Articles

Madame Catherine Duranleau, Very Important Person (VIP) 2012-2013 du Cégep Vanier

Entrevue réalisée par Marie Lacoursière édimestre pour le Portail du réseau collégial.

 

Mme Catherine Duranleau a découvert sa passion pour l'enseignement du français à l'occasion d'une année d'assistanat en Écosse. Elle est ensuite retournée sur les bancs de l’UQAM pour compléter une maîtrise en didactique des langues secondes, tout en étant monitrice de langue auprès des nouveaux arrivants. Elle est maintenant professeure de français au Cégep Vanier depuis 2008.


Chaque année, ce collège reconnaît une personnalité importante parmi les membres de son personnel. Le VIP se distingue par son dévouement envers sa communauté et les gens qui l’entourent et par son désir d’améliorer le monde. Catherine Duranleau, enseignante au département de français, a été reconnue la personnalité importante du Cégep Vanier lors de la cérémonie de remise des diplômes en juin dernier. Cette reconnaissance souligne certes son engagement dans sa profession, mais également sa grande détermination.

Enseignante au Cégep Vanier depuis 2008, Catherine Duranleau s’est rapidement intégrée dans son département et dans le milieu. En collégialité avec des membres de son département, elle a créé plusieurs cours se rapportant à la consommation éthique, au métissage culturel montréalais, à l’art engagé, à la décroissance, au conte et à la tradition orale dans la francophonie.

L’une de ses plus grandes réalisations est la mise en forme d’un site Internet, La piqûre du français, hébergé par le Centre de développement de matériel didactique, le CCDMD. Au sein d’une équipe de professeurs de Dawson, John Abbott et Vanier, elle a ainsi créé des exercices pédagogiques interactifs pour aider, entre autres, les futurs diplômés en soins infirmiers à exercer leur profession au Québec en français. Catherine Duranleau est créative. Elle est ouverte sur le monde. C’est une femme de projets qui a plusieurs cartes dans son jeu. Je me suis entretenue avec elle.

ML - Le mérite VIP de Vanier vous a dernièrement été décerné. Dans le cadre de l’hommage qui vous a été rendu, vous vous exprimiez ainsi : « Je suis sans cesse un peu révoltée. Je suis par contre profondément optimiste tout en me laissant éblouir par la beauté des choses »; est-ce que ce sont là des traits de caractère qui influencent votre investissement professionnel?

CD - Je suis de nature proactive. J’ai une énergie certaine et j’aime prendre des initiatives qui font avancer les choses et qui dynamisent les situations d’apprentissage. Ces initiatives visent généralement l’approfondissement des concepts à intégrer et l’engagement des apprenants auprès desquels j’interviens. Le rayonnement de la langue française, de la culture québécoise ainsi que la promotion de la diversité culturelle me tiennent réellement à cœur.

ML - Votre énergie transparaît effectivement dans les initiatives que vous avez prises en créant à Vanier, il y a trois ans, la première Semaine de la francophonie et en inscrivant, il y a quatre ans, le cégep au Prix littéraire des collégiens (PLC). Comment ces initiatives se sont-elles actualisées dans un collège principalement anglophone?

CD - Je travaille depuis longtemps en étroite collaboration avec mon ami et collègue David Prince. Nous sommes de véritables complices. Il avance de bonnes idées et je les concrétise. Auparavant, il enseignait à Marianapolis. Il connaissait des enseignants de cégeps francophones qui participaientau PLC. Il a inscrit son collège à ce prix, et j’ai fait de même pour Vanier l’année suivante, pour la 7e édition du PLC. Depuis, nous participons annuellement à ce prestigieux prix littéraire décerné par les étudiants, ouvert aussi au réseau anglophone.

J’enseigne dans un cégep dont la langue d’enseignement est l’anglais sans être pour autant un cégep spécifiquement anglophone. J’ai été surprise en arrivant ici de constater que plusieurs étudiants communiquent en français dans les couloirs. Environ 50 % d’entre eux ont fait leur primaire et leur secondaire en français. En inscrivant notre établissement d’enseignement au PLC et en mettant en place la Semaine de la francophonie, nous voulions créer des évènements qui assureraient, entre autres, une continuité linguistique entre les études primaires, secondaires et collégiales des étudiants, et ce, au-delà des deux cours obligatoires de français intégrés à leur cursus de formation obligatoire.

Par ailleurs, l’an dernier, j’ai soumis la candidature du Cégep Vanier pour représenter le Québec en France, au Goncourt des Lycéens, parent du PLC. Depuis sa création, en 1988, le prestigieux Goncourt des Lycéens a pour objectif de donner le goût de lire et d’écrire aux étudiants. Le jury se compose d’environ 2000 lycéens français et de classes étrangères, dont un cégep québécois chaque année. Les jeunes lisent une série de romans issus de la sélection officielle de l’Académie Goncourt et votent pour le lauréat, au terme de discussions, de rencontres et de délibérations.

Six étudiantes de Vanier et moi-même avons donc pris part à l’extraordinaire aventure. C’était la première fois qu’un collège anglophone représentait le Québec à ce concours. Nous avons vécu une aventure littéraire stimulante et exigeante, en complétant d’abord la lecture des 11 œuvres en préparation aux délibérations régionales à Paris, le 13 novembre 2012, et à Rennes, le 15 novembre, où fut couronné le grand vainqueur. Le Cégep Vanier a bien représenté le Québec et le monde. D’origines multiples, les participantes québécoises étaient à l’image non seulement du collège et d’un Québec de plus en plus cosmopolite, mais aussi de la francophonie de demain.

ML - Qu’en est-il de la Semaine de la francophonie?

CD - Cette semaine s’inscrit dans une perspective interculturelle et internationale. C’est un moment pour valoriser la langue française et pour promouvoir les cultures francophones auprès de la population du cégep. Elle constitue donc un moment privilégié et unique pour tous les étudiants qui ne vivent pas intensément la culture francophone dans leur réalité sociale, en dehors du milieu scolaire, et donne à tous l’occasion de développer un sentiment d’appartenance à l’espace francophone mondial, de comprendre le rôle que joue la culture francophone dans leur identité, aussi multiple soit-elle. Les différentes manifestations culturelles et éducatives qui sont proposées durant la semaine s’articulent autour de conférences, de documentaires, de concours d’écriture, de performances d’artistes et d’étudiants, etc. Vous pouvez consulter  la programmation 2013

ML - Est-il facile de susciter l’enthousiasme du milieu et la participation des étudiants et du personnel à ces activités?

CD - Ce n’est pas nécessairement facile.Nous dépassons durant cette semaine la structure classique des cours : intégration souhaitée d’enseignants anglophones dans les activités francophones, modification des horaires, bouleversement de certaines approches pédagogiques. Cela requiert tant des étudiants que des enseignants une bonne dose de motivation et d’adaptation.

Nous avons donc dû rendre obligatoire la participation à certaines activités qui se voulaient à l’origine libres. Grâce à cette participation obligée, les étudiants découvrent d’autres horizons qu’ils apprécient. Nous devons travailler fort; c’est difficile, mais c’est un beau défi à relever. Nous générons au fil des ans des conditions gagnantes qui donnent des résultats de plus en plus significatifs.

ML - Vous préparez actuellement, avec votre collègue Myriam Mansour, professeure de géographie, un nouveau cours complémentaire qui sera offert en français Le Nord : territoires et imaginaires. Dans le cadre de ce cours pluridisciplinaire, vous partirez en mars 2014 sur la Côte-Nord du Québec, jusqu’à Natashquan avec vos étudiants.C’est une première dans l’histoire de Vanier?

CD - Oui, c’est une première.J’ai effectivement mis en forme pour l’hiver 2014 un cours complémentaire qui sera offert en français. Dans l’histoire du cégep, ces derniers ont toujours été donnés en anglais. Plusieurs étudiants se réjouissent de pouvoir suivre, en plus des deux cours obligatoires de français, un troisième cours en français.
Chaque année un cours est offert, sous le titre générique International Project, dans le cadre duquel un voyage a lieu. C’est dans cette catégorie que j’ai soumis le projet de cours Le Nord : territoires et imaginaires qui vise la rencontre, entre autres, des populations innues de la Côte-Nord du Québec. Les étudiants sont enthousiasmés à l’idée d’aller à la découverte du Québec. J’ai fait le terrain de mon mémoire de maîtrise en sociolinguistique dans cette région du Québec, avec les jeunes innus, et je voulais partager mon amour pour cette région avec mes étudiants. J’ai voyagé au Nicaragua et en France avec des étudiants de Vanier, je crois qu’il est toutefois essentiel de connaître son pays avant d’aller plus loin, je ressens peut-être l’urgence d’un retour aux sources.

J’ai profondément hâte de partir avec 25 étudiants de différentes origines sur la Côte-Nord du Québec. Ce sera magique. La rencontre de cette autre culture requiert des qualités d’ouverture et d’adaptation que possèdent nos étudiants. Elle contribuera, nous l’espérons, à développer chez eux un intérêt plus vaste pour le Québec et sa diversité géographique, culturelle, littéraire et autre. Améliorer le monde, pour moi, passe par le développement de nos connaissances, la curiosité intellectuelle, l’ouverture d’esprit et la rencontre de l’Autre. Je pense que le contenu de ce cours et les activités pédagogiques qu’il propose constituent des conditions gagnantes dans ce sens.

ML - Quel est votre lien avec l’Association québécoise des enseignants de français langue seconde (AQEFLS) et l’Association des professeurs de français d’Haïti (APROFH)?

CD - J’œuvre comme bénévole au sein de l’AQEFLS depuis environ huit ans. Nous développons des partenariats avec différentes associations de professeurs de français langue seconde dans le monde. J’ai donc pensé développer des liens avec ce que nous appelons la « deuxième terre francophone des Amériques », Haïti, où le français est une langue seconde. J’y suis allée trois fois pour rencontrer des professeurs, donner des conférences, échanger avec des écrivains et des artistes. J’ai mis sur pied un partenariat avec l’APROFH. L’été dernier, j’ai animé des conférences sur la littérature québécoise actuelle et des ateliers sur le rap francophone. Nous accueillons également des membres de l’APROFH lors de notre congrès annuel. Je nourris sérieusement le rêve d’amener un jour un groupe d’étudiants en Haïti.

ML - Quelles sont vos aspirations pour les années à venir?

CD- Je souhaite que le dynamisme de notre département de français perdure. Que l’intérêt pour le fait français au Québec et dans le monde perdure également. Qu’il y ait plus de liens entre les réseaux francophone et anglophone au collégial afin que les deux solitudes se rejoignent.

Nous proposons depuis cette année un DEC bilingue avec le Cégep Saint-Laurent, ce qui m’apparaît fort intéressant et des plus utile. Je souhaite également qu’il y ait un resserrement des exigences quant à la maîtrise du français chez les étudiants, afin qu’ils puissent obtenir leur DEC. Plusieurs de nos étudiants décrochent leur diplôme sans pouvoir communiquer aisément en français, ce qui ne respecte pas les critères de performance énoncés dans les devis. C’est inacceptable, à mon avis.

Ma principale source d’inspiration et de motivation demeure sans contredit les étudiants. Ce sont ceux et celles qui me permettent d’avancer. Si je réalise autant de projets, c’est parce que je crois beaucoup en eux, en leur potentiel. Même si parfois nous avons la fâcheuse habitude de mettre l’accent sur les fautes plutôt que sur les bons coups, les étudiants sont souvent plus qu’à la hauteur de mes attentes. Il m’importe qu’ils s’intéressent de plus en plus au fait français et qu’ils s’engagent en prenant, en français, la place qui leur revient dans ce Québec. Et nous, comme professeurs, devons faire en sorte qu’ils veuillent et puissent le faire. C’est la raison pour laquelle j’entends continuer de proposer, en collaboration avec mes collègues, des activités et des situations d’apprentissage qui leur permettent de mieux connaître le Québec, de l’apprécier, de l’endosser et s’y engager.

18 octobre 2013






Infolettre Le Collégial

Soyez informés de l'actualité dans le réseau collégial. L'infolettre est publiée mensuellement de septembre à mai.

Je m'inscris