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Une fin abrupte pour les bourses Perspective
Les bourses Perspective du gouvernement du Québec étaient offertes aux étudiants inscrits au cégep et à l’université dans des domaines touchés par une pénurie de travailleurs, comme le génie, la santé et les services sociaux, l’éducation et les TI.- Photo: Graham Hughes Archives La Presse Canadienne
Ce texte fait partie du cahier spécial Métiers, professions et carrières d'avenir
Déçu par les résultats mitigés du programme de bourses Perspective, le gouvernement québécois y a mis fin prématurément. Il devra trouver d’autres moyens pour attirer des jeunes dans des secteurs où la main-d’œuvre se fait rare.
Le programme des bourses Perspective découlait d’un investissement de 1,7 milliard de dollars sur quatre ans annoncé en 2021. Les étudiants au collégial inscrits dans des domaines qui vivent une pénurie de travailleurs, comme le génie, la santé et les services sociaux, l’éducation et les TI, recevaient une bourse de 1500 $ pour chaque session terminée. Cette aide financière atteignait 2500 $ par session pour les étudiants universitaires.
Entré en vigueur à l’automne 2022, ce programme devait accepter de nouvelles demandes jusqu’à l’automne 2025. La date butoir a cependant été devancée à l’hiver 2025. Les étudiants déjà inscrits dans des programmes admissibles continueront de toucher leurs bourses jusqu’à la fin de leurs études.
Les cégeps pris de court
La Fédération des cégeps déplore que l’on retire un soutien financier aux étudiants dans un contexte où leur précarité est prononcée. En février, la Fédération étudiante collégiale du Québec et l’Union étudiante du Québec dévoilaient un sondage Léger selon lequel quatre étudiants sur dix avaient vécu de l’insécurité alimentaire dans la dernière année.
« Cette décision a aussi été rendue peu de temps avant la date limite du 1er mars pour s’inscrire à la session d’automne, souligne Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération. Les cégeps ont fait la promotion de ces bourses dans leurs communications et plusieurs étudiants en ont tenu compte en choisissant leur domaine d’études. »
Elle estime que ce programme se termine un peu comme il a commencé : dans la précipitation et sans consultations. « Le programme avait mis un peu de temps à décoller parce que les cégeps n’avaient pas été informés de son instauration suffisamment à l’avance, mais on voyait de plus en plus d’effets positifs sur les inscriptions et sur la persévérance », assure-t-elle.
Une stratégie contestée
La Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente des enseignants au cégep et à l’université, n’avait pas accueilli la création des bourses Perspective avec beaucoup d’enthousiasme. « Nous n’aimions pas l’idée de faire de la discrimination dans l’aide financière pour orienter les choix des étudiants vers les programmes qui plaisent le plus au gouvernement », résume le président Benoît Lacoursière.
La FNEEQ-CSN milite plutôt pour une bonification plus générale de l’aide financière aux étudiants, et sur une diminution des droits de scolarité. « Nous soutenons totalement les étudiants dans leur quête d’un meilleur appui financier à leurs études, mais cette aide doit être basée sur des critères universels », juge M. Lacoursière.
La FNEEQ-CSN remettait aussi en doute l’efficacité de cette stratégie pour réduire la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs. La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a justement invoqué des « effets inégaux dans certains domaines d’études » pour justifier la fin prématurée du programme. En entrevue à Radio-Canada, elle a soutenu que celui-ci avait permis de grossir les cohortes en TI et en génie, mais beaucoup moins en santé, en éducation et en services sociaux.
La Fédération des cégeps estime à un peu plus de 5 % la progression globale des demandes d’admission dans les programmes collégiaux visés entre 2022 et 2024. Cette hausse dépasse 20 % en génie et 6 % en TI. Cependant, elle a aussi noté des baisses respectives de 5 % et 1 % en éducation spécialisée et en santé et services sociaux durant la même période.
L’an dernier, plusieurs dirigeants d’universités avaient déploré le très faible effet de ces bourses sur les programmes concernés. Par ailleurs, dans un sondage du réseau de l’Université du Québec réalisé à l’automne 2022, seulement 1 % des bénéficiaires des bourses Perspective affirmaient avoir changé de choix de programme en raison de cette aide financière. Cependant, 11 % s’étaient inscrits à temps plein plutôt qu’à temps partiel et la même proportion ne serait pas allée à l’université sans la bourse.
Marie Montpetit espère que le gouvernement créera d’autres incitatifs financiers pour attirer les étudiants vers des programmes dans des secteurs d’emploi qui vivent des pénuries de main-d’œuvre. Elle croit aussi que des efforts pour redorer l’image de certaines professions ou encore plus d’offres de stages rémunérés pourraient aider.
Mais pour Benoît Lacoursière, le problème réside plutôt du côté de ce qui se passe après les études. « Si on veut rendre des professions plus attractives, on doit améliorer leurs conditions de travail, dit-il. Octroyer des bourses d’études ne suffit pas. »
Plus de 530 millions de dollars de bourse
Le programme des bourses Perspective a octroyé 257 976 bourses jusqu’à maintenant, dont 106 762 au collégial et 151 214 à l’université, pour un montant total de 538,2 millions de dollars, selon le ministère de l’Enseignement supérieur.
Source: Le Devoir