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Devoir de philo - Le capitalisme: déconstruire son emprise pour reconstruire le sens

L’idée selon laquelle le capitalisme est «naturel» procède avant tout d’une construction sociohistorique
26 novembre 2016 | Alexandre Tari - Collège Jean-de-Brébeuf | Le Devoir de philo

«[...] Il y a effectivement autre chose que le capitalisme — au départ un simple système économique — parvient à obscurcir», écrit Alexandre Tari.
Photo: Tiffet «[...]

Dans la rubrique «Le Devoir de philo», nous publions annuellement un extrait du texte gagnant du concours Philosopher qui se tient dans le réseau collégial.

 

Emmanuel Levinas (1906-1995), après avoir parcouru presque tout le XXe siècle, note avec sagesse dans Éthique et infini que « toute pensée philosophique repose sur des intuitions pré-philosophiques » (Éthique et infini, p. 14). Celle dont nous voulons traiter ici, poignante, nous fait régulièrement sentir que « quelque chose cloche » dans le discours du capitalisme, justifiant de facto ses logiques, son mode d’action sociale et la « réalité » qui en découle. Trois fois rien, mais des distorsions s’accumulent et nous déconcertent dans cet ensemble idéologique défendant, par exemple, la hausse illimitée du niveau de vie, l’impératif de croissance à tout prix, voire la notion même de « capital humain ». Or, comment articuler philosophiquement cet inconfort grandissant alors que le capitalisme demeure si désarmant, englobant, nous invitant à croire en sa nécessité inéluctable ? Comment qualifier le capitalisme ? L’existence et les buts de l’humanité sont-ils véritablement réductibles à ce qu’il nous propose ?

Généralement, les définitions du capitalisme admettent trois dénominateurs communs : la propriété privée des moyens de production, le libre marché et la compétition entre acteurs économiques. Pour les économistes classiques, ce sont en effet ces trois éléments qui, mis en interaction, permettent l’allocation la plus efficace des ressources, l’innovation, la maximisation de la production et donc, en bout de course, le progrès des sociétés. Il apparaît cependant que ces dynamiques ne peuvent être mises en branle sans un élément central, étant au capitalisme ce que l’essence est au moteur : la course au profit.

La théorie de la rationalité instrumentale, développée par Thomas Hobbes (1588-1679), expliquant que l’humain est un être cherchant fondamentalement son propre intérêt, la philosophie capitaliste soutient qu’il faut justement permettre à chacun de le faire librement. C’est en effet seulement ainsi, par le biais de ce que ses premiers promoteurs appellent l’harmonie naturelle des intérêts, que la société entière pourrait prospérer. L’être humain ayant besoin d’incitatifs pour accomplir quoi que ce soit, le capitalisme érige le profit individuel comme incitation cardinale, universelle, et organise en conséquence la société entière autour de celui-ci. Le profit, servant essentiellement à rémunérer le capital, devient ainsi à la fois sa clef de voûte et, simultanément, un véritable vecteur d’innovation, de développement et de productivité.

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