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Prometteuse découverte au Centre national en électrochimie et en technologies environnementales (CNETE)

Des travaux de recherche se poursuivront au CNETE pour en venir à la commercialisation d'un biosurfactant écologique. De gauche à droite, on reconnaît François Santerre (gestionnaire au CRSNG-Québec), Nancy Déziel (directrice du CNETE), André Gingras (directeur général du Collège Shawinigan), Michel Angers (maire) et Louis Tessier (chercheur émérite en biotechnologies). Photo: Stéphane Lessard


(Shawinigan) Les travaux effectués par le professeur Louis Tessier sur la création d'un biosurfactant écologique incitent le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada à accorder une subvention de 125 000 $ à son équipe, dans le cadre du programme « De l'idée à l'innovation ».

Le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales, affilié au Collège Shawinigan, devient ainsi le premier établissement d'enseignement non universitaire, avec le Northern Alberta Institute of Technology, à bénéficier de cette aide.

Cette subvention permettra au professeur émérite, appuyé par les chercheurs Hassan Chadjaa et Mohamed Rahni, de poursuivre en 2010 ses travaux pour en venir à l'étape suivante de la précommercialisation.

S'il rencontre les promesses, ce projet pourrait aboutir à la création d'une usine de fabrication de biosurfactant écologique. Déjà deux compagnies québécoises auraient démontré leur intérêt pour utiliser ce produit innovateur.

« Le but final est de créer une entreprise dérivée ici même à Shawinigan, en partenariat avec un producteur majeur de nettoyant », annonce Nancy Déziel, directrice du CNETE.

« Cette nouvelle entreprise entraînerait la création de plusieurs emplois de qualité en haute technologie. Elle participerait à l'activité économique de Shawinigan et elle contribuerait à la rétention de diplômés hautement qualifiés. »

Pour le professeur Tessier, il ne fait aucun doute que cette innovation sera commercialisée un jour.

« En 2012, nous serons fixés sur notre application industrielle », lance-t-il. « Je ne peux pas évaluer les chances qu'une usine voit le jour à Shawinigan, mais en ce qui concerne la commercialisation d'un biosurfactant écologique, j'en suis sûr à 90 %. Je suis extrêmement confiant. »

Le maire, Michel Angers, assure évidemment qu'il ne laissera pas passer l'occasion. Dans son siècle d'histoire, Shawinigan a d'ailleurs été associée à de nombreuses innovations, particulièrement durant sa florissante industrialisation, rappelle-t-il.

L'année 2010 dictera l'avenir de ces travaux. Au cours des prochains mois, M. Tessier et son équipe devront trouver une façon de rendre cette nouvelle technologie accessible financièrement. S'ils y parviennent, les portes de la commercialisation s'ouvriront et pour cette deuxième étape, la contribution financière du CRSNG du Canada peut atteindre jusqu'à 350 000 $ sur deux ans.

Une première au pays

François Santerre, gestionnaire par intérim pour le Québec du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, précise que les professeurs des collèges ne sont devenus admissibles au programme « De l'idée à l'innovation » qu'en 2006.

Traditionnellement, seuls des universitaires héritaient de ces subventions pour pousser leurs travaux de recherches. Le directeur général du Collège de Shawinigan, André Gingras, ne pouvait dissimuler sa fierté d'être parmi les deux premiers établissements non universitaires appuyés dans le cadre de ce programme.

M. Santerre ne serait pas surpris que cette reconnaissance donne des idées dans le réseau des Centres collégiaux de transfert de technologie.

« Historiquement, le mandat des cégeps était de répondre aux besoins des PME, notamment en formant des techniciens», explique-t-il. «Leur mandat n'était donc pas de faire de la recherche et de développer des brevets. Après quinze ou vingt ans, les chercheurs voient maintenant des opportunités pour être en avance dans une industrie. »

« Les Centres collégiaux de transfert de technologie s'en vont dans cette direction », ajoute-t-il. « Quatre-vingt pour cent de leur mandat demeurera la desserte de PME, car ils sont très efficaces là-dedans. Mais ils ont aussi développé tellement d'expertise et d'équipements à l'interne qu'ils possèdent des capacités de découvertes. »

Biosurfactant écologique ?

La découverte du professeur Louis Tessier peut paraître abstraite à première vue, mais les consommateurs entrent en contact quotidiennement avec ce type de produit.

Un surfactant peut, par exemple, provoquer la mousse d'un savon. « C'est un agent qui réduit la tension de surface, qui permet de décoller les saletés » explique M. Tessier.

Par contre, il s'agit d'une composante chimique, souvent d'origine pétrolière, donc potentiellement toxique et difficilement biodégradable. De plus, pour produire l'effet savonnant, il en faut une quantité appréciable.

Le procédé mis au point par le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales permettrait aux fabricants de réduire leur empreinte écologique, un élément qui peut devenir un avantage concurrentiel dans une société plus verte.

« En travaillant avec ma souche microbienne qui produit le biosurfactant que nous avons découvert en 2007, nous nous sommes rendu compte que ça prenait de 100 à 1000 fois moins de surfactant pour insérer dans les savons ou les produits détergents par rapport à ce qu'on utilise actuellement », explique le chercheur.

« De plus, en étant un produit microbiologique, il se biodégrade après 14 jours dans 95 % des cas. Nous avons donc approché des utilisateurs qui nous ont dit que si nous pouvions produire cette molécule de façon à ce que ce soit rentable, ils seront acheteurs. »

Les surfactants se retrouvent non seulement dans tous les types de savon, mais aussi dans les produits cosmétiques, la peinture, le textile et l'industrie alimentaire. Tous ces secteurs se retrouvent dans la mire du CNETE.

Le biosurfactant écologique ne cause aucune irritation à la peau. « On peut même le digérer ! » souligne M. Tessier. « En fait, notre but est de développer un taux de pureté tellement élevé qu'on puisse attirer aussi l'industrie pharmaceutique. »

Nancy Déziel, directrice du CNETE, précise que la demande pour ce produit s'exprime en milliards de dollars.

« En 2004, la quantité totale de surfactants vendus dans le monde atteignait 53 G$, tous secteurs confondus », avance-t-elle.

Pour le moment, l'innovation est protégée par un brevet temporaire d'un an. D'ici la fin 2010, une demande pour une protection permanente sera adressée à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada.