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Rimouski, un milieu propice à la mise en place d’un nouveau cégep en 1967

Un entretien avec Mme Julie Gasse et M. Kurt Vignola du Cégep de Rimouski

Kurt Vignola est enseignant en histoire au Cégep de Rimouski depuis l’automne 2005. Il est également un historien dont les champs d’intérêt sont l’histoire régionale du Bas-Saint-Laurent et de Rimouski, le patrimoine et l’histoire publique. Il est co-auteur de deux ouvrages portant sur l’histoire du cégep et du séminaire de Rimouski: Le Séminaire de Rimouski ses écoles, ses œuvres (2013) et Le 14 juillet 1967. La création du cégep de Rimouski (2008).

 

Julie Gasse a été engagée en 1998 en tant qu’enseignante en français au Cégep de Rimouski, Julie Gasse a par la suite occupé des fonctions de conseillère en développement et de directrice adjointe à la Direction des études. Présentement, elle occupe la fonction de directrice adjointe à la Direction générale et est responsable du Bureau d’information et de promotion du Collège de Rimouski.

 

Rimouski, une des premières villes à obtenir l’autorisation de démarrer un cégep
Comment expliquer que la région de Rimouski soit une des premières villes ou régions du Québec à obtenir l’autorisation de démarrer un cégep à l’automne 1967, il y a 50 ans ? Julie Gasse, responsable des communications au Cégep de Rimouski et Kurt Vignola, historien, ont accepté de répondre à cette question et de nous présenter la situation il y a cinquante ans.

Selon Julie Grasse et Kurt Vignola, les gens de la région de Rimouski ont été impliqués très rapidement dans tout le processus de réingénierie du système d’éducation québécois. Dès l’année 1957, l’Université Laval déposait le Rapport Lafrenière où la Faculté des Arts souhaitait rationaliser ses programmes. Les principaux concernés ont rapidement constaté que de faire ce travail localement serait inutile compte tenu des nombreux problèmes en amont. La solution commandait les travaux systémiques de la Commission Parent. Kurt Vignola explique que des gens de la région de Rimouski ont siégé à un des comités du Rapport Lafrenière en 1957 sachant fort bien que des changements importants pointaient à l’horizon. « Lors de la parution du deuxième tome du Rapport Parent, nous avons mis en place le comité “Institut”, dénomination choisie par le Rapport Parent pour nommer le futur cégep. Le concept était encore très flou et tous les établissements de Rimouski ont travaillé à la mise en forme et à l’évolution du dossier. Dès 1965, la région avait donc un projet à soumettre au Gouvernement. De ce fait, une année après le dépôt du Rapport Parent, un projet de cégep était prêt et sur la table. Les gens de la région avaient compris que c’était ça l’avenir de l’éducation et ils étaient prêts à changer leur modèle d’affaires ».

Julie Grasse renchérit : « Sur le plan des idées, il faut se rappeler que le premier directeur général du Cégep, l’abbé Jean-Guy Nadeau, avait été un des acteurs du Rapport Parent. De plus, nous étions prêts fonctionnellement. Nous avions de grands bâtiments que nous pouvions mettre à la disposition du nouveau cégep. L’effervescence du milieu autour de ce projet était palpable ».

Une concentration unique d’établissements d’enseignement
La liste des établissements d’enseignement de Rimouski à l’époque était impressionnante : un petit et un grand séminaire, une école technique, une école de commerce, une école d’agriculture, une école de marine qui deviendra l’Institut de marine du Québec, une école normale, les Ursulines, les Sœurs du Saint-Rosaire. « Il existait donc ici un pôle éducatif assez fort et motivé » d’affirmer Kurt Vignola. Une telle concentration était unique pour l’Est-du-Québec, en dehors de Québec même. Cette diversité était importante. Avec les institutions s’ajoute un personnel qualifié dans la gestion et dans l’enseignement. Cette diversité permettait d’offrir une gamme variée de programmes. Les bâtisses étaient également bien équipées et permettaient d’offrir d’emblée les formations envisagées. Les bâtiments étaient récents puisqu’il y avait eu un incendie à Rimouski en 1950 et une partie des bâtiments entourant le Séminaire, notamment ceux de l’école technique avaient été rénovés. L’École de marine avait aussi connu un incendie et des rénovations. L’École de Commerce venait d’être construite en 1947. Le Pavillon de Philosophie a été construit de 1959 à 1961. Rimouski offre une localisation avantageuse pour l’Est-du-Québec, à mi-chemin entre Gaspé et Québec, donc susceptible de desservir une vaste région. Il faut noter que le Séminaire a vu le jour progressivement entre les années 1862 et l867 dotant de ce fait la région de cent ans d’histoire d’enseignement et de compétences. Très peu de régions pouvaient s’enorgueillir d’un tel bagage ».

Le Séminaire de Rimouski qui deviendra le Cégep de Rimouski

Le premier CA
Le premier conseil d’administration comptait 19 membres représentant des parents, des étudiants et des enseignants nommés par les organisations respectives de ces groupes. Le premier président fut monsieur Gilles Carle de Mont-Joli. Le poste de premier secrétaire fut occupé par Georges-Henri Dubé.

Le premier directeur général, un abbé dans un nouveau cégep non confessionnel
Le premier directeur général, l’abbé Jean-Guy Nadeau, devient directeur d’un collège non confessionnel. Pour l’historien Kurt Vignola, il n’y a là rien de surprenant : « Les religieux sont à l’origine de la Révolution tranquille au Québec. N’oublions pas que le Rapport Parent est en définitive le rapport de Monseigneur Parent. Il faut convenir qu’à l’époque, les prêtres sont partout au Québec ; ils rencontrent des gens de toutes les classes sociales, donnent des cours et des formations et ils s’aperçoivent que ce qu’ils enseignent ne correspond plus à la nouvelle réalité et aux attentes du milieu. Après la Seconde Guerre mondiale, la réalité change. Le marché du travail se professionnalise et des formations spécifiques s’imposent. On ne peut plus se reposer sur un programme qui prépare avant tout à la prêtrise. Le désir de satisfaire les demandes du marché du travail s’impose de plus en plus. Jean-Guy Nadeau figure parmi cette bande de visionnaires qui voient une société qui est à bâtir au milieu du 20e siècle et qui se laisse porter par tout le vent de changement qui traverse le Québec. Les religieux s’aperçoivent qu’ils peuvent y jouer un rôle. L’abbé Nadeau est diplômé de la Sorbonne ; il a voyagé à travers le monde et vu d’autres systèmes. Nous avons eu un premier directeur général cultivé, organisé, qui était un penseur et une personne exceptionnelle. »

Un projet qui a fait grand bruit dans la région
L’implantation du nouveau cégep a fait grand bruit dans la région. À titre d’exemple, les journaux de l’époque ont souligné avec enthousiasme la gratuité scolaire associée à cette mise en place. Julie Gasse explique qu’à l’époque compte tenu des moyens limités des familles, il était assez fréquent qu’une seule personne par famille ait accès aux études postsecondaires : « L’arrivée de la gratuité constitue de fait une ouverture majeure au développement personnel et professionnel pour plusieurs membres d’une même famille. Pour les parents, c’était un véritable soulagement et un espoir de voir leurs enfants accéder à une situation sociale et économique plus enviable que la leur ». Autre aspect à souligner, le cégep devenait une porte d’entrée à des métiers techniques, mais aussi à l’université. Selon nos interlocuteurs, la région pressentait déjà que le nouveau cégep donnerait également accès à l’Université du Québec à Rimouski… qui ouvrira ses portes en 1969.

Une clientèle à la hausse dès le départ
Dès l’automne 1967, le cégep comptera au total 1700 étudiants en comparaison des 945 deux ans avant. Dès le départ, la fréquentation collégiale a presque doublé. Durant la première année, les nouveaux étudiants côtoieront ceux qui terminent leur programme de l’ancien système. Des changements aussi pour les enseignants qui étaient rattachés à différents établissements. Des enseignants de l’École technique et du Séminaire se retrouvent avec le même patron et les mêmes horaires. Des étudiants de différents programmes suivent des cours en français en même temps. La première cohorte, qui comptait 1004 étudiants regroupait 236 femmes.

Comment entend-il souligner ce 50e anniversaire ?
Julie Gasse explique que l’esprit des célébrations entourant le cinquantième anniversaire vise à tracer un trait d’union entre le premier demi-siècle d’existence et le suivant : « Lorsque nous avons travaillé sur le 150e anniversaire du Séminaire de Rimouski, nous avons constaté que les archives du Séminaire étaient bien étoffées. Les 50 ans du cégep, c’est pour nous une occasion d’écrire cette histoire et de repositionner le Cégep de Rimouski comme levier de développement de notre région. » Au terme de l’année scolaire, une capsule temporelle sera scellée et rouverte en 2067. La capsule contiendra des artefacts témoins de cette année unique et significative pour notre histoire.

Les fêtes du 50e du Cégep de Rimouski auront tantôt comme prétextes des activités régulières, colorées par des rappels historiques : activités culturelles, sportives, réflexions sur la contribution du cégep, l’apport de la formation générale et la spécificité des programmes préuniversitaires. Julie Gasse mentionne que la première des activités a déjà eu lieu et a eu un très bon succès : « La programmation des Fêtes du 50e est déjà enclenchée. Le déjeuner de la rentrée, qui a accueilli près de 225 personnes et nos médias régionaux, a permis de présenter aux médias et à notre communauté, l’esprit et le caractère unique des Fêtes du 50e. Nous nourrissons ainsi l’intérêt de créer par différents moyens et activités un sentiment d’appartenance pour les étudiants et le personnel qui sont là pendant cette 50e année. »

Tantôt, elles prendront la forme d’activités particulières. À titre d’exemples, une activité de type « portes ouvertes » permettra à la population de revisiter leur cégep et de refréquenter les lieux de leur formation. Il y aura la publication d’un recueil de textes littéraires. Un appel a été lancé à différents auteurs qui sont passés par l’établissement afin qu’ils écrivent des textes de fiction autour du passage au Cégep de Rimouski. Enfin, une promenade nocturne aux Jardins commémoratifs de Saint-Germain permettra de rendre hommage aux fondateurs et employés décédés qui ont œuvré au cégep. Cette commémoration se tiendra durant les journées de la culture qui serviront à mettre en exergue les grands moments de l’histoire du cégep. « Ces promenades et récits dans ce lieu de recueillement permettront la découverte des personnages qui nous parlent de notre histoire » de souligner Kurt Vignola.

Pour une analyse plus détaillée, voir : VIGNOLA, Kurt et GAGNON, Pascal. Le 14 juillet 1967 : la création du Cégep de Rimouski. Rimouski, Québec. Collection Les cahiers de l’Estuaire no. 5. 2008. 71 p.

Pour consulter la programmation et apprécier des photos de notre histoire, consultez la page Facebook : www.facebook.com/50eCegepRimouski/


Dossier préparé par Alain Lallier, édimestre et éditeur en chef, Portail du réseau collégial






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