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50 ans des cégeps : moments marquants et avenir.


 

Le point de vue de monsieur Gaétan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps (de 1985 à 2011)

Dans le cadre du congrès de la Fédération des cégeps tenu les 25 et 26 octobre dernier, une table ronde réunissait deux anciens présidents-directeurs généraux de la fédération, messieurs Gaétan Boucher et Jean Beauchesne, ainsi que le président-directeur général actuel, monsieur Bernard Tremblay, autour d’une table ronde sur le thème : 50 ans du réseau collégial vu par : Enjeux et moments marquants. Compte tenu de l’accueil qu’ils ont reçu de la part des participants, le Portail du réseau collégial tient à partager avec ceux qui n’ont pu assister au congrès, les propos de monsieur Gaétan Boucher, actif à la tête de l’organisme pendant 25 ans.


Pour Gaétan Boucher, un des moments marquants des 50 dernières années à l’ordre collégial, c’est la réforme mise de l’avant par madame Robillard : « En 1992, elle se lève en chambre et dit : “Tout est sur la table”. S’ensuivront six semaines de commission parlementaire (175 mémoires), des modifications à la Loi des collèges, la création de la Commission de l’évaluation de l’enseignement collégial. C’est une réforme dont nous parlons encore aujourd’hui. Dans les années qui ont suivi, toutes les réformes et toutes les tentatives de renouveler les cégeps ont échoué, que ce soit le plan d’action de madame Marois, le Forum sur l’enseignement collégial (juin 2004), la réforme de la gouvernance des cégeps (2007) de madame Courchesne ; le Rapport Demers (2014) qui, pour le moment, demeure lettre morte. Le projet de recréer un Conseil des collèges demeure également en veilleuse. À l’automne 2018, nous pourrions commencer une session, après 25 ans, sans qu’aucun changement structurant et structurel n’ait été apporté au réseau collégial. »

Le deuxième élément marquant : les compressions budgétaires. « Je vous rappelle qu’entre 1993 et 1999, 265 millions de compressions ont été imposées au réseau collégial. 800 postes de cadres, personnels de soutien, professionnels ont été abolis au même moment où on demandait aux personnels des collèges d’implanter la réforme sur l’enseignement collégial. Une véritable catastrophe! L’autre corollaire de cela : les compressions ont tellement touché l’État que c’est de là que date le désengagement de l’État à l’égard des collèges. C’est là où on a commencé à ne plus avoir d’expertise au ministère. Avant ces années, lorsqu’un collège avait un problème, il pouvait appeler la Fédération ou un fonctionnaire parce que leurs répondants connaissaient le fonctionnement des cégeps. À partir de ces années de mouvement, très peu d’intervenants avaient l’idée de téléphoner à Québec. »

Pour Gaétan Boucher, le troisième fait marquant qu’il retient : l’émergence politique du dossier de la réussite. « Monsieur Legault avait un dada et il l’a encore : c’est celui de la réussite. C’est ce qui a entraîné la question des plans de la réussite et des cibles de performance au tournant des années 2000. »

Se loger en enseignement supérieur
« Si vous relisez le Rapport du Conseil supérieur de l’éducation de l’année 1987-1988, il fait état de l’état des cégeps 25 ans après le Rapport Parent. Dans ce cadre, une des ambitions du Conseil réside dans l’importance de tirer l’enseignement collégial vers le haut. Les cégeps ont un pied dans l’enseignement secondaire et un pied dans l’enseignement supérieur, il faut tirer les cégeps vers le haut. Nous y sommes parvenus en modifiant la Loi des cégeps qui inscrit la mission des collèges autour du développement économique régional de la recherche et de la création des CCTT. »

Et les cégeps dans 15 ans ?

Invité à se projeter dans l’avenir, Gaétan Boucher retient les enjeux suivants pour le futur :
L’autonomie institutionnelle lui apparaît comme un enjeu d’avenir. « Étant donné qu’il ne reste que cinq fonctionnaires pour s’occuper de la révision des programmes et qu’on prend quatre, cinq ou six ans pour y arriver, je pense qu’il serait temps que les collèges aient un contrôle sur leurs programmes et leurs diplômes. »

Les enjeux pédagogiques demeureront d’actualité
« Le monde change. L’omniprésence des nouvelles technologies, les nouveaux profils d’étudiants invitent à reprendre le débat sur la formation fondamentale et sur la formation générale. Personne ne veut toucher à cette question. Moi, je suis libre de vous dire ce que je pense : ce débat doit absolument avoir lieu. Ce que nous enseignons et la manière dont nous le faisons sont toujours d’actualité. Pouvons-nous en débattre en toute sérénité ? Peut-être que les conclusions demeureront les mêmes, mais au moins nous aurons fait le point. »

Les enjeux de la réussite sont toujours d’actualité
« Le dossier de la réussite demeure dans les cartons politiques depuis l’an 2000. Cependant, quand vous regardez les statistiques, et si on exclut élèves présentant des handicaps, nous remarquons qu’encore aujourd’hui en 2017 nous en échappons quelque trois ou quatre sur dix qui sortent du cégep sans diplôme. Nous en parlons peu ; mais il y a là un enjeu qui est énorme et qui demeure d’actualité autant qu’il y a 17 ans quand il fut mis sur la table par monsieur Legault. »

La formation continue, un trésor inexploité
Pour Gaétan Boucher, la formation continue constitue un trésor inexploité. « Au-delà de l’enveloppe fermée et des règles ministérielles qui font toujours problème, il y a là un potentiel considérable. Un Québécois ou une Québécoise qui désire poursuivre sa formation continue doit choisir entre les commissions scolaires, les universités, les cégeps et les formateurs privés. Encore aujourd’hui, nous sommes les derniers à être choisis. Je rêve du jour où nous offrirons des cours de formation continue sur un horaire 24/7 à savoir des cours disponibles 24 heures par jour, et ce, sept jours par semaine, avant et après la grande messe… »

La diversification institutionnelle
« Pourrions-nous penser qu’un jour un cégep ne dispenserait que des cours de formation préuniversitaire ou la formation technique ? Qu’il pourrait se dire : moi, j’accueille des clientèles de troisième tour? Venez chez nous, nous avons toutes les ressources pour vous accompagner et vous aider à réussir. Pourrions-nous rêver qu’un collège et une commission scolaire décident de créer un OSBL pour gérer la formation professionnelle et la formation technique, particulièrement en région où souvent le cégep et la polyvalente sont quasi l’un à côté de l’autre?

Pour les quinze prochaines années, je me contenterais de cela… »


Dossier préparé par Alain Lallier, éditeur en chef, Portail du réseau collégial






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