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Maintenir la recherche collégiale tous azimut

M. Luc Desautels est professeur de philosophie et coordonnateur de la recherche au Cégep régional de Lanaudière. Il préside le conseil d’administration de l’ARC depuis mai 2006.


Entrevue réalisée par Alain Lallier, le 25 mai 2010.

Le titre de l'article « Maintenir la recherche collégiale tous azimuts ! » fait écho au titre du mémoire déposé par l’ARC en Commission parlementaire.

Au lendemain du colloque annuel de l’Association pour la recherche au collégial (ARC), le président de son conseil d’administration, M. Luc Desautels, a accepté de partager avec le Portail son bilan de la présente année et sa vision des enjeux pour l’avenir.

Les effectifs de l’ARC ont triplé ces dernières années
L’ARC est un organisme sans but lucratif dont la mission est de faire la promotion de toutes les activités de recherche susceptibles d’être menées dans le réseau collégial, peu importe les disciplines ou les domaines. L’adhésion à l’Association est volontaire. Ce sont les individus qui y adhèrent.

Parmi les faits saillants, Luc Desautels note que les effectifs ne cessent de croître depuis quelques années, ce qui est pour lui l’indice d’une renaissance, les prémisses d’un développement des activités de la recherche menée dans le réseau collégial. Depuis le début des années 2000, les effectifs ont triplé.

Deux grands volets marquent les activités de l’ARC, le premier concernant les représentations et le second se rapportant aux services aux membres ainsi qu’aux autres personnes intéressées par ceux-ci.

Une année particulièrement active pour ce qui concerne la représentation
Du côté des représentations, Luc Desautels décline de la façon suivante la liste des représentations les plus significatives menées au cours de l’année 2009-2010.

« Nous persévérons dans notre rapprochement avec l’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC). L’ARC participe au plus grand nombre d’événements qu’ils organisent. À titre d’exemple, l’ARC a participé en février dernier au colloque sur la recherche appliquée tenu à Ottawa. Nous avons des contacts réguliers avec le personnel de leur organisation ».

« L’ARC continue à collaborer avec l’Acfas. La promotion du savoir francophone, il n’y a pas que ce qui se fait à l’Université ; il y a aussi ce qui se fait dans les collèges. Lynn Lapostolle, notre directrice générale, siège au conseil d’administration de l’Acfas et participe activement à plusieurs des comités mis sur pied par l’Association ».

« L’ARC participe au Comité mixte sur la recherche qui réunit la Fédération des cégeps et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. La directrice de l’ARC y siège à titre d’observatrice. Elle a droit de parole dans le cadre des travaux de ce comité. L’ARC suit les travaux du comité mixte avec grand intérêt ».

Pour une définition de la « recherche collégiale » qui ne soit pas qu’appliquée
« Deux interventions publiques importantes ont été menées cette année. Dans un premier temps, l’ARC a déposé en août 2009 un mémoire sur le projet de loi no 44, sur la gouvernance des collèges : Maintenir la recherche collégiale tous azimuts : perpétuer une contribution essentielle à la vitalité intellectuelle, économique et sociale du Québec. L’Association a été invitée à le présenter en personne devant la Commission de la culture et de l’éducation. Nous ne sommes intervenus que sur un point : l’article 2. Pour la première fois, un énoncé de mission définissait les collèges du Québec. Dans cet énoncé, la fonction première des collèges est d'offrir de l’enseignement. Mais il y a aussi la mention du service à la collectivité et de la recherche. C’est nouveau que l’on intègre dans l’énoncé de mission la fonction recherche. Dans la première version du projet de loi, c’était la recherche appliquée. Le but de notre représentation, c’était de faire tomber l’adjectif « appliquée », plaidant qu’au collégial, c’est tout type de recherche qui est susceptible d’être mené, aussi bien la recherche fondamentale que la recherche appliquée. Il est réjouissant de constater que, dans le projet de loi rendu en deuxième lecture, le gouvernement et la ministre ont acquiescé à notre demande. Cette demande était appuyée par la Fédération des cégeps et par la CREPUQ. Notre but a été atteint puisque l’adjectif « appliquée » est disparu de l’énoncé. La seconde intervention visait à démontrer que « la recherche n’est pas qu’une affaire universitaire ».

Dans le cadre des consultations menées sur la prochaine mouture de la nouvelle stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, l’ARC a déposé un mémoire intitulé Optimiser la contribution de la recherche collégiale au système de la recherche publique du Québec : miser sur tous les foyers propres à assurer la vitalité intellectuelle, économique et sociale du Québec. Une présentation a aussi été faite devant les membres du groupe-conseil. L’ARC a réaffirmé sa conviction que la recherche n’est pas qu’une affaire universitaire, que les collèges y ont un rôle à jouer, particulièrement quand il est question de développement et d’innovation. « Il faut miser sur le réseau collégial, qui couvre l’ensemble du territoire, considérer que les liens avec les communautés régionales sont des liens serrés et qu’il n’y a pas un pays au monde qui puisse faire l’économie de gens dûment formés, détenteurs de maîtrises et de doctorats. Il ne faudrait pas passer par-dessus leur tête, mais bien au contraire leur réserver un rôle et une place plus importants ».

Enfin, l’ARC a transmis, en juillet 2009, des commentaires sur le rapport du Comité interministériel sur l’encadrement éthique de la recherche et la protection des sujets de recherche et, en février 2010, des commentaires sur la proposition révisée de la deuxième édition de l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, le texte fondateur pour l’éthique sur la recherche avec des êtres humains. Tous les établissements qui veulent se qualifier pour les programmes des grands fonds subventionnaires doivent entre autres avoir une politique institutionnelle sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains considérée comme conforme aux exigences du Secrétariat interagences en éthique de la recherche. Ce texte fondateur est en révision. L’ARC a déposé un document à l’organisme chargé de recevoir les avis. Même démarche auprès du Conseil en sciences humaines du Canada : l’ARC a soumis des commentaires concernant le renouvellement de l’architecture de ses différents programmes de subvention.

Pour une meilleure influence de la recherche sur les politiques publiques en éducation
L’ARC participera sous peu à la journée d’étude sur la mobilisation des connaissances issues de la recherche en éducation, journée organisée conjointement par Mme Monique Brodeur de l'UQAM, Mme Céline St-Pierre et la Direction générale des politiques, de la recherche et de la planification stratégique (DGPRPS) du MELS. Le projet vise à réunir tous les acteurs afin de générer un modèle qui permettrait une meilleure influence de la recherche en éducation sur les politiques publiques en éducation. Cette rencontre se tient le 10 juin prochain à l’UQAM. L’ARC y représentera les chercheurs du réseau collégial.

Au niveau des services, plus de 35 activités offertes
« Au niveau des services, notre mission, c’est d’offrir des services de formation, d’information et de diffusion. Plus de 35 activités ont été offertes cette année. Un bon nombre ont été offertes par Via, plate-forme en ligne en mode synchrone. On entend persévérer dans ce sens. Quelques formations ont été organisées en anglais pour accommoder les collègues anglophones du Québec. Une nouveauté : en collaboration avec le Centre de documentation collégiale (CDC) et l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC), l’activité Avec un grand R ; la première séance a été tenue en ligne et une prochaine se tiendra dans le cadre du colloque de l’AQPC, début juin ».

L’ARC a continué à offrir ses services de mentorat et d’accompagnement ; une quinzaine de personnes s’en sont prévalues durant la dernière année.

Dossier sur l’histoire de la recherche au collégial
Le dossier sur l’histoire de la recherche collégiale a donné lieu déjà à quelques publications. Un article a paru dans le plus récent numéro de la revue Formation et profession du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) ; Lynn Lapostolle et Sébastien Piché y signent un article intitulé Conjuguer enseignement et recherche à l’ordre collégial. Dans le dernier numéro de la revue Découvrir, on retrouve, sous la plume de Sébastien Piché, un article intitulé La recherche au collégial, une pratique qui a de l’histoire. Un livre sur la question sera aussi publié en 2010 aux Presses de l’Université Laval.

Le dossier sur la métasynthèse sur les technologies de l’information et des communications mené par Christian Barrette se poursuit. Deux articles ont été publiés dans le bulletin Clic, cette année : « Une grille d’analyse pour jeter un regard critique sur les activités TIC » et « Mieux comprendre les rôles exercés par le personnel enseignant et les étudiants dans un contexte d’intégration des TIC ». À ces articles s’ajoutent notamment des ateliers dans le cadre des rencontres du Réseau des REPTIC ou du 30e colloque de l’AQPC.

Des prix dont l’ARC est fière
Pour Luc Desautels, « les prix de l’ARC pour la recherche avec les étudiants, voilà une activité dont l’ARC est très fière. La remise des prix se fait dans le cadre du colloque annuel, ce qui permet aux étudiants de participer aux activités de l’Acfas. Fierté aussi de pouvoir accorder le prix Reconnaissance de l’ARC à une personne ou un groupe qui a eu une contribution particulière pour le développement de la recherche. Cette année, le prix a été accordé à Fernand Landry, chercheur et ex-directeur du Centre de technologie physique du Cégep de La Pocatière ».

L’ARC décerne aussi un prix offert conjointement avec Hydro-Québec, le Prix de l’ARC et de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec pour contribution à la recherche technologique, qui a été remis cette année à MM. Jean-Yves Bergeron et Grégory Hersant, chimistes. Leur projet, intitulé Conception de lubrifiants oléochimiques résistants à l’oxydation, aux propriétés antifriction et utilisables en conditions nordiques, a été réalisé au centre collégial de transfert de technologie en oléochimie industrielle du Cégep de Thedford, OLÉOTEK.

Les enjeux : répondre à de plus en plus de demandes avec des ressources limitées
« De plus en plus de gens se tournent vers l’ARC pour obtenir conseils et services. De plus en plus d’établissements demandent du soutien. Plusieurs collèges ont entrepris des démarches pour se rendre admissibles à l’administration de subventions accordées par les fonds fédéraux. Le gouvernement fédéral a ouvert des volets de programmes dédiés exclusivement aux gens des collèges canadiens. Cela suscite un intérêt certain auprès des collèges. Ils voudraient y participer mais, pour ce faire, ils doivent se doter de l’ensemble des politiques qui sont exigées par les trois grands conseils de recherches du Canada :

  • Politique de la recherche ;
  • Politique d’intégrité en matière de recherche ;
  • Politique de la recherche avec les êtres humains ;
  • Politique des conflits d’intérêts en matière de recherche.

Le renouvellement des personnels fait qu’on est en face de nouveaux titulaires du dossier de la recherche. Tout cela génère beaucoup de demandes adressées à l’ARC. Mais l’organisation est modeste : une directrice générale à demi-temps, une secrétaire à temps complet, quelques chargés de projets pour les dossiers particuliers. « Avec un seul subventionnaire important, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, quelques commanditaires occasionnels pour le colloque, des partenaires pour la tenue des activités (ce qui permet à l’ARC d’économiser certains frais, par exemple pour la location de salles) et la cotisation annuelle des membres ou les frais (minimes) d’inscription aux activités, l’ARC est confrontée à un défi organisationnel important si elle veut être en mesure d’honorer les deux volets de sa mission : les activités de représentation et les services à la communauté collégiale. L’Association a préparé une planification stratégique pour les cinq prochaines années afin d’atteindre, à cet égard, un meilleur équilibre ».

Et la relève ?
Le Portail a demandé à Luc Desautels si l’arrivée de nombreux nouveaux professeurs dans le réseau allait modifier le portrait de la recherche collégiale. Pour lui, les pratiques d’embauche sont en général rehaussées. « Bien que les conventions collectives prévoient que le baccalauréat est le seuil d’entrée minimum, de plus en plus, les maîtrises et les doctorats pourraient trouver leur place au sein du réseau. L’ARC ne possède pas toutes les données qui pourraient confirmer une telle tendance, mais Luc Desautels constate qu’ « il y a un lien étroit entre se livrer à des activités de recherche et l’ambition d’obtenir une maîtrise ou un doctorat. Un sondage local, au Cégep régional de Lanaudière, confirme que les personnes qui conduisent le plus d’activités de recherche sont celles qui sont inscrites dans une démarche d’obtention d’une maîtrise ou d’un doctorat. Il y a un lien entre le développement professionnel et la recherche. Il vaut donc la peine de susciter des activités de développement en emploi, car on aura un impact sur le développement de la recherche ». À partir du moment où la recherche sera nommément inscrite dans l’énoncé de mission des collèges, on peut s’attendre à une place plus importante dans les conditions de travail des enseignants de cégeps. Mais, il faudra sans doute attendre une prochaine négociation pour en débattre ».

L’ARC et les CTTT
Sur les relations entre l’ARC et les centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), Luc Desautels trouve qu’on est face à une création originale qui a permis d’enraciner dans les différentes régions du Québec des recherches en partenariat avec des entreprises et des organismes. « Un modèle prometteur qui livre de bons fruits ; à preuve, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada veut consacrer un pan de son financement pour la création d’organismes analogues dans les autres provinces. Il doit trouver que c’est un beau coup que le Québec a fait ! Le Conseil est prêt à soutenir des mouvements analogues dans d’autres provinces. Évidemment, le Québec va chercher à avoir sa quote-part ».

L’ARC se réjouit de l’existence du réseau des CCTT : « Nous avons de bonnes relations avec le Réseau Trans-tech. Ce sont des liens que nous tentons de raffermir. Mais l’ARC embrasse tous les types de recherche, pas juste la recherche appliquée. Nous embrassons tous les volets de la recherche, le volet technologique en étant un. Nos services sont offerts autant aux chercheurs qui travaillent dans les CCTT qu’à ceux qui pratiquent la recherche dans les cégeps et les collèges privés. On reconnaît par un prix ce qui se fait en matière de recherche technologique . Cette année, c’est un projet réalisé chez OLÉOTEK qui l’a obtenu. Les chercheurs du domaine des technologies sont les bienvenus chez nous. Dans le programme que le FQRNT a mis sur pied pour favoriser la recherche sur la nature et les technologies dans les collèges, il y a un volet ouvert aux chercheurs des CCTT et un volet ouvert aux chercheurs des collèges. La moitié des projets reçus proviennent de candidats indépendants des CCTT. C’est une richesse inouïe d’avoir dans le réseau des collèges une variété de programmes dans différents domaines, des foyers de compétences qui peuvent être mis à contribution si on leur offre des conditions et du soutien favorables ».






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