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Une approche programme pour valoriser le français dans les techniques

Un texte d'Annie-Claude Prud'homme, conseillère pédagogique au Cégep de Rimouski

 

 

 

 

 

Compte rendu de la présentation faite dans le cadre du panel « Trois réussites dans les collèges : facteurs de réussite et défis » - Carrefour de la réussite, 7 avril 2016. Présentatrices : Catherine Paradis, enseignante de français,
et Annie-Claude Prud’homme, conseillère pédagogique, du Cégep de Rimouski.

« Les élèves doivent être les premiers à se soucier de la langue dans toutes les disciplines, puisqu’ils l’utilisent eux-mêmes, mais pour y arriver, ils ont besoin de l’aide des enseignants de toutes les disciplines, en plus de celle de leur enseignante ou de leur enseignant de français. »
(Fortier et Préfontaine, 2004)1

Dans le cadre du panel « Trois réussites dans les collèges : facteurs de réussite et défis », madame Catherine Paradis, enseignante de français, et moi-même avons présenté « une approche programme pour valoriser le français dans les techniques » mise en place au cégep de Rimouski en 2012. L’objectif de ce projet est d’améliorer les compétences langagières en français des étudiantes et étudiants dans des programmes ciblés en fonction des taux de réussite en français et, du coup, de soutenir leur réussite et leur rétention dans les cours de français, mais aussi dans les autres cours du programme. Cette mesure d’aide mise sur une concertation entre la formation générale en français et la formation spécifique. Plus particulièrement, dans le cadre du cours d’analyse de la fonction de travail (AFT), les étudiantes et étudiants sont sensibilisés à l’importance de réinvestir les apprentissages faits dans les cours de français dans tous les cours de la formation spécifique.

À la base du projet : un travail d’équipe
Toute une équipe est derrière ce projet basé sur une valeur fondamentale de l’enseignement au collégial : la collaboration. À l’automne 2015, des enseignantes et des enseignants de la formation spécifique de sept programmes techniques travaillaient en concertation avec une enseignante de français, Catherine Paradis, et l’équipe du Développement pédagogique : Technologie de la mécanique du bâtiment, Technologie de génie mécanique, Technologie forestière, Technologie de maintenance industrielle, Technologie de l’électronique, Technologie de l’informatique et Techniques de l’administration. Au départ, les programmes impliqués (les trois premiers de la liste ci-dessus) avaient été ciblés au Comité d’aide à la réussite et à la diplomation (CARD) du cégep de Rimouski (dont faisaient partie Catherine Paradis et l'auteure de ces lignes) parce qu’ils présentaient des pourcentages de réussite et des moyennes plus faibles en français; la réussite du premier cours de français (au cégep de Rimouski, Communication et littérature) était particulièrement préoccupante, et très peu d’étudiantes et d’étudiants (principalement des garçons) s’inscrivaient au centre d’aide en français au premier trimestre. Au fil des années, d’autres programmes se sont ajoutés, dont deux programmes qui n’avaient pas été ciblés mais qui voulaient, eux aussi, augmenter la motivation des étudiantes et des étudiants à améliorer leurs habiletés en français.


De gauche à droite : Daniel St-Pierre, Jocelynn Meadows, Annie-Claude Prud’homme, Francis Banville, Nathalie Poirier, Ann-Marie Nadeau, Nathalie Pelletier, Linda Viel, Vicky Desrosiers, Jean Simard, Julie Gasse, Dany April, Jean-Pierre Lamontagne.

De gauche à droite : Maxime Samson, Annie-Claude Prud’homme, Yves Langford, Catherine Paradis, Bruno Chabot.

Absents de ces photos : Philippe Beaulac, Paul Bernard, Alexandre Boudreau, Simon-Luc Boudreau, Caroline Dupont, Gino Faucher, Barbara Hébert, Marcel Landry, Valérie Malka, Henri Ouellet, Jean Pelletier.

Les moyens mis en place
De 2012 à aujourd’hui, le projet a évolué, mais ses fondements pédagogiques sont restés les mêmes. Avant tout, il repose sur une approche programme : l’enseignante de français, l’enseignant ou l’enseignante du cours AFT, le coordonnateur ou la coordonnatrice de programme ainsi qu’un ou une conseillère pédagogique travaillent en concertation pour avancer dans la même direction, vers l’atteinte des buts du programme qui passe par le développement des habiletés linguistiques. Un travail de collaboration se fait également au sein de la direction des Services éducatifs, entre l’adjointe responsable de l’aide à la réussite et les adjointes responsables des programmes.

C’est ainsi que, dès le premier trimestre, les enseignantes et enseignants adoptent un discours commun pour sensibiliser les étudiantes et étudiants à l’importance du français et au réinvestissement des apprentissages faits dans les cours de français dans les autres cours de leur programme. Le but est de les motiver à s’outiller sans tarder. Il s’agit donc d’une pédagogie du premier trimestre (sujet de la première « trousse pédagogique » élaborée par le Carrefour de la réussite au collégial) qui se concrétise chaque automne de la façon suivante : l’enseignante de français se présente à la première rencontre du cours AFT et soutient l’enseignante ou l’enseignant de la formation spécifique dans la mise en œuvre d’une rédaction diagnostique. Le cours suivant, les résultats sont remis aux étudiantes et étudiants qui sont dès lors en mesure d’identifier leurs forces et faiblesses en français. Ils sont invités à utiliser les ressources linguistiques disponibles et, s’il y a lieu, à s’inscrire au centre d’aide en français. Quelques semaines plus tard, à l’approche d’une évaluation faisant appel aux habiletés linguistiques, une formation Antidote est offerte aux étudiantes et étudiants en classe, et ils sont invités à mettre en application leurs apprentissages dans le travail qu’ils ont à réaliser.

L’élément déclencheur pour les étudiantes et étudiants est donc l’évaluation diagnostique qui est faite à la première leçon du cours AFT. Pour les convaincre de la validité de l’exercice, il est important de construire une évaluation diagnostique authentique, c’est-à-dire présentant des ressemblances avec des situations professionnelles réelles. Au début du projet, les étudiantes et étudiants rédigeaient une lettre à un employeur pour obtenir un stage ATE : ils présentaient leurs expériences et leurs compétences, en utilisant des verbes au passé, au présent et au futur. Depuis, certains enseignants ont légèrement modifié la formule : ils demandent aux étudiantes et étudiants une lettre de présentation qui résume leurs expériences, leurs qualités, leurs champs d’intérêt et leurs projets. Dans un cas comme dans l’autre, l’exercice est fait à l’ordinateur, sans la possibilité d’utiliser le logiciel Antidote. Par la suite, l’enseignante ou l’enseignant du cours AFT évalue les textes et établit un diagnostic détaillé des forces et faiblesses de chaque étudiante et étudiant avec l’aide du logiciel Antidote et possiblement de l’enseignante de français.

Les résultats attendus et les retombées
Du côté des étudiantes et des étudiants, les résultats attendus étaient :
⦁ l’augmentation du nombre d’inscriptions au centre d’aide en français;
⦁ l’augmentation du taux de réussite en français (au premier trimestre et aux trimestres suivants) et dans les autres cours du programme;
⦁ l’augmentation de la qualité des travaux écrits dans la formation spécifique (ce qui était aussi très motivant pour les enseignantes et enseignants).
En fin de compte, les inscriptions au centre d’aide en français se sont avérées être variables d’un trimestre à l’autre, d’un programme à l’autre, tout comme les taux de réussite qu’il est difficile d’interpréter (plusieurs des programmes concernés comportent de petites cohortes et, pour une même cohorte, il n’y a pas de comparatif possible). Les retombées les plus intéressantes et les plus durables concernent la sensibilisation des étudiantes et des étudiants, mais aussi des enseignantes et des enseignants qui, comme eux, ont développé :
⦁ leur capacité à expliquer la contribution des cours de français à l’atteinte des objectifs du programme;
⦁ leur connaissance des ressources en français, dont le centre d’aide en français et le logiciel Antidote;
⦁ leur capacité à utiliser le logiciel Antidote;
⦁ leur connaissance de leurs forces et faiblesses en français;
⦁ leur motivation à s’exprimer dans un français correct;
⦁ leurs habiletés en français.

Les enseignantes et enseignants ont également dit apprécier la meilleure communication et concertation entre la formation générale en français et la formation spécifique. Ils ont mentionné avoir une meilleure compréhension des références (ex. : politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages) et des variables (ex. : la compétence visée par le cours) à prendre en compte pour l’évaluation de la langue et avoir développé leurs habiletés de correction du français écrit. L’équipe du programme Technologie forestière a même décidé de réviser sa politique départementale d’évaluation des apprentissages pour adopter des pratiques communes d’évaluation de la langue, adaptées aux buts du programme et cohérentes avec les pratiques du département de français. À l’hiver 2014, une vidéo a été réalisée pour être présentée au cégep de Rimouski lors d’une journée pédagogique sur le « maillage entre la formation générale et la formation spécifique ». Les témoignages qu’elle contient donnent un aperçu des retombées aux yeux de quelques enseignants impliqués : https://www.youtube.com/watch?v=wfsplqoxib8.

Les aspects novateurs et les prospectives
Certaines conditions sont essentielles à la réalisation d’un tel projet. Au départ, pour identifier les besoins les plus criants, une analyse ciblée et constructive des taux de réussite est nécessaire. Elle est préalable à la recherche de stratégies pédagogiques et de stratégies d’évaluation adaptées aux besoins des programmes, comme l’évaluation diagnostique en situation authentique. Par la suite, le projet repose sur un travail d’équipe impliquant les différents intervenants et intervenantes nommés précédemment. Seule cette concertation rend possibles des actions conjointes pour la valorisation de la langue et l’aide à la réussite, dans un esprit de pédagogie du premier trimestre. Ultimement, les étudiantes et étudiants sont sensibilisés, mais le personnel enseignant a aussi une compréhension plus fine de l’importance des compétences langagières dans l’atteinte des buts du programme tout en ayant développé ses propres habiletés linguistiques. Cela dit, d’autres besoins émergent, qui ouvrent des perspectives de développement pour les années à venir : l’adaptation ou le développement d'outils pédagogiques à l’intention du personnel enseignant des programmes techniques (consignes de rédaction, grille d’évaluation de la langue, etc.), l’offre de formations sur la correction et l'évaluation de la langue et, surtout, la rencontre avec les équipes de programme élargies, notamment pour avancer vers des pratiques communes en ce qui a trait à l’évaluation de la langue.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’article rédigé par les présentatrices pour la revue Correspondance en 2014 (http://correspo.ccdmd.qc.ca/corr20-1/3.html) ou visionner la vidéo réalisée pour la journée pédagogique du Cégep de Rimouski sur le « maillage entre la formation générale et la formation spécifique » (https://www.youtube.com/watch?v=wfsplqoxib8).

Courriel : annie-claude.prudhomme@cegep-rimouski.qc.ca

1.G. Fortier et C. Préfontaine. « Le français écrit dans toutes les disciplines : d’abord la responsabilité de l’élève », Vie pédagogique, avril-mai 2004, p. 44, cité par C. Paradis et A.-C. Prud’homme. « Une approche programme pour valoriser le français dans les techniques », Correspondance, vol. 20, no 1, octobre 2014, p. 1.






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