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Le rapport à la formation continue du personnel enseignant des collèges membres de PERFORMA

Par mesdames Lise St-Pierre et Christelle Lison, professeures à l’Université de Sherbrooke

Madame Lise St-Pierre  détient un doctorat (didactique) de l’Université de Montréal et une maîtrise en enseignement - Université de Sherbrooke. Elle cumule plusieurs années d’expérience en enseignement des mathématiques au cégep de Baie-Comeau. C’est dans ce contexte qu’elle a réalisé des recherches sur le thème du développement des stratégies d’apprentissage et de la métacognition. Par la suite, en tant que conseillère pédagogique, elle a coordonné les travaux de comités de programme pour l’élaboration de programmes par compétences. Elle est maintenant professeure à la Faculté d’éducation (PERFORMA) de l’Université de Sherbrooke, membre du groupe de recherche-action (GRA) de PERFORMA et membre du CERES (Centre d’études et de recherche en enseignement supérieur) de l’Université de Sherbrooke.

 

Madame Christelle Lison détient un doctorat en éducation de l’Université de Sherbrooke, un master complémentaire universitaire de l'enseignement supérieur  de l’Université de Liège, un diplôme d’études approfondies en sciences psychologiques et de l’éducation (Université catholique de Louvain), un diplôme d’études complémentaires en sciences psychologiques de l’Université catholique de Louvain, une  agrégation de l’enseignement secondaire supérieur en sciences psychologiques et de l’éducation de Université catholique de Louvain ainsi qu’une maîtrise en sciences de l’éducation (Université catholique de Louvain).

Des centaines d’enseignantes et d’enseignants du collégial choisissent volontairement de s'engager en formation continue chaque année dans des programmes universitaires de niveau maîtrise (2e cycle) offerts par PERFORMA, en sus de leur tâche professionnelle et malgré leur contexte personnel plus ou moins facilitant. Il est donc très important que ces programmes leur paraissent utiles, pertinents et adaptés à leurs besoins et caractéristiques. Il importe également d’en faire la promotion en misant sur leur qualité, sur leurs retombées dans la classe et sur leurs modalités visant à faciliter la participation, tout en mettant l’accent sur l’adéquation de la réponse aux besoins et aux attentes des personnes.

Pour ce faire, PERFORMA considère essentiel de mieux connaître les caractéristiques et les perceptions de cette population concernant leur rapport à la formation continue, lequel s’inscrit dans l’univers plus large de leur rapport à leur profession.
Lors du congrès de l’Acfas de mai 2012, nous avons présenté les résultats d’une étude que nous avons menée au cours des dernières années concernant le rapport à la formation continue du personnel enseignant des collèges. Cette étude a obtenu un soutien financier de la délégation collégiale des collèges membres de PERFORMA. Voici les grandes lignes de cette communication.

À partir d’un cadre de référence basé sur les concepts d’identité professionnelle et de rapport à la formation, l’étude visait à répondre aux interrogations suivantes :

  • Quel rapport les enseignantes et les enseignants entretiennent-ils avec la profession enseignante?
  • Comment se situent-ils par rapport à certaines dimensions de leur représentation de soi comme enseignant?
  • Comment se situent-ils par rapport à certaines dimensions du rapport qu’ils entretiennent à la formation continue?

Pour y répondre, un questionnaire en ligne comprenant 145 items, la plupart sous forme d’échelles de Likert à six niveaux, a été acheminé dans les collèges francophones membres de PERFORMA en 2009. Au total, 348 personnes provenant de 27 collèges dispersés géographiquement au Québec y ont répondu.

Quelques résultats
Le portrait type de la personne répondante est le suivant. Il s’agit d’une femme, âgée entre 40 et 49 ans, qui enseigne au secteur technique, dans le domaine des sciences et techniques naturelles ; elle détient entre 15 et 18 années d’expérience pertinente, dont plus de 6 ans en enseignement. Elle a suivi une formation universitaire de premier cycle et, s’il y a lieu, sa formation universitaire créditée en enseignement a été suivie avec PERFORMA. Les femmes, les personnes de 30 à 39 ans et les personnes ayant soit entre 1 et 4 ans d’expérience reconnue,soit entre 15 à 18 ans d’expérience reconnue sont surreprésentées dans l’échantillon par rapport à la population de référence.

Ce sont surtout des motifs épistémiques-identitaires (la personne se «voit» dans cette profession et croit qu’elle s’y épanouira) qui ont présidé au choix de la carrière plutôt que des motifs extrinsèques (salaire, conditions de travail…). Les répondantes et les répondants estiment avoir appris à enseigner surtout par les interactions avec les élèves et les collègues et par la pratique (réflexion sur l’action) plutôt que par la formation formelle. Ils considèrent que l’enseignement est une profession et, à un degré moindre, une vocation ou un art. Mais ils associent peu l’enseignement à un métier d’artisan ou à une science. Leur perception d’efficacité personnelle est plutôt élevée (4,57 sur un total possible de 6) ; ils s’attribuent à eux-mêmes (lieu interne) leurs réussites et leurs échecs. Cette réussite peut être modifiée (instable) et ils estiment avoir un contrôle sur ces situations.

Les répondantes et les répondants accordent une valeur certaine à la formation continue (4,09 sur un total possible de 6) ; c’est son intérêt et son utilité qu’ils valorisent davantage plutôt que son importance et son coût. La lourdeur de leur tâche et la priorité qu’ils souhaitent accorder à d’autres activités sont davantage des contraintes à leur engagement en formation continue plutôt que le lieu ou l’horaire des formations. Pour ce qui est des bénéfices retirés, ils retiennent des retombées qui contribuent à leur développement professionnel relatif à la pratique de l’enseignement (par exemple, améliorer la qualité des stratégies d’enseignement, sortir des automatismes ou des routines) plutôt que des impacts sur la vie pédagogique de l’établissement (par exemple, prendre plus de responsabilités dans l’établissement, mieux connaître les programmes d’études).

Les thèmes qui retiennent davantage leur attention sont l’enseignement aux jeunes d’aujourd’hui, l’évaluation des apprentissages et les étudiants à risque. Lorsque cette question leur est posée par rapport à un collègue qui débute dans l’enseignement, ils proposent plutôt la planification de l’enseignement, l’évaluation des apprentissages et la gestion de classe. Enfin, alors que la majorité indique apprécier autant la formation créditée que la non créditée, on observe que la première modalité est tout de même davantage préférée que la seconde. Ils préfèrent de loin la formation en présence à la formation en ligne. En fait, rares sont les personnes (11 personnes, 3,7%) qui disent n’apprécier ni la formation en présence, ni la formation à distance, ou encore ni la formation créditée, ni la formation non créditée, ce qui va à l’encontre d’idées

Un enseignement collégial plus innovant et plus performant pourrait résulter d’un engagement plus grand en formation continue à l’enseignement. Pour susciter et soutenir cet engagement, PERFORMA entend développer davantage la recherche pour mieux connaître les caractéristiques des personnes qui y enseignent, notamment leur rapport à la profession enseignante et leur rapport à la formation continue en enseignement. La mise au point d’instruments validés pour mesurer des dimensions comme celles rapportées ici permettrait de suivre de façon longitudinale l’évolution de ces composantes auprès des personnes engagées en formation continue à l’enseignement. Pour ce qui est des programmes de formation qui leur sont offerts, les auteures de l’étude proposent cinq pistes pour susciter ou entretenir un intérêt plus grand pour la formation continue à l’enseignement (St-Pierre et Lison, 2012) : promouvoir le caractère professionnel de l’enseignement en travaillant davantage sur l’identité professionnelle, promouvoir la formation continue en misant d’abord sur sa pertinence et sa valeur, s’attarder aux aspects organisationnels ensuite, penser à une offre d’activités et une promotion ciblées selon les sous-groupes d’enseignants et, finalement, prendre davantage en compte l’importance des interactions entre collègues et de la réflexion sur ses pratiques dans les activités de formation.
 

1)St-Pierre, L, et Lison, C. (2009). Une formation continue à mon image. Étude des caractéristiques des enseignantes et des enseignants des collèges francophones membres de PERFORMA en relation avec la formation continue
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2)St-Pierre, L. et Lison, C. (2012). Prise en compte de composantes identitaires du personnel enseignant du collégial dans la formation continue. In L. St-Pierre (dir.),  La formation continue et l’accompagnement du personnel enseignant du collégial. Quelques leçons tirées de l’innovation et de la recherche (collection PERFORMA) (p. 25-49). Montréal : AQPC.
 






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