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Soutenir la réussite des étudiants internationaux

Par Élise Prioleau
 

Selon les résultats d’une étude menée par des chercheurs du Groupe ÉCOBES du Cégep de Jonquière, le tiers des étudiants internationaux participants souffrent d’anxiété. Cette souffrance serait notamment liée aux défis relationnels rencontrés ainsi qu’à la surcharge cognitive à laquelle ces étudiants font face pendant la période d’intégration. Comment améliorer le soutien que l’on apporte aux étudiants internationaux?

La controverse entourant la révision du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) en novembre a mis en lumière l’apport social, culturel et économique des étudiants internationaux au Québec. Bien que leur nombre ait plus que doublé dans le réseau collégial entre 2007 et 2017, les efforts de rétention déployés ne sont pas suffisants, comme le déplore l’Institut du Québec. Selon le ministère de l’Immigration, seulement 20% d’entre eux restent après l’obtention d’un diplôme, comme l’a rappelé La Presse.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, toutefois, une réflexion sur l’intégration des étudiants internationaux est déjà amorcée. En 2017, une équipe de chercheurs du Cégep de Jonquière a entrepris d’enquêter afin d'identifier les facteurs qui permettent l’intégration, la réussite et le bien-être de ces étudiants venus d’ailleurs. L’étude a rejoint 48 étudiants internationaux dans les quatre cégeps de la région, dont 21 ont participé à des entrevues individuelles et à des questionnaires psychologiques.

« C’est une recherche qui s’intéresse au vécu psychologique de ces étudiants pendant le processus migratoire », explique Benjamin Gallais, expert en psychologie de la santé et chercheur au Cégep de Jonquière.

 

« 33 % des étudiants étrangers rencontrés au cours de la recherche souffrent d’une symptomatologie anxieuse élevée. Un stress principalement lié à la difficulté à s’intégrer socialement et au sentiment de surcharge de travail. »

 

- Benjamin Gallais, chercheur au Cégep de Jonquière

 

Les relations sociales, un facteur déterminant

La qualité des relations sociales s’est avérée être le facteur qui a le plus d’impact sur le bien-être psychologique des étudiants internationaux. On pense ici entre autres à la capacité à créer des liens dans la communauté collégiale, dans un réseau social, en classe et avec l’enseignant.

« Les relations sociales sont à la fois un facteur de réussite et d’échec du bien-être, explique Benjamin Gallais. On a pu comprendre que lorsque les relations sociales sont positives, on observe un bien-être psychologique élevé. Inversement, quand il y a des conflits relationnels, alors c’est le niveau de stress qui est élevé. »

Si ces données ne sont pas étonnantes, la question est plutôt de comprendre pourquoi un tiers des étudiants internationaux semble avoir des difficultés à s’intégrer. Au fil des entrevues, les chercheurs ont constaté que les étudiants étrangers, dans bien des cas, ont un cercle social composé uniquement d’étudiants internationaux.

« Les étudiants internationaux que nous avons interrogés peine à tisser des liens avec les étudiants d’ici, malgré leur désir de mieux les connaître. Ceux-ci sont souvent en minorité dans les classes. Dans ces cas-là, il n’est pas rare qu’ils rencontrent des situations de rejet », relate le chercheur. Dans les prochains mois, l’équipe du Cégep de Jonquière se penchera sur les facteurs qui permettraient de favoriser la rencontre entre les étudiants étrangers et étudiants d’ici.

Surcharge cognitive et sentiment d’inefficacité

Le sentiment de surcharge de travail est le deuxième facteur qui influence le niveau de stress des étudiants internationaux. « Le sentiment de surcharge cognitive découle de l’effort d’adaptation. Ils doivent se familiariser avec les méthodes d’enseignement, la pédagogie, la culture, la langue ou les expressions québécoises », explique Benjamin Gallais. « Toutes ces nouvelles données contribuent à créer une surcharge mentale. »

Les étudiants étrangers doivent aussi s’adapter à un rythme de travail qui est différent de celui de leur pays d’origine. « En France, par exemple, on a l’habitude d’emmagasiner des connaissances pendant le semestre et d’être évalué à la toute fin. Au Québec, les examens arrivent tous en même temps autour de la mi-session, et ce n’est plus le moment de commencer à réviser », illustre le chercheur.

 

« Pour prévenir l’anxiété, la solution-clé est d’aider les étudiants à mieux anticiper les défis qui les attendent au Québec. »

 

- Benjamin Gallais, chercheur au Cégep de Jonquière

 

Des pistes de solutions

Au terme de cette première recherche menée par l’équipe du Cégep de Jonquière, des pistes de solution commencent à émerger. « Pour prévenir la surcharge cognitive, les renseignements donnés aux étudiants internationaux devraient idéalement être transmis sur une période plus longue. En contexte de nouveauté et d’émotions, la mémoire se sature très vite », prévient M. Gallais.

Par la suite, des séances de rafraîchissement pourraient être données plus tard dans la session scolaire, propose-t-il, en contexte réel cette fois.

Selon Nadège Bikie Bi Nguema, professionnelle de recherche au Cégep de Jonquière et collaboratrice à l’étude, les enseignants pourraient être mieux outillés afin d’adapter leur pédagogie à la réalité des étudiants internationaux.

« Imaginons un cours de gestion où l’enseignant prend uniquement des exemples d’entreprises québécoises. Pour un étudiant africain qui ne connaît même pas McDonald’s, ça peut être difficile à comprendre. Dans ce cas-ci, une solution pourrait être d’ouvrir le dialogue avec l’étudiant étranger en lui demandant d’apporter un exemple en provenance de son pays. Cette approche toute simple permet d’intégrer l’étudiant et ouvre une diversité d’exemples pour les Québécois. Tout le monde y gagne.»

Les chercheurs poursuivront leur étude sur le bien-être psychologique des étudiants internationaux et publieront prochainement des recommandations en vue d’améliorer leur intégration.






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