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Rassembler pour réussir


Mémoire de la FNEEQ-CSN — Chantier sur la réussite en enseignement supérieur

 

Par Thérèse Lafleur

Au début de février 2021, cinq rencontres de consultation ont permis d’approfondir la réflexion dans le cadre du Chantier sur la réussite mené par le ministère de l’Enseignement supérieur. Balisés par les questions soumises par le Ministère, les échanges entre les acteurs de la communauté collégiale et universitaire ont porté sur les enjeux relatifs à l’accessibilité, à la transition entre les ordres d’enseignement, au soutien de la diversité ainsi qu’à la consolidation et à la diffusion des connaissances en matière de réussite. À la suite de ces rencontres et à la lumière des échanges, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) a déposé le Mémoire de la FNEEQ-CSN dans le cadre du Chantier sur la réussite en enseignement supérieur, le 24 février 2021. La présidente de la FNEEQ-CSQ, Caroline Quesnel, en commente ici les grandes lignes.

             Caroline Quesnel, présidente, FNEEQ-CSN

Un mémoire rédigé a posteriori >

« Notre mémoire est différent de ceux des autres organisations, car il comporte aussi une réaction à ce que nous avons entendu lors des journées de discussions interordres. Nous nous sommes nourris des propositions entendues en atelier, pour les enrichir ou les nuancer.

< Un cadre qui ne nous semble pas convenir >

« Cependant, nous nous permettons une critique à l’égard du Ministère qui nous convie à un exercice qui est fondamental, celui de la réflexion sur la question de la réussite des étudiantes et des étudiants, mais dans un cadre qui ne nous semble pas convenir au sujet. En effet, nous avons été conviés à la fin de décembre 2020 pour des rencontres en début de session et pour le dépôt d’un mémoire à la fin du mois de janvier 2021. Reconnaissons que nous ne sommes pas des machines et que nous sommes en pandémie !

« Nous déplorons donc le format et le traitement accéléré d’un sujet aussi complexe et important. Les enseignantes et les enseignants devraient être au cœur de la réflexion sur la réussite. Avouons qu’il est difficile d’adhérer à un projet où l’on est consulté à toute vitesse. De plus, en limitant notre intervention lors des journées de consultation à une seule personne, alors que les directions étaient nombreuses, c’est un drôle de message qu’on nous envoie. De la manière dont le Chantier est organisé, nous constatons avoir été peu considérés.

« Pourtant en lançant cette réflexion sur la réussite au collégial en 2019, la Fédération des cégeps nous a associés au projet dès le départ. Nous avons été du colloque Oser la réussite en 2020 et la Fédération nous a tenus informés. Et voilà maintenant que le Ministère a repris le projet de réussite au collégial et l’a élargi aux universités également. Donc, ce n’étaient pas seulement les cégeps qui étaient conviés au Chantier sur la réussite au début 2021, c’étaient aussi les partenaires des universités.Tout l’enseignement supérieur.Il s’agit d’un exercice beaucoup plus large. Comme la FNEEQ représente 85 % des profs des cégeps et aussi 85 % des personnes chargées de cours dans les universités, nous étions doublement interpellés et doublement déçus de ne pas être de la partie en amont de la consultation.

< Faire en sorte que les enseignants se sentent véritablement au cœur de ce questionnement sur la réussite >

« Il faut comprendre qu’à l’enseignement supérieur, le fonctionnement est largement fondé sur la collégialité tant dans les cégeps que dans les universités. Ce fondement même de réflexion et de prise de décision en collégialité prend du temps. Mais quand il s’agit de susciter l’adhésion, cela permet à tous les acteurs d’un milieu d’avoir leur mot à dire et de se sentir interpellés. Là, je crois que le Ministère a raté sa chance de faire en sorte que les enseignants se sentent véritablement au cœur de ce questionnement sur la réussite. Donc, d’entrée de jeu notre mémoire reflète cette réaction et cette déception que nous avons à l’égard du Ministère. En conclusion de notre mémoire, nous invitons d’ailleurs le Ministère à prendre en considération cette question de l’adhésion, de nous inclure davantage dans le plan de travail qu’il souhaite présenter au printemps en vue d’une mise en œuvre dès le mois de septembre 2021.

< En fixant des objectifs et des exigences quantifiés, le Ministère limite la portée de la notion de réussite >

« Le concept même de la réussite est un élément sur lequel nous voulons insister. Nous adhérons à la définition i de réussite proposée par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et auquel réfère la documentation entourant les travaux du Chantier sur la réussite. En abordant la réussite, notre mémoire traite évidemment de connaissances et de compétences, mais dans la perspective d’un projet personnel de développement qui comporte des dimensions culturelles, professionnelles, civiques, citoyennes. Une dimension plus globale et aussi plus critique.

« Cependant, tant dans la consultation que lors des ateliers, il semble que nous nous éloignons de cette définition du CSE. Bien que le Ministère la mette de l’avant, le taux de réussite semble primer. Une conception chiffrée de la réussite déclinée en cibles ambitieuses pour les trois prochaines années. C’est un indicateur de réussite, nous ne pouvons pas le nier. En fixant des objectifs et des exigences quantifiés, le Ministère limite la portée de la notion de réussite. Et cela sans considérer les impacts de la grande absente du cahier de consultation, la pandémie de COVID-19.

< Ces objectifs chiffrés doivent être considérés à la lumière des effets de la crise sanitaire  >

« Comment peut-on se donner des objectifs chiffrés de réussite pour les trois prochaines années sans tenir compte du fait que les élèves du secondaire n’ont pas eu d’épreuves ministérielles pendant deux ans, alors que l’enseignement fluctue entre "à distance" et "en présence" et, qu’au secondaire en particulier, toute la matière n’est pas couverte ? Si la portée d’un chantier sur la réussite est automatiquement associée à la diplomation au bout d’un, deux ou trois ans, et à l’augmentation du nombre d’étudiants qui vont obtenir leur diplôme en temps requis, c’est sûr qu’on se tire dans le pied et qu’on se condamne à l’échec. Ces objectifs chiffrés doivent être considérés à la lumière des effets de la crise sanitaire.La pandémie est absente des échanges.

< Justifié de constater qu’il y a stagnation au collégial >

« Rappelons-nous que ces cibles et les résultats visés, tels qu’indiqué dans le cahier de consultation, sont issus du Plan stratégique 2019-2023ii déposé en 2019 par le ministre Jean-François Roberge. Des objectifs qui datent de 2019, soit un an avant la pandémie. Il y a donc un décalage par rapport à la réalité. C’est pourquoi cela nous parait assez incongru d’avoir des objectifs ciblés de réussite bien qu’il soit justifié de constater qu’il y a stagnation de la diplomation au collégial. Mais il y a plusieurs nuances à apporter en ce sens. La composition de la population étudiante est en constante évolution tout comme les besoins de soutien et la diversité des parcours.

< La réussite au collégial et à l’université est liée à la réussite au primaire et au secondaire >

« Nous pensons aussi que ce qui se passe dans les cégeps et aussi dans les universités est interrelié directement avec ce qui se passe au primaire et au secondaire. C’est pourquoi il ne faut pas passer sous silence ni sous-estimer le continuum des parcours scolaires de la petite enfance jusqu’aux études supérieures. Par exemple, la réussite du cours de français au collégial est en lien direct avec les défis de la maîtrise de la langue au secondaire et l’Épreuve ministérielle de français qui précède au secondaire en est un bon indicateur. Il y a des explications aux échecs qui sont liées au système dans son entier et dont nous devons tenir compte. Le sujet de la réussite est complexe, le regard doit être panoramique..

< Peut-être que certains mythes sont en voie d’être relativisés >

« Nous souhaitons, entre autres, que la pandémie pousse plus loin la réflexion. Ce que nous vivons en en temps de crise sanitaire nous affecte profondément et met en évidence des éléments que nous avons à cœur, comme la qualité de relation pédagogique en présence. Peut-être que certains mythes sont en voie d’être relativisés ? Il faut se donner le temps de regarder les avantages et les inconvénients et mener une réflexion. Il ne faut pas tenir pour acquis que les conditions d’enseignement sont changées pour toujours et que l’enseignement en mode "non présentiel" est nécessairement  là  pour durer. Il ne faut surtout pas faire de ce que nous vivons actuellement, dans un contexte exceptionnel, le laboratoire du futur. Mais nous réfléchissons à vide si nous oublions la pandémie ! » rappelle madame Quesnel en fin d’entrevue.

Les recommandations de la FNEEQ-CSN

En réponse au document de consultation, la FNEEQ-CSN fait les recommandations suivantes :

  1. Nous proposons la mise en place de comités nationaux de programmes d’études qui réuniraient des enseignantes et des enseignants des disciplines porteuses des programmes concernés, des disciplines contributives et de la formation générale.
  2. Le gouvernement devrait favoriser des mesures matérielles d’accessibilité aux études, notamment en améliorant l’aide financière aux études, en rémunérant les stages et en instaurant la gratuité scolaire.
  3. L’offre de programmes et de cours en région devrait être bonifiée et diversifiée, entre autres en tenant compte des caractéristiques et des particularités propres à ces régions.
  4. Étudier les recommandations formulées par l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador dans le cadre de son Plan d’action sur le racisme et la discrimination.
  5. Consacrer plus d’efforts à la mise en œuvre des cibles de représentation des groupes ciblés par la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics.
  6. Augmenter le financement public des services publics en général et de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur en particulier, y compris celui de la recherche.
  7. Améliorer la concertation interordres, notamment par la mise sur pied d’une commission permanente de liaison en enseignement supérieur.
  8. Abolir la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial.
  9. Améliorer les conditions de travail du personnel enseignant de tous les ordres.


i Conseil supérieur de l’éducation, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2008-2010 – Conjuguer équité et performance en éducation, un défi de société, Québec, octobre 2010, p. 61.
ii Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, Plan stratégique 2019-2023.






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