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Cultiver le « vivre en français »

Le Cégep Gérald-Godin, pilier collégial francophone

L’Ouest-de-l’Île de Montréal est connu comme zone allophone et anglophone. Depuis 25 ans, le Cégep Gérald-Godin se veut un bastion de la culture francophone dans ce milieu plurilingue. Un contexte qui lui a permis d’acquérir une solide expertise en développement de compétences en français. Fort de ses réalisations, le Cégep Gérald-Godin inaugurait, le 18 octobre 2024, le Centre de recherche et d’innovation en francophonie éducationnelle, le CRIFÉ.

Par Thérèse Lafleur, rédactrice

Depuis 1999,  le Cégep Gérald-Godin se positionne comme un modèle d’éducation interculturelle et d’intégration des communautés. C’est l’engagement sans failles de francophones de l’Ouest-de-l’Île qui a mené à sa création.  Un cégep dont la mission est axée sur le renforcement de la culture francophone.

Alors que le Parti québécois était au pouvoir,  le premier ministre Jacques Parizeau a décidé qu’un cégep francophone verrait le jour dans l’Ouest-de-l’Île. Un cégep inspiré de l’héritage de Gérald Godin,  écrivain et homme politique.

La Salle Pauline-Julien a été nommée en hommage à la chanteuse,  compositrice,  actrice et compagne de Gérald Godin. Le Cégep se révèle ainsi un haut lieu de la scène artistique régionale, en français bien sûr.

La vidéo du cinéaste Manuel Foglia,  Le Cégep Gérald-Godin : 25 ans d’éducation francophone dans l’Ouest-de-l’Île de Montréal, trace les grandes lignes de ce qui s’est avéré une épopée. On y retrouve des témoignages de membres de cette communauté francophone déterminée et persévérante.

Ces 25 ans ont aussi été marqués par une motion déposée à l’Assemblée nationale par la ministre de l’Enseignement supérieur,  Pascale Déry, saluant « l’engagement exceptionnel en enseignement supérieur,  dans la communauté et dans le rayonnement de la langue française du Cégep Gérald-Godin, le plus jeune cégep du réseau et le seul cégep francophone de l’Ouest-de-l’Île de Montréal. »

Une déclaration du député de Nelligan, Monsef Derraji, a également souligné ces 25 ans d’engagement éducatif et citoyen devant l’Assemblée nationale.

Un microcosme d’expertises

La directrice générale du Cégep Gérald-Godin,  Julie Pelletier, explique que les 25 dernières années ont permis de tout mettre en place pour que se développe le CRIFÉ.  « Nous avons de l’expertise dans les cours de français et dans le développement des compétences langagières. Le Centre d’aide en français est solide. Notre approche programme est forte de ses 25 ans. Les locaux sont pensés en ce sens. Il y a des salles d’appartenance programme. L’esprit d’intégrer le français,  la philo et la formation générale est bien réel.  Les gens se connaissent et collaborent. »

Les questions de littératie, de lecture et d’écriture sont transversales. C’est une façon de vivre, d’enseigner et aussi d’apprendre.

Julie Pelletier, directrice générale, Cégep Gérald-Godin

D’ailleurs, en lien avec le rapport La maîtrise du français au collégial : le temps d’agir, le magazine L’actualité[i][ii] plaçait le Cégep Gérald-Godin comme chef de file à l’épreuve uniforme de français, dans le renforcement du français et dans le soutien via le centre d’aide.

Depuis 2018,  le Cégep profite aussi de la présence du Laboratoire de soutien en enseignement des littératies, le LabSEL. Le LabSELa pour objectif de soutenir les intervenants.es du réseau collégial. Il recense et diffuse les informations et pratiques liées au développement des compétences en littératie.  Il collabore à diverses initiatives visant à relever les défis spécifiques rencontrés au collégial en la matière.

« Nous avions tous ces savoir-faire en développement des compétences langagières,  en littératie avec le LabSEL et la francisation est une de nos forces. » mentionne madame Pelletier. « L’intégration interculturelle et la francisation sont nos créneaux. En arrivant à la direction générale en 2022,  j’ai proposé de rassembler ces expertises sous une coordination globale. C’est ainsi qu’à force de travailler et de réfléchir ensemble, le CRIFÉ a été mis en place. »

Le CRIFÉ a été créé en partenariat avec le Centre de la francophonie des Amériques (CFA) et le Collège nordique francophone de Yellowknife. Le CRIFÉ bénéficie du soutien du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC).

Le CRIFÉ poursuit trois grands objectifs :

  1. Dans une perspective d’inclusion,  mettre en œuvre des stratégies et des dispositifs pour soutenir la persévérance et la réussite éducative de la population étudiante francophone et francophile;
  2. Développer et appliquer des pratiques de gestion de la diversité linguistique et ethnoculturelle;
  3. Accompagner le développement professionnel du personnel enseignant en mobilisant des connaissances issues de la recherche.

La recherche et l’innovation visées par le CRIFÉ se déclinent en quatre axes.

  • Axe 1 : Littératies et maîtrise du français tout au long du continuum éducatif
  • Axe 2 :Apprentissage du français, langue seconde et langue étrangère, et intégration des personnes étudiantes.
  • Axe 3 : Identités et cultures francophones
  • Axe 4 : Plurilinguisme, minorités et inclusion de la diversité culturelle

Tout en jetant les bases du Centre, madame Pelletier a partagé cette vision auprès de plusieurs instances. Malgré sa pertinence, aucun programme ne pouvait financer le CRIFÉ au départ. « Alors à la mesure de nos ressources, nous avons démarré le Centre. Parallèlement, nous poursuivons toujours la recherche de financement et de partenaires. Nous travaillons en mode projet comme dans les centres collégiaux de transfert d’expertise. Les ressources humaines demeurent notre besoin principal. Cependant, les infrastructures et les locaux étaient disponibles via la formation continue. Nous démarrons donc en mode agile. » précise madame Pelletier.

Cela allait de soi qu’un tel Centre se tourne vers la francophonie canadienne afin de s’entraider.  D’ailleurs, le coordonnateur du CRIFÉ, Christian Bergeron, est chercheur en sociolinguistique sur le plan des langues.  La question du français en contexte minoritaire fait partie de son expertise.  Au CRIFÉ, le fait français est abordé sous l’angle culturel.

Madame Pelletier insiste sur l’idée que les activités du CRIFÉ soient interordres, à l’échelle du Canada et de la francophonie des Amériques. « Ce n’est pas nécessairement une question d’enseignement particulier.  Cela concerne aussi l’intégration, la langue et la culture, à l’intérieur d’un parcours scolaire menant à l’université ou au marché du travail. C’est un continuum de la langue parlée et lue. »

Plusieurs projets sont en cours et suivis avec intérêt par la francophonie canadienne. Le CRIFÉ entend d’ailleurs travailler en partenariat affirme madame Pelletier. « Notre pari c’est d’aborder la recherche et l’innovation sous un angle transversal. Au CRIFÉ comme au Cégep Gérald-Godin,  nous cultivons un environnement propice à l’épanouissement du “vivre en français’’. »

Considéré comme une inspiration pour le secteur collégial francophone au Canada, le prix Pilier collégial francophone 2024 vient d’être décerné au Cégep Gérald-Godin par le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC). Ce prix a été remis en présence de deux ambassadrices exceptionnelles du Cégep, Sylvie Vartian, professeure de littérature, et Daniela Barsan, conseillère en francisation.


[i]NADEAU, Jean-Benoît. « Enseignement du français : les devoirs du cégep », L’Actualité, 31 mai 2023.

[ii]NADEAU, Jean-Benoît. « Le français utile »,L’Actualité, 15 juin 2023.