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Cégep de Granby - Passer une nuit en prison… à des fins pédagogiques

29 mars 2017 – Une nuit en prison, c’est l’expérience qu’ont accepté de vivre 17 étudiants à l’invitation de Pierre-Philippe Lefebvre, enseignant de sociologie au Cégep de Granby. Le 3 mars dernier, onze étudiants de 2e année en Techniques d’éducation spécialisée et six de leurs collègues en Sciences humaines ont pris le départ en direction de Trois-Rivières afin d’y vivre une visite-expérience peu banale.
 


Le groupe devant l'ancienne prison de Trois-Rivières

 Les cégépiens ont eu droit à trois activités spécifiques : une visite guidée de la vieille prison de Trois-Rivières, une rencontre avec un ex-détenu et une sentence d’une nuit. L’expérience dans son ensemble a fait une forte impression sur le groupe du Cégep, comme en témoigne le texte de M. Lefebvre ci-bas.
Une visite pour les amateurs d’histoire
Vestige d’une autre époque, la vieille prison de Trois-Rivières est officiellement entrée en fonction en 1822. C’est l’organisation Amnistie internationale qui força sa fermeture en 1986 pour cause d’insalubrité. Les conditions inhumaines de détention de cet endroit en ont fait la pire prison du Canada : des seaux métalliques servent de toilette, des cellules trop petites couramment surpeuplées, etc.
 
Classée monument historique, aujourd’hui la prison fait office de musée et accueille le public. En compagnie de guides, on y découvre la vie quotidienne des prisonniers, mais aussi les conditions d’incarcération de l’époque, dont le spectaculaire « trou » : une obscure grotte insalubre pour mettre en isolement des prisonniers.
 


Entre les murs de la prison, une ambiance lugubre témoigne des conditions de détention

Derrière la froideur de la pierre, un univers d’émotions bien humaines
La rencontre avec Réjean, un ex-détenu de la vieille prison, nous permet de prendre conscience de l’humain derrière le détenu. Ayant purgé plusieurs peines, dont une pour homicide involontaire, cet homme témoigne avec émotion d’un passé difficile, de ses regrets et des traitements réservés aux prisonniers. Plus important, le contact repousse les préjugés.
 
Par son histoire, Réjean nuance les faits historiques et la perception des élèves d’un "meurtrier". « C’est bizarre, il est si gentil », me soufflera une étudiante. Parfois pris d’émotions contradictoires lors de la visite, notre guide demeure toujours sincère. Le moment est émouvant pour les élèves en Sciences humaines et pratiquement inoubliable pour les futures éducatrices spécialisées.
Conscientiser les jeunes aux risques et conséquences
Lors de ses échanges avec les étudiants, l’ex-détenu a également servi une mise en garde contre les accidents de jeunesse. C’est par le biais de leurs profils sur les réseaux sociaux que Réjean illustre ses propos, confrontant les élèves à certaines photos publiées pour les sensibiliser à la prédation en ligne et aux failles de sécurité.
Vivre l’expérience du monde carcéral ou le choc culturel…
Entre deux moments animés par notre guide, la visite est complémentée par de l’apprentissage expérientiel. Deux acteurs qui incarnent des gardiens de prison d’époque nous traitent comme les détenus. Le groupe est rapidement bousculé psychologiquement, invectivé et traité comme des détenus. Les acteurs ont une formation en éducation spécialisée ou en psychologie. Nous sommes « incarcérés » avec la prise de photo et d’empreintes digitales avant de nous voir attribuer une cellule.
 


Vivre l'expérience carcérale pour une nuit.

Phénomène intéressant sur le plan sociologique
- Dans un environnement hostile, les premiers de classe sont parfois les derniers. Comme les élèves performants intègrent rapidement les consignes et obéissent sans tarder (un trait qui favorise la réussite scolaire), ils attirent l’attention négative des gardes. Une étudiante se fait rapidement surnommer « Mme initiative » et une autre s’empêtre dans une directive avec une double contrainte. L’anxiété provoquée par une figure d’autorité négative est une nouveauté pour la plupart des étudiants performants. C’est souvent les élèves avec un vécu plus difficile qui s’en sortent le mieux. Les élèves moins performants deviennent des éléments plus forts dans la simulation d’incarcération et ils guident les collègues déstabilisés.
- Des tensions, entre fumeurs et non-fumeurs, provoquent un conflit qui cause une reconfiguration du pouvoir dans le groupe. Les étudiantes en TÉS sont presque toujours solidaires (et composent 100 % des fumeurs) tandis que les élèves en Sciences humaines sont plus divisés et critiques. La solidarité de chacun est testée devant les gardiens.

Au final, nous dormons pour une nuit dans les petites cellules, une épreuve pour plusieurs. L’expérience produit ses effets. Le lendemain, en fin de visite, les acteurs-gardiens ont expliqué les objectifs de l’expérience, les nuances et comment interpréter les sanctions imposées. Après quelques conseils, c’est l’heure des adieux.

L’après-séjour
Dans les jours suivants, les élèves font un retour personnel sur la visite-expérience. C’est un moment de synthèse. Chacun doit réfléchir sur les réalités historiques du Québec, le système de justice et la vie des détenus. Dans tous mes cours, les étudiants en parlent et un lien particulier s’est tissé entre les participants. Personne ne reste indifférent à cette activité et au contact d’une réalité nouvelle.
 
Merci à la Fondation du Cégep de Granby, dont la contribution nous a permis de vivre cette expérience.
 
Publication : Service des communications 
Collaboration : Pierre-Philippe Lefebvre, enseignant en sociologie
 
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