Articles

Une reprise des cours à géométrie variable pour les étudiants


Par Élise Prioleau

Du jour au lendemain, les 176 000 étudiants des collèges québécois ont mis leurs études sur pause. Du jamais vu : suspension des cours magistraux, interdiction de fréquenter les établissements et annulation du calcul de la cote R.  À partir du 30 mars, la reprise des cours en mode virtuel était annoncée dans les collèges. Une reprise à géométrie variable qui a fait craindre une accentuation des inégalités entre les étudiants.  

Chloé Martin, étudiante en musique au Collège Vanier,

Le 13 mars 2020, le quotidien de toute une génération d’étudiants aura été profondément chamboulé. À la maison, tous n’avaient pas accès aux mêmes conditions pour réussir. Chloé Martin, étudiante en musique au Collège Vanier, a repris ses études le 30 mars. Pour elle, la transition vers l’enseignement à distance s’est bien déroulée. « J’ai été avantagée, car je ne devais pas aller travailler, j’avais accès à Internet et je n’ai pas eu à m’occuper d’un proche malade », reconnaît-elle. Certains étudiants de son programme n’ont pas eu sa chance. « Les étudiants qui n’avaient pas d’instrument de musique à la maison ou qui devaient travailler ont parfois choisi d’abandonner. »

L’étudiante en musique reconnaît cependant que l’administration de son Collège a fait preuve de flexibilité. « Certains étudiants ont été autorisés à utiliser les pianos du Collège pour leur pratique personnelle. Un système a été rapidement mis en place pour permettre aux étudiants d’accéder au Cégep, entre autres pour récupérer du matériel dans les casiers. » Malgré tout, Chloé Martin se dit satisfaite de la gestion de la crise au Collège Vanier.

Une reprise inégale ?
La question des inégalités entre étudiants n’a pas manqué de refaire surface en début de pandémie. Le 31 mars, 1000 étudiants signaient une pétition en faveur de l’annulation de la fin de la session. Plusieurs d’entre-deux craignaient l’aggravation des injustices en cette période trouble. Pourtant, il fallait bien poursuivre le semestre afin de diplômer les finissants, selon le ministère de l’Éducation.

Philippe Clément., Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) était de cet avis. « La session devait être sauvée dans un esprit de développement éducatif, c’est-à-dire pour s’assurer que tous les étudiants complètent leurs apprentissages », selon son président Philippe Clément. Il concède, cependant, que la présence d’inégalités entre les étudiants était une préoccupation de la FECQ.

« C’est l’une des raisons qui nous a amenés à demander la suspension du calcul de la cote R », relate M. Clément. « Les disparités d’un établissement à l’autre et d’un étudiant à l’autre pouvaient créer des inégalités de chance de réussite. Il fallait prendre en considération qu’un cours en sciences humaines sera plus facile à poursuivre à distance qu’un cours technique en génie mécanique, où l’examen se fait en atelier. » À cela s’ajoutait la question des stages dont plusieurs ont connu des annulations. « Moralement, maintenir le calcul de la cote R alors que les règles du jeu avaient changé, c’était problématique. Le calcul allait connaître des distorsions mathématiques, étant donné la hausse attendue des abandons avec mention «Incomplet» ou «Équivalence». Dans ce contexte où les moyennes de groupe auraient été affectées, certains étudiants auraient vu leur cote R augmenter, alors qu’elle aurait stagné dans d’autres cas », précise Philippe Clément. 

La FECQ se dit très satisfaite de l’aide financière accordée par le gouvernement fédéral aux étudiants et étudiantes, dont la plupart ne pouvaient pas se prévaloir du Programme canadien d’urgence (PCU). Un montant de 1250 $ par mois a notamment été accordé à tous les étudiants postsecondaires pour les mois de mai à août.

Conciliation travail-études

Alexandra Lefebvre, finissante en soins infirmiers au Cégep Lionel-Groulx

Le 15 avril, un arrêté ministériel permettait aux 17 000 étudiants en soins infirmiers de la province de prêter main-forte aux établissements de santé avant la fin officielle de leurs études. Alexandra Lefebvre, finissante en soins infirmiers au Cégep Lionel-Groulx faisait partie de ces étudiants travailleurs dans le réseau de la santé. « Je suis préposée aux bénéficiaires depuis trois ans. Comme plusieurs étudiants, j’ai été appelée à travailler à temps plein pendant la crise », explique-t-elle. « Au début, ce fut  exigeant de poursuivre mes études tout en travaillant à temps plein. Au fil des semaines, nos enseignants se sont ajustés. Ils nous ont écoutés et ils ont adapté le programme en fonction de nos horaires de travail. »

Les stages ont été annulés dans le programme d’Alexandra Lefebvre. Pour terminer le semestre, elle aura des cours en ligne sur Zoom et Teams, des travaux et des examens à remettre en ligne, et des quiz sur l’application Moodle. « À Lionel-Groulx, notre technique était déjà très technologique, admet-elle. Nous téléchargions déjà nos notes de cours en ligne sur nos iPad. Nous remettions déjà des travaux pratiques par selfie que nous devions filmer à la maison. »

Alexandra Lefebvre, qui est finissante, a hâte de travailler en tant qu’infirmière. La crise suscite tout de même quelques appréhensions. « Étant donné qu’il y a une partie de notre fin de programme que nous n’avons pu compléter, ça me fait un peu peur de commencer à travailler comme infirmière dans ces conditions. Devenir infirmière en temps de crise, ça va être un défi ! »