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Travailler à être heureux

Article publié par Le Soleil - Normand Provencher

René Bolduc, ex-professeur de philosophie au Cégep Garneau et auteur de l’essai Travail et temps.

On en a trop, on se plaint. On n’en a pas, même refrain. On veut qu’il donne un sens à notre vie; il sème parfois l’ennui. Dans un monde où de plus de plus gens travaillent à être heureux et où notre rapport au travail se métamorphose, à quoi tout cela rime-t-il? Le Soleil en a discuté avec René Bolduc, ex-professeur de philosophie au Cégep Garneau et auteur de l’essai Travail et temps.

Parmi les changements induits par la pandémie, notre rapport au travail a été certainement l’un des plus significatifs. Dans plusieurs domaines, le virus a sonné le glas du travail au bureau. Le télétravail s’est installé à demeure. Une prise de conscience s’est aussi faite sur notre rapport au travail. Le déclic en a amené plusieurs à se réorienter, à changer complètement de métier afin de se réaliser dans un domaine qui connecte à leur identité profonde.

«La pandémie a joué un rôle de déclencheur pour bien des gens, confirme René Bolduc. Ç’a été l’occasion pour plusieurs de réfléchir à leur travail, à ce qu’ils voulaient faire de leur vie. Le travail, c’est ce qui nous définit. Qu’est-ce que mon travail m’apporte? Quelles traces vais-je laisser dans un an, cinq ans, dix ans?»

C’est lors d’une année sabbatique prise en 2016, après un quart de siècle d’enseignement, que le professeur de philosophie au Cégep Garneau s’est penché plus en profondeur sur ce que le travail représentait pour l’humain, «sujet casse-cou» s’il en est un, admet-il, qu’il traite de façon très personnelle dans son «essai exploratoire» Temps et travail.

Natif de Beauceville, René Bolduc a grandi sur une ferme, en bordure de la rivière Chaudière. Rapidement, il a réalisé que le «difficile métier d’agriculteur», aussi noble soit-il, n’était tout simplement pas fait pour lui.

«Mon métier d’enseignant m’a réconcilié avec la notion de travail, qu’il était possible de travailler et d’y trouver du plaisir […] Avoir gagné ma vie comme prof de philo, c’est quand même extraordinaire, je l’avoue. Merci à l’État québécois de m’avoir permis ça», glisse-t-il, attablé dans une brûlerie de Limoilou.

Être vs avoir

Dans le degré d’appréciation du boulot de chacun, René Bolduc insiste sur l’importance de voir notre travail représenter ce que nous «sommes», et non quelque chose que nous «avons». Autrement dit, être dans le fait d’être et non d’avoir.

Adolescent, alors qu’il occupait un poste de plongeur dans un restaurant, le jeune René n’avait pas le goût de dire «je suis plongeur», mais plutôt qu’il «avait une job de plongeur», nuance. «Comme vous préférez sans doute dire que vous êtes journaliste, et non que vous avez une job de journaliste», compare-t-il. 


« En général, les gens aiment ce qu’ils font, mais ce qu’ils veulent, c’est de trouver un sens, d’avoir un salaire décent et de pouvoir disposer de leur temps. »

— René Bolduc

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