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«L’éducation est toujours menacée par un utilitarisme latent», dit Guy Rocher


26 août 2017 | Le Devoir - Entrevue réalisée par Marco Fortier | Éducation

Le sociologue Guy Rocher
Photo: Jacques Grenier Le Devoir Le sociologue Guy Rocher

26 août 2017 -  Article publié par Le Devoir - Cinquante ans après leur création, les cégeps ont-ils rempli leur mission ? Entretien avec le sociologue Guy Rocher, âgé de 93 ans, qui était membre de la commission Parent ayant mené à la mise en place de ce réseau collégial unique au Québec.

Les cégeps sont nés dans l’ébullition sociale de la Révolution tranquille. Parlez-nous du contexte de l’époque.

Notre système d’éducation favorisait une couche mince de la population, ceux qui avaient le courage de traverser les huit années du cours classique pour finalement être capables d’aller à l’université. Les autres étaient défavorisés. La population québécoise de langue française était sous-scolarisée en comparaison du reste du Canada et des États-Unis. C’était évident que, si on voulait que le Québec s’industrialise et que les Québécois participent à cette industrialisation, et même qu’ils en prennent la direction, il fallait ouvrir le système d’éducation à tous les gars et les filles qui étaient prêts à y entrer.

Le passage du high school à l’université, au Canada et aux États-Unis, nous est apparu très difficile. Nous nous sommes dit : en remplaçant le système actuel, on peut penser à un niveau intermédiaire entre le secondaire et l’université. C’est dans ce contexte-là qu’a mûri l’idée du cégep parmi nous. On voulait préparer les étudiants à l’université ou au milieu du travail.

L’importance de la culture générale, notamment des cours de philosophie et de littérature, était centrale dans votre réforme. Que dites-vous à ceux qui prônent une formation plus branchée sur les besoins du marché du travail ?

Je leur dis que les besoins du marché vont aller dans le sens d’une culture générale. On s’en va vers un monde du travail où les emplois manuels vont être de moins en moins nombreux, avec la technologisation et la robotisation qui sont en cours et qui vont aller bien plus loin. Les techniciens ont aussi besoin d’avoir une capacité de réfléchir sur le sens de la vie et sur l’orientation de la société. La vie politique exige aussi des citoyens plus ouverts, plus alertes intellectuellement, plus critiques. Si on veut sauver la démocratie, il faut qu’il y ait des citoyens qui la sauvent !

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