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Faire germer les expertises en intelligence numérique

Par Alain Lallier

Entretien avec Julien Coll, conseiller en recherche et innovation au Centre de développement et de recherche en intelligence numérique, CDRIN, un CCTT rattaché au Cégep de Matane, membre du réseau Synchronex

Le Centre de développement et de recherche en intelligence numérique (CDRIN) effectue de la recherche et du transfert technologique auprès de la petite, de la moyenne et de la grande entreprise dans le domaine de l’intelligence numérique, notamment dans les technologies du divertissement et en intelligence artificielle. Il répond également aux besoins de développement des compétences et de perfectionnement de la main-d’œuvre de ce secteur en constante évolution.

D’entrée de jeu, Julien Coll présente quelques exemples de projets réalisés par le Centre, histoire d’illustrer leur contribution.

Le projet avec Double Stallion
La compagnie Double Stallion a fait appel au centre pour les aider dans l’utilisation d’un outil créé par la compagnie montréalaise TOON BOOM Animation. Cet outil sert à faire des films d’animation de type cartoon. Les gens de chez Double Stallion trouvaient le style visuel et la façon de travailler de l’outil fort intéressant par sa grande flexibilité, et ils voulaient voir comment s’en servir dans leur moteur de jeu.

« La compagnie avait déjà créé des ponts entre leur moteur de jeu et le logiciel en question, qui présentait beaucoup de limitations et de contraintes, raconte Julien Coll. Leur équipe se butait sur certains aspects, et c’est pourquoi ils ont rencontré le CDRIN pour bénéficier de son expertise en rendu de l’image 3D. Ils voulaient savoir comment nous pourrions optimiser certaines fonctionnalités qui les limitaient dans la production de leur jeu. Dans le cadre du programme RSNG, nous avons convenu d’un projet pour améliorer leur qualité visuelle. Il s’agissait d’améliorer l’automatisation de certaines fonctionnalités pour faciliter le travail des artistes et générer certaines informations de rendu, afin de complexifier le style visuel et le rendre de plus en plus intéressant. Nous les avons aidés à pousser plus loin leurs acquis afin d’atteindre le niveau supérieur auquel ils aspiraient. Comme ils n’avaient aucun spécialiste en rendu, la collaboration avec le CDRIN devenait des plus intéressantes. L’amélioration du rendu a permis de rehausser la qualité visuelle de leur jeu. »

Le projet avec OVA
L’entreprise Ova a développé et modifié son propre moteur de jeu pour créer un outil qui permet à tout le monde et aux entreprises de développer des applications en réalité virtuelle et augmentée. « Ils se sont dit : "Nous avons une technologie dans le secteur du jeu vidéo et nous voulons la rendre disponible aux personnes intéressées par la création de projets."Bref, comment permettre à une entreprise qui n’est pas dans le domaine du jeu vidéo de créer une application en réalité augmentée ou virtuelle? Dans le secteur du Web, des applications comme WordPress offrent des objets créés préalablement que l’on peut assembler pour créer un site Web unique. Dans ce projet, l’expertise recherchée portait sur la compréhension et l’utilisation de formats de fichiers 3D pas encore intégrés dans leur plateforme, avec laquelle nous travaillons depuis longtemps. Nous les avons aidés à vérifier la recherche et l’intégration de cette technologie dans leur plateforme. Un des enjeux, c’est de voir comment il est possible en temps réel de gérer les fichiers sans alourdir l’expérience. En réalité virtuelle, les ralentissements de performance sont très problématiques. Quand l’image ralentit, ce que l’on voit ne suit plus ce que les autres sens perçoivent, ce qui provoque un mal de cœur ou une nausée. »

Des collaborations multiples avec les départements du collège
Au départ, le CDRIN était très proche du Département d’animation 3Det synthèse d’images. Avec le temps, on s’est rendu compte que la recherche demandait plus de programmation que de création 3D. Graduellement, les collaborations avec les départements d’informatique et de multimédia se sont accentuées. « L’an dernier, nous avons reçu une dizaine de stagiaires, dont la moitié étudiait au collégial, l’autre moitié provenant des universités. Le centre a également collaboré avec d’autres unités du collège, dont le Département d’urbanisme. De plus, le centre a réalisé deux projets avec des enseignants sur des outils utiles à la formation et la promotion de leur programme auprès de la population. »

Aider les entreprises à innover, à pousser plus loin en recherche, à appliquer le savoir des chercheurs universitaires à des besoins concrets de l’industrie

Fin 2021, SYNTHÈSE publiait son enquête intitulée Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation. Il s’agissait du premier portrait transversal des trois secteurs de la création numérique — effets visuels et animation, jeu vidéo et expériences numériques immersives — en ce qui concerne les enjeux liés à la main d’œuvre. Dans les suites à donner à ce rapport, le CDRIN est en discussion avec les partenaires principaux du secteur du divertissement pour les aider à bien comprendre et à identifier des actions et des solutions permettant d’atteindre les objectifs du Pôle de l’image au Québec, puis devoir comment l’intelligence artificielle peut avoir un impact positif dans le secteur.

« Notre mission ici est multiple et reflète les expertises et les missions du CDRIN, explique Julien Coll. Nous avons une mission de recherche : aider les entreprises à innover; pousser plus loin la recherche; appliquer le savoir des chercheurs universitaires à des besoins concrets de l’industrie. D’où l’importance d’être en lien avec un organisme comme Ivado, qui nous met en contact avec les chercheurs universitaires qui travaillent sur ces sujets. Ainsi, nous sommes capables de faire le pont entre ces chercheurs, qui sont souvent trop loin des entreprises en matière de recherche. Ces chercheurs ne travaillent pas à trouver des solutions qui seront appliquées dans l’immédiat; ils expérimentent déjà sur la réalité telle qu’elle le sera dans dix ans; ils sont déjà beaucoup trop loin. Mais leurs recherches sont des plus importantes et cruciales, et il faut être en mesure d’en appliquer des morceaux ou la totalité aux besoins de l’industrie. Notre rôle, c’est vraiment de réduire la distance entre les universités et les entreprises. Il est là notre mandat de recherche. »

Faire germer les expertises
Le CEDRIN a également un autre mandat, celui defaire germer des expertises. Pour Julien Coll, ce mandat s’avère très important. « Le rapport de SYNTHÈSE souligne un point majeur : le manque de main-d’œuvre, d’expertises et de formations spécialisées. La plus-value du CDRIN consiste à développer des solutions technologiques et une expertise. Cette dernière peut être transférée de plusieurs façons, soit par de la formation spécialisée aux entreprises avec le Groupe Collegia, partenaire du Cégep de Matane en formation continue, ou en la transférant directement à l’entreprise, si elle a la capacité de l’absorber. Souvent, nous pouvons transférer cette expertise au cégep dans la formation des cours. Mais tous ces aspects répondent aux besoins de formations. Puisque nous sommes au centre, nous récupérons ce que la recherche fondamentale crée, et nous l’adaptons aux besoins de l’industrie. Notre connaissance des besoins nous permet de développer des solutions adaptées. Avec tous ces partenaires de l’industrie, nous discutons comment nous pouvons travailler avec eux pour développer des microformations et mettre en place de nouvelles initiatives. »

La mission d’information
Dans la mission des centres, il y a aussi un volet d’information que le CDRIN assume en faisant partie d’initiatives pour favoriser une meilleure compréhension de l’innovation et de la recherche en intelligence artificielle pour l’industrie. « Notre mandat en matière d’information, c’est de démocratiser et de vulgariser. C’est expliquer comment les nouvelles technologies aideront les organisations et leur permettront d’aller plus loin. L’intelligence artificielle est un exemple parfait. Plusieurs compagnies ne savent pas à quoi ça sert, surtout dans le secteur du divertissement. Les artistes ne comprennent pas. Ils se disent : “Vous voulez mettre un algorithme qui va faire mon travail ?”Mais là n’est pas notre intention. Nous voulons prendre l’algorithme pour analyser la méthodologie du travail et évaluer le 60 % des tâches redondantes et nullement créatives. L’intelligence artificielle pourrait alors s’acquitter de ces tâches fastidieuses. Les artistes pourront alors se consacrer au 40 % du travail purement créatif. Il faut l’expliquer, parce que l’intelligence artificielle fait peur. Il faut informer les gens. Un grand-travail d’information est requis pour faire tomber les craintes et permettre aux gens de comprendre les nouvelles technologies. Quand on ne les comprend pas, elles font peur. Mais quand on les comprend, on a le goût de les utiliser, conclut le conseiller en recherche et innovation. »


Cette série d’articles est élaborée en collaboration avec Le Réseau des CCTT –Synchronex



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