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Les cégeps, des «piliers de la formation»

Article publié par Le Devoir, Charlotte Mercille Collaboration spéciale

Le collège Montmorency offre de la formation en entreprise en sécurité incendie et prévention et en répartition d'appels d'urgence.
Photo: Ludik

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur

21 novembre 2020 - La Fédération des cégeps souhaite offrir la flexibilité nécessaire aux nombreux travailleurs qui désirent changer de cap ou étoffer leur bagage de compétences. Elle s'engage à faire partie de la solution pour (re)qualifier la main-d'oeuvre. Le point sur cette mission avec le directeur du réseau.


Cette vision des cégeps comme « piliers de formation » renvoie à la création même de ces collèges à la fin des années 1960, en pleine Révolution tranquille, alors que le système d'éducation était complètement désorganisé. Le directeur de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, estime que, depuis leur instauration, ces établissements ont contribué à la forte progression de la diplomation au Québec. « On est passés d'une population en grande partie sous-qualifiée à l'un des peuples les plus scolarisés », rappelle-t-il. La question de l'accessibilité aux études, autant sur le plan géographique que sur celui du cursus, est au sommet de ses priorités.

« La chose du milieu »

Le rêve du rapport Parent était de faire du cégep « la chose du milieu », et le réseau des cégeps continue de nourrir cette vision d'enseignement de proximité en s'arrimant aux besoins de la région desservie. « Les cégeps sont agiles et ancrés dans leur territoire. Ils s'adaptent en fonction des besoins, parce qu'on a l'habitude de collaborer », observe Bernard Tremblay.

La pandémie a testé cette aptitude : les cégeps planchent présentement sur différentes formations visant à se requalifier rapidement, et ce, sans renoncer à la qualité. « Si on veut que les gens aient le goût de retourner sur les bancs d'école, il faut rendre la chose plus accessible, plus attirante, et cela implique des formules plus courtes et à géométrie variable », croit Bernard Tremblay.


"Les emplois d'aujourd'hui en pénurie de main-d'oeuvre requièrent des formations techniques, mais au-delà de cet aspect, on a un enjeu de rehaussement des compétences"

— Bernard Tremblay

Dans le contexte de la pandémie, où les professionnels doivent parfois changer de carrière rapidement, les attestations d'études collégiales (AEC) ont la cote. « On mise sur le fait que ces attestations permettent d'être certifié en peu de temps. Ça limite le nombre de décrocheurs. Les emplois d'aujourd'hui en pénurie de main-d'oeuvre requièrent des formations techniques, mais au-delà de cet aspect, on a un enjeu de rehaussement des compétences », indique le gestionnaire.

D'autant plus qu'au-delà de la formation initiale, un diplôme octroyé en 2020 ne conduit plus nécessairement à la retraite, surtout à une époque de rareté de la main-d'oeuvre.

Pour répondre à cette demande, la Fédération a instauré un curriculum segmenté par blocs de compétences. Grosso modo, les programmes menant au diplôme d'études collégiales (DEC) ou à une AEC peuvent maintenant se découper en blocs de compétences. Les étudiants se qualifient ainsi au rythme qui leur convient et en fonction des besoins de leur industrie ou de leur région. À l'image de poupées russes, l'étudiant ajoute chaque bloc dont il a besoin, tout en pouvant obtenir l'AEC, voire le DEC, s'il le souhaite.

« C'est encore une fois l'idée de rendre la formation collégiale plus accessible aux personnes qui sont obligées de changer de carrière tout en ayant une vie familiale équilibrée », résume Bernard Tremblay. Une telle configuration risque d'attirer des individus qui n'ont pas nécessairement le temps ni les ressources pour se former dans une nouvelle industrie durant deux ou trois ans.

Le lieu des possibles

Outre la formation continue, les cégeps ont aussi développé une pédagogie adaptée aux jeunes âgés de 17 à 19 ans. « On a forgé cette spécialisation dans un groupe d'âge, à la croisée des chemins, entre l'adolescence et l'âge adulte. On retrouve moins cette expertise ailleurs, y compris dans le système traditionnel universitaire américain, par exemple », estime-t-il.

Bernard Tremblay voit le réseau comme le « lieu des possibles ». Après le parcours obligatoire du secondaire, le cégep est un lieu où se cristallisent, pour de nombreux étudiants, les passions et les professions qui en découlent. « C'est un point de jonction qui permet d'éviter la fatigue scolaire que le parcours obligé génère parfois. »

Aux yeux de Bernard Tremblay, le court séjour au cégep est pensé pour être un moment d'expérience, et l'enseignement à distance complique présentement ce rite de passage. Le porte-parole croit que le cégep doit rester un lieu physique de rencontres, surtout pour les cohortes plus jeunes. Il préconise une formule hybride pour les étudiants inscrits à la formation continue.

Durant les prochaines années, « le grand défi de notre système d'éducation, c'est de le rendre plus fluide entre les différents niveaux d'études. Que ce soit avec les universités ou les centres d'études professionnelles qui octroient des DEP, il faut faciliter la transition en s'adressant mieux aux élèves québécois qui n'empruntent pas le chemin de l'enseignement supérieur. C'est un besoin de société d'avoir des gens mieux formés », conclut-il.