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Rencontre avec Étienne Beaulieu

Article publié par Panorama 21 (Cégep de Drummondville)

PAR DOMINIC FONTAINE-LASNIER |

Ceux qui reconnaissent Étienne Beaulieu dans les corridors du Cégep savent qu’il y enseigne la littérature depuis environ 7 ans (mais depuis 21 ans maintenant en tout). Ils ne réalisent peut-être pas, cependant, qu’ils ont devant eux un authentique intellectuel (nommé dans le Dictionnaire des intellectuel.les au Québec). Un intellectuel au sens public du terme, c’est-à-dire à la fois un écrivain, un homme de revue (fondateur des cahiers littéraires Contre-Jour), ainsi qu’un éditeur (directeur des éditions Nota bene, mais également éditeur des œuvres de Joseph Joubert (1754-1824), mystérieux auteur français, aux éditions Garnier, en France). Allons à la rencontre d’un collègue qui contribue, par ses activités extérieures à l’enseignement, à la vitalité des cégeps.

Bonjour Étienne. Merci d’avoir accepté de participer à cet entretien.

    -Merci Dominic de cette belle invitation.

Tu as publié jusqu’à maintenant cinq livres dont quatre essais et un récit. Je ne compte pas là-dedans la centaine d’articles que tu as fait paraitre dans différents quotidiens et revues. Quel est le rôle de l’écrivain aujourd’hui? Est-il porteur d’un idéal?

    -La chose écrite telle qu’on la connaît commence avec la Révolution française et la nouvelle définition des Belles Lettres, qui deviennent « littérature » avec le livre de Mme de Staël De la littérature, publié en 1800. C’est pour cette raison que je m’intéresse tant à cette période qui n’a rien à voir avec la souffrance du poète, comme on le dit trop souvent. À partir de ce moment romantique, l’écrivain a joué différents rôles : il a recueilli le pouvoir spirituel de l’Église dans le processus de sécularisation des sociétés; il a été le représentant des choses muettes (Victor Hugo), c’est-à-dire le porte-parole du peuple ou de la nation ou même de la nature (déjà l’écologie oui); il a même été l’exemple le plus abouti de l’art lui-même, en compagnie du musicien. Au Québec, l’écrivain spirituel ou national a fait son temps depuis quelques décennies déjà, il a été remplacé par l’écrivain du quotidien, de l’ordinaire et de la prose du monde. Or, il se trouve que notre vie de tous les jours bascule sous nos yeux dans une sorte de fin de monde à la fois lente et fulgurante. Dans ce contexte, l’écrivain doit éveiller et faire agir, il retrouve ce faisant certaines fonctions spirituelles de l’époque romantique, mais soyons clair : la portée de ses écrits demeure extrêmement limitée dans l’espace social et multiforme d’aujourd’hui.

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