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L’escouade énergie : l’innovation au service de l’urgence climatique

Alain Lallier

Par Alain Lallier


Entretien avec Frédéric Côté, directeur général du CCTT Nergica, spécialisé en énergie renouvelable.

Le regroupement dans l’escouade énergie des 14 centres collégiaux de transfert technologique membres du Réseau des CCTT Synchronex a eu lieu en 2018. Les CCTT avaient alors jugé, à l’époque, que la transition énergétique méritait sa propre stratégie de concertation et de mise en commun des capacités et expertises, et ce, en se basant sur le modèle de l’escouade numérique déjà mise en place.

La transition énergétique au Québec s’articule autour des 3 D : décarboner, numériser et décentraliser.

Offrir au Québec une capacité d’intervention unifiée
« La transition énergétique embrasse large. Elle fait appel à l’électrification des transports, aux énergies renouvelables, aux biocarburants, à l’hydrogène vert, à l’efficacité énergétique, à la logistique des transports, etc., explique  Frédéric Côté. Bref, il s’agit d’un sujet qui couvre plus large que le domaine d’un seul CCTT. Nous sommes partis de la prémisse que l’on gagnerait à se réunir pour être capables d’offrir au Québec une capacité d’intervention unifiée où l’on met en commun nos ressources tant humaines que technologiques. Dans nos 14 CCTT, nous avons développé une approche qui permet au client porteur d’un projet d’interagir plus facilement avec nous. Nous pouvons ainsi lui offrir différentes expertises sans qu’il lui soit nécessaire de faire le tour de chacun sur une base individuelle. »

Les 14 CCTT membres de l’escouade énergie

De belles réalisations
Les CCTT se sont donc regroupés et se sont dotés de ressources communes, d’une direction générale, assumée par Mme Jeanne Charbonneau, ainsi que d’un plan d’action complet et arrimé aux besoins du Québec. En seulement quelques années, l’escouade énergie a pu s’investir dans de belles réalisations, notamment avec le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, avec qui elle a travaillé sur l’offre de formation en efficacité énergétique. Un ensemble de chercheurs ont alors été mobilisés pour aller chercher des fonds de Québec Recherche, le catalyseur d’innovation en transition énergétique au Québec.

Une palette d’expertise étendue

électricité verte ; chimie verte ;
acceptabilité et innovation sociale ; biomasse ; biométhane ; collectivités et infrastructures ; communautés éloignées ; économie circulaire et symbioses industrielles ;
efficacité énergétique ; éolien ; géothermie ; habitation et bâtiments ; hydraulique ; hydrogène ; industries, intégration des énergies renouvelables ; logistique ; prêt de matériel et formation de main-d’œuvre ; production d’énergies renouvelables ; produits écoénergétiques ; remplacement de produits non renouvelables par des produits biosourcés ; réseaux intelligents et microréseaux ; stockage d’énergie ; transports.


Au-delà de l’énergie verte
« Dans notre imaginaire collectif québécois, quand on parle d’énergie, c’est très “vert”, ajoute Frédéric Côté. Cette notion est teintée par notre réussite en hydroélectricité. Cependant, l’électricité ne représente qu’environ 50 % de notre consommation dans le portefeuille énergétique de la province. Le reste est composé de combustibles fossiles qui sont importés à 100 % et qui émettent des gaz à effet de serre. Le transport des personnes représente 45 % de cette tranche. Il y a là un grand travail à faire (électrification des transports, développement du transport actif, augmentation de l’accès au transport en commun et le covoiturage, etc.). Il faut remplacer le pétrole importé par l’électricité produite au Québec, par de nouveaux véhicules, de nouvelles batteries et de nouvelles bornes de recharge. Il faut produire plus d’énergie avec des éoliennes et des panneaux solaires et repenser la logistique des transports. Ces expertises, nous les avons toutes au sein de l’Escouade. »

Rapprocher la production des consommateurs
L’énergie est au cœur du mode de vie des Québécois. C’est dans notre fibre sociétale et culturelle. Parler de transition énergétique implique certes une dimension technologique importante, mais nous touchons également à la fibre sociétale et culturelle. Une panne de courant, par exemple, provoque des impacts sociaux importants. « On se doit d’avoir des pratiques sociales novatrices, en matière d’accessibilité sociale bien sûr, mais également dans nos façons d’organiser nos transports et de voir la consommation et la production d’énergie, ainsi que les structures de gouvernance associées à ces questions. Décentraliser, c’est rapprocher la production des consommateurs. On voit les panneaux solaires apparaître et les éoliennes se multiplier. Nous rechargeons notre voiture à la maison. La présence dans l’escouade de CCTT spécialisés en pratiques sociales novatrices nous permet de couvrir aussi ces aspects essentiels. »

                 Crédit photo: Serex

Une recette sur 4 axes
« Sur le plan énergétique, le Québec peut compter sur ses barrages, mais nous découvrons de plus en plus d’autres sources, comme la forêt, la biomasse et l’hydrogène. » L’escouade regroupe justement des centres qui couvrent ce secteur (Serex – CCTT spécialisé en transformation de produits forestiers, Innofibre – CCTT spécialisé en produits cellulosiques, CNETE – CCTT spécialisé en électrochimie et technologies environnementales, Kemitek – CCTT spécialisé en chimie verte et mise à l’échelle de procédés).

Frédéric Côté explique que la recette pour décarboner et atteindre la cible de zéro émission repose sur 4 axes :
1. La sobriété énergétique (s’assurer que nous consommons moins) ;
2. L’électrification (remplacer les carburants fossiles par des électrons verts) ;
3. Les molécules vertes (biomasse, biocarburants, hydrogène vert) ;
4. La captation du carbone ou les solutions naturelles, comme la plantation d’arbres, qui devront être accompagnées de technologies qui demeurent encore, à ce jour,au stade développement.

Trouver des solutions aux problèmes actuels
Dans le contexte actuel de l’urgence climatique, l’escouade énergie met l’accent sur la nécessité d’innover. « Être innovateurs, c’est aller chercher les causes à la source et trouver des solutions qui règlent les problèmes. Compte tenu de l’urgence que l’on connaît actuellement, nous savons que nous n’avançons pas assez vite. C’est pourquoi il faut plus que jamais continuer à développer et à mettre en place de nouvelles technologies. Mais nous savons aussi que l’un des plus gros morceaux de cette transition réside dans le changement de nos habitudes de vie. C’est pour cette raison que, d’entrée de jeu, nous avons compris qu’il nous fallait des experts en pratiques sociales novatrices », conclut le directeur général de Nergica.

Tous ensemble, les CCTT se donnent le pouvoir d’agir pour répondre aux besoins du Québec de demain.


Cette série d'articles est élaborée en collaboration avec Synchronex, le réseau des CCTT