passant par la théorie, mais tout en permettant aux étudiants d’apprendre comment ça allait se passer sur le terrain. Notre force d’adaptation a été stimulée. »

Apprendre à distance ne fut pas pour elle une expérience nouvelle, puisqu’elle suit déjà des cours à distance pour entrer à l’université. Elle a par contre trouvé difficile de devoir scanner beaucoup de feuilles par exemple pour les dessins techniques de forage à la main. Mais par de-là ce petit inconvénient, elle a apprécié les plages de disponibilité des professeurs en-dehors des cours pour répondre aux questions et le fait que les enseignants aient adapté leurs examens.

Le travail en groupe a pu se poursuive. La vidéoconférence a permis de mettre deux ou trois étudiants dans une salle virtuelle pour faire des exercices.

Un enseignement hybride envisagée positivement

Anne envisage positivement qu’à l’automne le collège offre un enseignement hybride avec des cours théoriques à distance et des laboratoires pratiques au collège. Étant donné qu’en technologie minérale les cohortes sont de petites tailles, le respect de la règle de distanciation sociale pourra être facilement respecté.

Pendant cette dernière session, Anne a continué à travailler en même temps que ses études. « C’est important pour moi pour acquérir différentes connaissances et compétences. Ça permet de vivre et de créer un réseau social. J’ai fait des demandes de stages auprès de compagnies minières, j’espère qu’elles vont y répondre positivement. »



Geneviève Duclos, étudiante en Langues, Lettres et Communications au Cégep de Sept-Îles

Durant la dernière session, Geneviève, étudiante finissante en Langues, Lettres et Communications au Cégep de Sept-Îles, assumait la présidence de l’Association étudiante de son collège. Elle nous explique que les professeurs ont utilisé les plateformes Zoom et Microsoft Teams. « Nous avions quelques cours théoriques en visioconférence, mais la majorité de nos travaux étaient sous forme de rédactions personnelles et nous avions moins de cours en présentiel avec professeur. » Geneviève demeure à Sept-Îles et avait accès à une bande passante satisfaisante lui permettant de réaliser chacune des tâches et fonctions assignées.

Gestion du temps et confinement

Parmi les choses qu’elle retient de cette fin de session, elle précise que les professeurs ont réduit la matière pour passer à l’essentiel. « Les cours étaient denses et concentrés en informations pertinentes et de bon rythme. J’ai cependant trouvé plus difficiles la gestion du temps et le confinement à la maison, où sont obligatoirement assumées l’ensemble des tâches scolaires. Je choisissais trop souvent la procrastination » de souligner la principale intéressée.

La situation des étudiants parents

En même temps que ses études, Geneviève occupe un travail rémunéré de 15 à 20 heures semaine dans une micro-brasserie. À titre de présidente de l’association, les étudiants lui ont témoigné qu’au début, ce fut très difficile et exigeant en termes d’adaptation. « Certains étudiants avaient des plans d’interventions. Plusieurs à notre grand étonnement n’avaient pas accès au matériel requis pour suivre les cours en lignes. Certains parents étudiants manquaient carrément de ressources et ont dans ce cadre été pénalisés. Ils devaient mettre les bouchés doubles et faire des efforts sans pour autant obtenir les résultats recherchés. Plusieurs ont des enfants. Il s’agit d’une réalité qui mérite d’être sérieusement considérée. En tant que présidente de l’association étudiante nous ne pouvons faire des miracles. Mais l’idée a germée de mettre sur pied une garderie pour ces enfants puisque la Technique en Éducation à l’enfance est offerte chez nous. Je sais par ailleurs que certains cégeps ont mis en place une garderie ouverte aux parents étudiants. »

Ajouter du visuel et aider les étudiants venant du secondaire

Interrogée sur les suggestions qu’elle ferait pour la prochaine session, elle pense que l’idée d’ajouter du visuel serait intéressante. « Plusieurs enseignants optent pour les cours magistraux et les présentations orales. Avec les cours en ligne, ce n’est cependant pas évident. À distance, je crois que la gestion du temps est moins évidente. Personnellement, je suis étudiante finissante, mais il y a des étudiants qui arrivent du secondaire, qui amorce leur formation;  il serait important de leur offrir des outils leur permettant de mieux gérer leur temps comme des calendriers dans chacun des cours hebdomadaires expliquant les taches de la semaine, des aspects simples, pas compliqués, mais qui font en sorte que c’est facile de se retrouver dans toutes les applications informatiques. »

Parmi les craintes qui l’habitent concernant la rentrée de l’automne, elle souligne le problème des abandons : « les élèves qui n’entreront ni au cégep ni à l’université ou encore ceux qui abandonneront rapidement - parce qu`il faut le dire les cours en ligne ce n’est pas évident - c’est préoccupant. Il faut être très autonome pour se gérer soi-même, gérer son temps, mettre beaucoup d’efforts. Ce qui n’est pas adapté à tout le monde. »

Les étudiants doivent être indulgents face aux professeurs

Geneviève Duclos tient à préciser que les enseignants vivent aussi une situation difficile. « Je fais partie de la commission des études. À titre de présidente de l’association, j’ai été impliquée auprès des enseignants. Il m’apparaît important de rester en contact avec eux. J’ai parlé avec plusieurs en visioconférence et ils sont conscients du grand défi à relever. Ils doivent se rapprocher des étudiants et les aider; les étudiants doivent être indulgents face aux professeurs qui ne possèdent pas le savoir absolu. Le travail en ligne exige des habiletés particulières à apprivoiser. En plus des cours offerts, nous avions aménagé des possibilités pour qu’un étudiant puisse, par courriel ou par FaceTime, parler individuellement à un professeur. Ces derniers sont vraiment accessibles et ouverts. Dès que nous avons besoin d’aide, ils nous donnent leur plage horaire de disponibilités. », conclut-elle.



Commentaire de la directrice des études du Cégep de Sept-ÎLes, madame Marie-Ève Vaillancourt

Dès les premiers signaux envoyés par le gouvernement qu’il fallait envisager à court terme une reprise des cours, mais à distance, le Collège a œuvré à créer de la stabilité dans l’instabilité, avec tout ce que cela comporte de défis. Quand elle regarde la situation avec le peu de recul qu’il est possible de prendre à ce moment-ci, Marie-Ève Vaillancourt,directrice des études au Cégep de Sept-Îles,estime que c’est tout un tour de force qui a été réalisé par l’ensemble des acteurs impliqués. « Tout le travail qui a été accompli pour sauver la session des étudiants témoigne de l’importance accordée à la mission de l’établissement : tout le monde, peu importe l’entité du collège, a travaillé dans le même sens pour le bien de nos étudiants. Je suis très fière de ce que nous avons accompli ensemble! »

Les nouvelles opportunités qu’offrent la formation à distance vont continuer d’enrichir les programmes offerts au Cégep de Sept-Îles, « mais il est certain qu’elles ne peuvent se substituer complètement aux bienfaits d’un enseignement en présentiel », précise madame Vaillancourt. « Nous saurons tirer profit de l’expérience dans laquelle nous avons été projetés bien malgré nous à sa juste valeur », conclut-elle.
 






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