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Guy Rocher, le « père des cégeps », a 100 ans

La démocratisation de l’enseignement supérieur doit se poursuivre

Par Louis St-Jean

Dans la foulée de son centenaire, Guy Rocher, « le père des cégeps », continue d’inspirer notre société. Sa vision d’une éducation publique accessible, gratuite et démocratique, qui a modelé notre système d’enseignement, est plus actuelle que jamais. En tant que membre influent de la commission Parent, qui a mené à l’instauration du ministère de l’Éducation du Québec, il a fait entrer le Québec dans la modernité en posant les jalons de notre économie du savoir, idéalement axée sur l’égalité des chances. Près de 60 ans après la création des cégeps, un constat s’impose : la démocratisation de l’enseignement supérieur doit se poursuivre.
 

Accessibilité et démocratisation : les piliers du rapport Parent
Guy Rocher a été guidé tout au long de son parcours par deux concepts clés : l’accessibilité et la démocratisation de l’enseignement supérieur, qui ont constitué la fondation du rapport Parent.
Presque six décennies après l’avènement des cégeps, l’héritage de ce grand bâtisseur est résolument concret. « À l’automne 2022, 157 326 étudiants fréquentaient à temps plein l’un des 48 établissements d’enseignement collégial public du Québec. En 2032, ils seront plus de 180 000 », fait observer avec justesse Laurence Mallette-Léonard, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Un nombre impressionnant d’étudiants profitent d’une formation technique ou préuniversitaire de haute qualité, entièrement gratuite. Chez nos voisins du Sud, les étudiants doivent débourser des milliers de dollars pour une telle éducation. « Cette gratuité, cette démocratisation, cela permet en 2024 à chacun d’accéder au cégep, qu’il s’agisse de personnes en situation de handicap, de parents étudiants ou d’individus issus de milieux socioéconomiques défavorisés », renchérit la présidente de la FECQ.

 

Les cégeps : un rempart contre l’élitisme
La création des cégeps a mis fin à un système élitiste favorisant les plus aisés. « L’un des buts majeurs de la réforme Parent était de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur à une époque où peu de Québécois, surtout parmi les Canadiens français, allaient à l’université », rapporte Michaël Gaudreault, chercheur en statistiques chez ÉCOBES. L’implantation des cégeps à travers le Québec a permis d’élargir cet horizon aux études supérieures, en plus d’encourager les jeunes de toutes les régions et de tous les milieux sociaux à viser haut académiquement. « La proximité des cégeps est un facteur clé de réussite au secondaire, et les modèles statistiques le confirment. Les cégeps sont un outil essentiel dans la lutte contre les inégalités sociales », indique le chercheur.
 

Un tournant décisif pour les femmes
La création des cégeps a marqué un tournant décisif pour l’accès des femmes à l’enseignement supérieur, déclenchant une révolution significative et une transformation profonde de la condition féminine. « Bien que la réforme ait encouragé la poursuite des études pour tous, l’effet le plus notable des travaux de Guy Rocher, c’est l’augmentation de la diplomation féminine. Autrefois, les femmes ne pouvaient envisager des carrières en médecine, en droit ou en génie.Maintenant, grâce aux cégeps, ces occasions sont ouvertes à toutes », affirme Laurence Mallette Léonard.
 

La démocratisation des Cégeps : poursuivre la mission
Guy Rocher le soulignait encore récemment : la création des cégeps est la retombée la plus significative issue des travaux du rapport Parent, notamment parce qu’elle symbolise l’objectif premier de ce dernier : l’accès universel à l’enseignement supérieur. « Force est de constater que la démocratisation de l’enseignement supérieur n’est pas totalement achevée », souligne Bernard Tremblay. Le président-directeur général de la Fédération des cégeps insiste : « on doit retrouver l’élan de la Révolution tranquille ! » Alors que le Québec évolue dans une économie du savoir, la sous-scolarisation qui prévaut encore dans certaines régions et pour certains groupes de notre société est préoccupante. L’enseignement supérieur, dont font partie les cégeps et les universités, représente une clé incontournable pour l’émancipation des jeunes et des adultes. « Il importe de le reconnaître et de se doter d’une stratégie collective pour élaborer un nouveau chantier sur l’enseignement supérieur. L’héritage de Guy Rocher est immense. C’est désormais la responsabilité de toute une société de le porter plus haut, plus loin », réclame avec conviction Bernard Tremblay.

 

1960 :
13 % : personnes qui détenaient un diplôme de 11 année (5 e sec.)
4 % : personnes qui fréquentaient l’université

 

Aujourd’hui :
90 % : personnes âgées de 25 à 64 ans possèdent au moins un diplôme ou une qualification du secondaire
50 % : personnes âgées de 24 à 65 ans qui possèdent un diplôme ou une qualification collégiale
ou universitaire
75 % : femmes qui accèdent à des études secondaires (pratiquement aucune en 1960)

 

Automne 2022 : 157 326 personnes étudiantes inscrites au cégep à temps plein

Automne 2032 : plus de 180 000 à temps plein

 

48 : le nombre de cégeps répartis dans tout le Québec

20 avril 2024