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Enseignement du français au cégep : la révision de textes au programme

Par Daphnéée Don-Viens, Le Soleil

Québec, le 31 mai 2010 - Les cours de français au cégep ne seront plus uniquement axés sur la littérature. Dès l'automne, tous les profs devront enseigner des stratégies de révision de textes à leurs étudiants et les évaluer sur cet aspect. Mais cette décision du ministère de l'Éducation est loin de faire l'unanimité dans les rangs des profs, qui se demandent comment sera menée l'évaluation.

Dans les collèges, plusieurs scénarios circulent concernant l'évaluation de cette compétence, qui relève de chaque établissement, dont celui de la « double correction », affirme Mario Beauchemin, président de la Fédération des enseignants de cégep. Un étudiant pourrait remettre un travail au professeur, qui lui indiquerait ses fautes, et l'étudiant recorrigerait le texte par la suite avant d'obtenir une note finale.

« Certains profs se demandent si on n'est pas en train de niveler par le bas, lance M. Beauchemin. Si on permet à l'élève de se corriger avant de remettre la note finale, les notes vont forcément augmenter. Et dans un contexte de négociation, alors qu'on demande que notre tâche soit réduite, c'est un peu décourageant. On se demande où on s'en va avec ça », dit-il.

Même son de cloche de la part de Jean Trudelle, président de la Fédération nationale des enseignants du Québec. « C'est une petite bombe atomique, lance-t-il. Les enseignants craignent qu'on les amène vers la double correction. Les gens ne réalisent pas ce que ça peut représenter, corriger en double. »

Le ministère a entrepris, il y a déjà quelques années, une refonte de la formation générale au collégial. Dans le cadre de cette opération, le principal changement repose sur un nouvel « élément de compétence », intitulé « réviser et corriger le texte », qui sera introduit dans les cours de français dès la rentrée.

Selon un document produit par le ministère de l'Éducation, dont Le Soleil a obtenu copie, « cette nouvelle exigence vise à améliorer la performance de l'élève à l'écrit en lui assurant une plus grande autonomie sur le plan de l'autocorrection ». L'évaluation vise à « vérifier les progrès réalisés à l'écrit par l'élève, en rapport avec les stratégies enseignées et utilisées ». La même compétence sera aussi enseignée dans les cours d'anglais langue seconde.

Tâche alourdie

Interrogée à ce sujet, une porte-parole du ministère a indiqué que cette exigence « fait partie de l'ensemble des moyens qui visent le rehaussement de la qualité de la langue écrite au collégial ». Dans les rangs syndicaux, cette nouveauté a été bien mal accueillie. En négociation avec le gouvernement, les enseignants refusent de voir leur tâche s'alourdir.

À l'Association des professionnels de l'enseignement du français au collégial, on souligne que la révision de textes fait déjà partie des cours de français, du moins de façon officieuse. Ses membres ne s'opposent pas à la révision de textes en classe, mais plutôt à son évaluation, affirme son président, Jacques Lecavalier. Mettre une note à un étudiant en fonction de sa capacité à réviser ses propres textes n'est pas ce qu'il y a de plus évident, souligne-t-il. « On cherche toujours la clé de cette énigme. Personne ne l'a trouvé jusqu'à maintenant », lance M. Lecavalier.

Dans les cégeps, plusieurs tentent de résoudre cette énigme d'ici l'automne. Au Cégep Limoilou, une équipe est à l'oeuvre depuis déjà plusieurs mois afin de proposer des stratégies d'évaluation aux professeurs de français et d'anglais.

La « double correction » pourrait être une des stratégies retenues par les enseignants, indique Anne Filion, directrice des études, qui précise qu'elle n'a rencontré « aucun élan de résistance » concernant ce nouvel « élément de compétence ».

Au Cégep de Sainte-Foy, la directrice des études, Carole Lavoie, affirme elle aussi que des stratégies d'évaluation sont en élaboration, comme des fiches d'autoévaluation et de correction. « C'est un défi, mais ce n'est pas une tâche impossible, dit-elle. À partir du moment où  on évalue la révision de textes, on montre l'importance qu'on y accorde. »