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Quand la classe prend la clé des champs

Dossier préparé par Marie Lacoursière, édimestre au Portail du réseau collégial.

Après plus de trois années de réflexion, le projet a vu le jour au Collège de Maisonneuve en septembre 2016 sous l’initiative d’Emmanuel Loeub, enseignant au département d’éducation physique, et de Lynda Champagne, coordonnatrice du programme Sciences, lettres et arts et professeure au département de philosophie. L’idée est née d’un désir de changement qui permettrait à davantage d’étudiants de vivre des expériences significatives à l’intérieur même des cours spécifiques et généraux de leur parcours collégial et, surtout, qui placerait un groupe de professeurs en situation de collégialité dans une optique transdisciplinaire. Certains cours de plein air sont déjà offerts à Maisonneuve, mais ceux-ci ne durent que deux ou trois jours et se limitent au cours d’éducation physique ou à des activités parascolaires. L’idée que le plein air intensif devienne un environnement éducatif non seulement pour l’éducation physique mais aussi pour la philosophie, les mathématiques ou toute autre discipline est un concept novateur dans le réseau et c’est là que le projet prend tout son sens.

L’idée était donc la suivante de préciser l'enseignant  «regrouper tous les étudiants et professeurs du programme SLA et transporter les classes avec nous afin de passer une semaine en nature au parc national du Mont- Tremblant où les étudiants suivraient, en plus de leur cours de 30 heures d’éducation physique, tous leurs cours prévus durant la quatrième semaine de la session, c'est-à-dire mathématiques, biologie, philosophie, sociologie, français-théâtre et leur cours d’intégration. Voici un aperçu de cette semaine atypique : des cours magistraux en amphithéâtre et en pleine nature, un cours de canot en eau calme, un « raid » d’aventure de six heures, six ateliers pédagogiques liés aux disciplines de la formation (spécifique et générale), l’ascension de tous les sommets du secteur de la Diable, une activité solo de cinq heures, des repas communautaires, du vélo à tous les jours comme moyen de déplacement, de nombreux moments d’échange et de partage entre collègues et étudiants».

Fait important à mentionner, la collaboration de la SEPAQ, par le biais de M. Jean-François Boily et des employés sur place, fut exemplaire et d’une richesse incontournable. L’utilisation des tentes Huttopia a permis de faciliter grandement la logistique de l’événement; la beauté de l’environnement au secteur de la Diable jumelée à la facilité d’accès aux différents bâtiments et équipements de plein air furent déterminantes pour le succès de cette première édition.

Enseigner au sommet d’une montagne
Les cours ont donc été donnés de façon magistrale ou encore de façon pratique sur le terrain ou dans le magnifique amphithéâtre de la SEPAQ. Ce fut le cas pour le professeur de mathématique. Le premier matin, les étudiants ont pris leur vélo pour se rendre à l’amphithéâtre alors que le lendemain, comme une randonnée pédestre était au programme, le professeur a décidé de donner son second cours de mathématique intégral au sommet d’une montagne. «  Les élèves étaient hyper attentifs malgré la chaleur, le vent et les touristes. » L’objectif de l' organisation visait à ce que les enseignants trouvent de nouvelles façons d’enseigner pour être avec les élèves et communiquer davantage avec eux. Ils y allaient donc selon ce qu’ils estimaient probant. Hélène Lambert, enseignante en mathématique, ne visait pas à passer uniquement sa matière, mais également à le faire de façon différente en créant un lien avec ses élèves.

Les enseignants comme les étudiants ont apprécié l’expérience, précise Emmanuel Loeub. « Malgré le fait que ces derniers assumaient une semaine de 40 à 60 heures d’activités physiques de 7 h le matin à 9 h le soir, ils sont restés attentifs durant les cours magistraux et pleinement engagés dans les ateliers et activités physiques. »

Le retour sur l’activité, faite au cégep deux mois après l’événement, fut éloquent. Les étudiants ont assisté à une présentation devant les parents, les collègues, les dirigeants et les futurs étudiants. Ils ont évoqué l’expérience de façon extrêmement positive et touchante. « Nous avons donc l’intention de reconduire l’activité en 2017. Nous envisageons également la possibilité d’offrir le projet à d’autres départements, spécialement ceux qui ont des élèves avec des difficultés d’apprentissage. »

Les perspectives d’avenir
Cette année, 42 étudiants étaient inscrits au cours. Huit professeurs, deux moniteurs et un appariteur ont constitué l’équipe d’intervenants responsables de l’organisation et de l’actualisation d’une logistique orientée vers le bien-être et l’efficacité de l’événement. « L’expérience se veut bénéfique et nous aimerions la faire vivre à nouveau sur une période prolongée puisque c’est à partir de deux ou trois jours que les étudiants arrivent à décrocher de leur quotidien, sortir de leur zone de confort, oublier quelque peu les problèmes qu’ils rencontrent à la maison et le stress relié aux études. Si nous partons pour quelques jours seulement, nous risquons de manquer le bateau. Il importe de créer une véritable pause dans la vie hyper stimulée vécues par ces jeunes adultes », d’insister l’enseignant.

L’horaire a été conçu en vue d’obliger les principaux intéressés à se détacher de leur quotidien, de la technologie, de leurs études, de leur famille et de leur routine, et cela constitue un grand avantage pour eux. « Ils sont amenés à collaborer à quelque chose de plus grand qu’eux. Nous les sortons de leur quotidienneté en leur offrant un espace-temps prolongé à travers lequel ils sont moins stimulés qu’à l’habitude et capables de réfléchir sur leur façon d’être, sur ce qu’ils vivent dans le moment présent et sur leur implication en société. »

Des aménagements envisagés pour une prochaine aventure
Le projet visait entre autres à fournir un allègement aux élèves inscrits, qui se sont finalement retrouvés avec un horaire plus que chargé durant l’ensemble de la semaine et surtout à leur retour au collège la semaine suivante. Les responsables entendent donc à la fois enrichir le projet et s’assurer de ne pas surcharger les étudiants. « Le volet artistique, à titre d’exemple, a été peu exploré et nous aimerions l’intégrer. L’enjeu des changements climatiques pourrait aussi être abordé d’une façon originale dans un tel environnement. Nous devrons donc repenser certains aspects de la programmation afin de trouver l’équilibre que nous souhaitons. Nous devrons de plus composer avec l’équipe d’enseignants qui se joindra à l’aventure.

(…) » Nous avions 10 intervenants et les 42 étudiants qui provenaient du programme Sciences, lettres et arts qui sont des étudiants performants à l’école et qui ne prenaient pas trop de retard en participant au projet. Ce sont des étudiants qui s’engagent rapidement et facilement dans une activité. Ils sont relativement en bonne forme physique et se préparent bien, ce qui  aidait beaucoup. Récemment, nous avons fait une présentation au cégep devant les parents et les nouveaux inscrits pour l’année 2017-2018. Nous avons de plus été invités à l’Université du Québec pour faire une présentation devant les étudiants inscrits à la maîtrise. Nous sommes grandement satisfaits et réalisons que ce projet a pris une grande ampleur et qu’il s’inscrit bien dans une dynamique de collaboration.

(…) » Le Collège de Maisonneuve est un grand collège où il peut être quelquefois difficile de mener des projets à terme, ce qui se comprend : nous sommes nombreux et les projets complexes au niveau logistique peuvent être longs à mettre en place. Mais récemment les projets sont acceptés plus rapidement. L’écoute de nos dirigeants est bonne et leur collaboration est indispensable pour ce genre de développement. Nous réalisons qu’à travers ce projet, l’éducation physique s’est mise en relation avec plusieurs autres disciplines et contribue ainsi à l’ouverture de nouvelles avenues. » Un projet semblable mais dirigé vers les membres du personnel a récemment vu le jour alors que 24 professeurs et employés de 12 départements différents se sont réunis dans les Chic-Choc en Gaspésie pour une semaine de plein air et d’ateliers pédagogiques.

L’inspiration du projet
Emmanuel Loeub explique qu’une des idées qui ont inspiré le projet provient de l’expérience de son collègue Jean Saint-Denis, qui est allé faire un projet de mobilité enseignante il y a deux ans dans un lycée de Suède. Il y a observé la façon de vivre des Scandinaves, le modèle de rapport à la nature établi là-bas qu’ils appellent le friluftsliv. L’approche donne une place de choix au contact avec la nature. Le fait d’être en plein air, en forêt, de partir en famille est très privilégié dans les choix que font les Scandinaves.« Nous avons certes accès à la nature et sommes comparables à ces pays, sans toutefois en profiter autant. Chez nous, sortir en plein air devient quelquefois plus une occasion de compétition et de consommation. Nous essayons de faire autrement en nous inspirant dans nos enseignements des principes scandinaves. Le cours « 18 jours plein air » du Cégep de l’Outaouais a aussi été une des inspirations du projet à Tremblant. Cette expérience de 18 jours en nature, vécue par M. St-Denis, faisait partie d’un cours complémentaire et a permis de réfléchir aux bienfaits potentiels des séjours de longue durée sur les étudiants et les membres du personnel de Maisonneuve. Ces initiatives à l’étranger ainsi que celle que nous préparons pour nos élèves et nos collègues donnent une nouvelle impulsion à nos enseignements  », conclut M. Loeub.

 






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