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Les cégeps craignent de ne pas pouvoir terminer la session

Article publié par Ici.Radio-Canada - Thomas Gerbet


6 avril 2020 - Dans une lettre adressée au ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur du Québec, la Fédération des cégeps affirme qu'avec les nouvelles contraintes imposées le 1er avril, les établissements craignent de ne pas pouvoir « sauver la session ».

 "Surpris et découragé", le directeur général du Cégep de l'Outaouais a décidé de reporter à une date indéterminée la reprise des cours à distance. Des enseignants qui comptaient récupérer leur matériel pédagogique au cégep pour pouvoir donner leurs cours en ligne doivent revoir toute leur préparation.

Bon nombre d'étudiants doivent aussi renoncer à mettre la main sur leurs notes de cours, manuels, livres ou ordinateurs laissés dans leurs casiers.

Pour les mêmes raisons, le Cégep de Matane reporte d'une semaine la reprise des cours à distance qui devait se faire aujourd'hui. Idem au Cégep de Gaspé. La direction explique avoir "besoin d'un peu de temps pour analyser cette nouvelle réalité et réfléchir à des pistes de solutions".

C'en est trop pour la Fédération des cégeps qui interpelle le ministre Jean-François Roberge, dans une lettre datée du 2 avril, dont Radio-Canada et La Presse ont obtenu copie.

"Les collèges travaillent depuis plusieurs jours à déterminer les moyens alternatifs nécessaires pour permettre la tenue à distance des activités d'apprentissage", rappelle la Fédération. "Or, la nouvelle directive limitant la récupération du matériel pédagogique dans les établissements, notamment les ordinateurs des étudiants, rend cette approche extrêmement difficile à mettre en oeuvre."

    En retirant aux étudiants la possibilité de récupérer le matériel essentiel à la poursuite de leurs études, nous sommes assurés de créer de l'iniquité au sein de la population étudiante des cégeps, à la grandeur du territoire.
    Lettre de la Fédération des cégeps au ministre Jean-François Roberge

 

Le président de la Fédération, Bernard Tremblay, explique dans sa lettre que la reprise des cours à distance "suscite énormément d'appréhension" chez les étudiants et le personnel.

Au sujet des enseignants, il écrit que "leur capacité à poursuivre la formation par des modes alternatifs, à évaluer les étudiants avec souplesse, mais également avec équité, et à fournir une sanction à la suite de la présente session d'études, est extrêmement réduite".

Au Cégep de Saint-Hyacinthe, un enseignant a sondé ses étudiants. Sur 96 répondants, 5 n'ont pas accès à un ordinateur personnel. Dans plusieurs établissements, des étudiants bénéficiaient d'un ordinateur portable prêté qui est resté sur le campus.

À ce manque de matériel essentiel pour étudier, s'ajoutent les conditions d'habitation de certains étudiants qui n'ont pas toujours une pièce propice à l'apprentissage. Certains ont leurs parents en télétravail à la maison, ce qui réduit les espaces disponibles pour étudier et occasionne du bruit.

Dans sa lettre, la Fédération écrit : "Il nous apparaît de notre devoir de vous aviser lorsque les circonstances rendront impossible la garantie d'une équité et d'une évaluation adéquate de l'atteinte des compétences. Dans l'état actuel des choses, cette éventualité nous semble proche."
Le ministre reconnaît que la situation n'est « pas idéale »
Gros plan de lui dans les corridors de l'Assemblée nationale du Québec

Le ministre de l'Éducation Jean-François Roberge

Le ministre Jean-François Roberge s'est entretenu avec le président de la Fédération des cégeps, vendredi, après avoir reçu sa lettre. "Nous reconnaissons que cette situation n'est pas idéale, mais cette décision découle d'une nouvelle recommandation émise par la direction de la Santé publique", indique son attaché de presse Francis Bouchard.

    En ce moment, la santé et la sécurité de la population doivent primer sur toute autre considération.
    Francis Bouchard, attaché de presse du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

 

Interrogée samedi, la Fédération dit comprendre la nécessité de santé publique. Le président Bernard Tremblay a tout de même demandé au ministre de voir avec les autorités compétentes s'il serait possible pour les étudiants et les professeurs de récupérer un minimum d'éléments "avec des modalités particulières et strictes".

Au moins, pour faciliter les choses, plusieurs éditeurs de manuels donnent accès aux versions en ligne de leurs publications.

Certains cours ne pourront en aucun cas être repris à distance, par exemple les enseignements techniques.

Les étudiants mécontents

Dans ces conditions, des étudiants réclament la fin immédiate de la session en invoquant l'iniquité de la situation. Au Cégep Garneau, un référendum doit être tenu à ce sujet cette semaine. À Matane, les étudiants ont voté en faveur de l'annulation et aux îles-de-la-Madeleine, ils sont en grève symbolique.

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) doit prendre position lundi. Elle n'exclut pas de demander l'annulation des sessions.

La FECQ exige que tous les étudiants aient accès à "l'entièreté des outils nécessaires aux activités d'apprentissage pour sauver la session."

Le cabinet du ministre Roberge explique avoir donné "une flexibilité supplémentaire" aux collèges et aux universitaires "pour s'assurer que chaque étudiant soit libre de terminer sa session en fonction de sa situation personnelle, sans être pénalisé."

Les cégeps sont fermés depuis le 13 mars, tout comme les écoles et les universités. Les dates de reprise des cours en ligne divergent d'un collège à l'autre. La plupart des établissements ont des pages dédiées à la situation de la COVID-19 avec des questions-réponses pour étudiants et employés.

Lettre de la Fédération des cégeps by ThomasGerbet on Scribd