Nouvelles

Faire une différence

Article publié par La Presse+



Un guide pour la vie
Il y a de ces enseignants qu'on n'oublie jamais. À l'invitation de La Presse, d'anciens élèves ont retrouvé leur professeur pour leur témoigner de l'impact qu'ils ont eu sur leur vie.
un dossier d’alexandre vigneault

Faire une différence

Alexandre Vigneault
La Presse
20 0ctobre 2018 - En quittant le journalisme pour l’enseignement collégial, Pascale Millot souhaitait avoir une influence positive sur les jeunes adultes qui suivraient ses cours. Six ans plus tard, c’est réussi : une ancienne élève dit qu’elle lui doit « presque la vie ».

Sabrina (nom fictif) n’en menait pas large quand, vers la fin de son parcours collégial, elle s’est retrouvée dans la classe de Pascale Millot, enseignante en littérature. Avant d’entrer au cégep, elle avait été victime d’abus et de harcèlement psychologique de la part d’un entraîneur. « Rien n’avançait côté justice et la police ne voulait rien savoir », écrit-elle. Qu’a-t-elle fait de plus que les autres, cette prof de lettres ? Elle a lui a tendu l’oreille.

« Elle était toujours présente pour moi, peu importe le moment de la journée. Elle me comprenait, m’aidait à trouver des solutions pour passer au travers des moments les plus difficiles », écrit Sabrina, dans son courriel à La Presse. Pascale l’a accompagnée tant sur le plan personnel que scolaire. « Je n’aurais jamais été capable [de passer mes cours] sans elle, insiste Sabrina. Elle a mis de côté sa tête d’enseignante pour me parler comme si elle était ma mère. »

« C’est très touchant, admet Pascale. L’enseignement étant pour moi une deuxième carrière, l’attention de cette étudiante est d’autant plus touchante. » Ce travail, l’ancienne journaliste l’a choisi parce que, à ses yeux, c’est l’un des rares qui ont un sens, et qu’elle voulait faire une différence. « Je trouve que le cégep est un moment où il est important que les jeunes se retrouvent devant un adulte signifiant – je n’aime pas le mot “modèle” –, devant une personne qui peut leur transmettre à la fois des connaissances et des valeurs. »

« J’ai prêté attention à son malaise, je l’ai validé en quelque sorte, sans jugement, ce que personne de son entourage ne semblait faire. »
— Pascale Millot

Une classe, selon elle, c’est une version miniature de la société. « Nos élèves vivent toutes sortes de choses. Il y en a qui ne vont pas bien, qui vivent des choses difficiles : harcèlement, grossesse non désirée, violence, maladie grave », énumère l’enseignante. Son boulot, juge-t-elle, n’est pas seulement de donner des cours de français et de littérature, mais aussi d’aider ces jeunes à cheval entre l’adolescence et l’âge adulte à avancer dans la vie.

La relation pédagogique
« Lorsqu’il se passe quelque chose dans la vie d’un élève, ça entrave son apprentissage. Alors, d’une certaine manière, ça nous concerne », expose Pascale. Elle estime aussi que les élèves apprennent mieux lorsqu’ils ont le sentiment que les enseignants sont sensibles à ce qu’ils traversent. Est-ce nécessaire ? « Je pense que c’est un plus, dit-elle. En même temps, il y a plein d’excellents profs qui sont moins dans le relationnel et qui apportent beaucoup aux élèves. »

Pascale croit que la matière enseignée peut contribuer à définir la relation qu’un prof entretient avec ses élèves. La sienne, la littérature, explore la psyché humaine et peut placer les jeunes devant des drames ou déchirements qu’ils ont vécus. Ce genre de situation la rend peut-être plus susceptible de recevoir des confidences, songe-t-elle.

« Une professeure a habituellement le rôle de transmettre ses connaissances aux étudiants afin de les aider à avancer dans leurs études. Ce que Pascale Millot a fait est un geste héroïque pour moi, écrit encore Sabrina. Sans elle, qu’est-ce qui me serait arrivé ? Peut-être que je ne serais plus de ce monde ou peut-être que j’aurais été correcte quand même. […] Des leçons de vie, j’en ai eu beaucoup grâce à elle. Elle m’a, avec l’aide de thérapeutes, redonné le goût de vivre. »