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Vers la robotique intelligente et collaborative

 

Monsieur Alain Bordeleau, directeur général du Centre de robotique et de vision industrielle (CRVI), affilié au Cégep de Lévis-Lauzon a rencontré M. Alain Lallier.

Un contexte économique mondial qui invite les entreprises à s’automatiser
Le contexte économique et industriel actuel invite les PME à s’automatiser de plus en plus pour répondre à la concurrence. M. Bordeleau nous explique pourquoi : « La mondialisation des marchés fait en sorte que la concurrence n’est plus locale. Dans le passé, nous savions exactement où se situaient les compétiteurs et ce qu’ils faisaient. Aujourd’hui, on ignore qui ils sont, où ils se situent dans le monde et à quels niveaux technologiques ils sont rendus. Une seule certitude te guide, quand ton compétiteur arrivera sur le marché, il sera prêt et capable de te concurrencer. Les entrepreneurs comprennent de plus en plus cette réalité.

En robotique, nous accusons facilement dix années de retard par rapport à l’Europe et même aux États-Unis. Les dirigeants de PME commencent à cerner l’importance de l’automatisation dans leur survie. Les choses évoluent. Le gouvernement réalise que les PME constituent le nerf de la guerre de l’économie québécoise. Si elles ne s’automatisent pas, elles seront de moins en moins compétitives. Il existe d’ailleurs peu de production de grand volume actuellement dans nos entreprises. Tout se passe en Chine ou maintenant aux États-Unis, pays qui vit le phénomène du ‘’reshoring’’. La Chine a connu des problèmes de qualité et une augmentation des salaires. Au Québec, quelques grands donneurs d’ordres ont décidé de ramener la fabrication de certaines composantes en exigeant de leurs fournisseurs qu’ils s’automatisent afin de réduire le coût au maximum. La robotique amène dans ce sens une certaine répétabilité, une qualité constante et peut permettre d’avoir un coût global d’acquisition comparable à ceux des pays asiatiques. Le Québec vit de plus une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. La robotique est très appropriée pour des tâches répétitives qui exigent une certaine force. L’introduction de la robotique permet de libérer des gens afin de les affecter à des tâches à valeur ajoutée. C’est une des façons de répondre à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée actuelle. »

Le CRVI offre des services en robotique industrielle et en vision
Le Centre offre des services en robotique industrielle, en vision et en soudage robotisé. Le Centre ne développe pas de robots. Il développe des applications pour de la robotique existante qu’il adapte aux besoins du client. Il travaille en collaboration avec quatre grands manufacturiers de robots industriels; deux sont japonais (FANUC et Motoman), un est allemand (KUKA) et l’autre suisse (ABB). « Nous aidons les entreprises à intégrer ces robots dans leur quotidien en validant la faisabilité technique et économique ou en développant pour eux des applications qui leur permettront d’augmenter leur efficacité. On entend souvent dire que la robotique tue les emplois. Nous n’avons cependant jamais pu constater un tel phénomène. La robotique crée plutôt de nouveaux emplois à valeur ajoutée pour la programmation et le support; elle permet également d’élever le niveau de travail des employés en leur permettant d’effectuer des tâches requérant des capacités cognitives. Le robot effectuera tout ce qui est répétitif. Nous donnons aussi de la formation pointue et pratique, vraiment adaptée aux besoins de nos clients. Ces formations en robotique et en vision industrielle sont exclusivement pour les entreprises. Elles sont données dans une salle de formation adaptée qui permet une alternance entre la théorie et la pratique, ce qui est très apprécié par les participants, car ils deviennent fonctionnels immédiatement. De plus, nous pouvons inclure une journée additionnelle en usine afin les former spécifiquement sur leurs équipements. En complément, nous offrons un service d’accompagnement, afin de leur permettre de parfaire leurs connaissances et adopter les meilleures pratiques de l’industrie. »

Vers la robotique intelligente et collaborative
La vision donne des yeux à la robotique. Elle permet de donner au robot une vision de son environnement, de localiser les pièces et d’aller directement les chercher. «Les entreprises s’intéressent de plus en plus à la robotique intelligente où se combinent différents senseurs : une caméra, un capteur de force qui permettent de faire des actions évoluées qui dépassent le simple fait d’aller chercher un objet. De plus, il y a une nouvelle tendance à pousser l’automatisation à l’aide de l’intelligence artificielle. Ces nouveaux développements ouvrent la possibilité de générer automatiquement des trajectoires et paramètres de procédé permettant la fabrication de lots unitaires et la gestion de la logistique de production de ce type de lots.»

Un nouveau créneau se développe dans le domaine : la robotique collaborative. En définitive, un robot est dangereux, peu importe la charge qu’il manipule. Ayant la capacité de déplacer rapidement sa charge, jusqu’à trois mètres par seconde, il représente un sérieux danger pour l’humain. Ce qui explique le fait qu’en robotique industrielle, les robots sont toujours encagés ou entourés de rideaux de protection lumineux. Aussitôt que quelqu’un s’approche, le robot s’immobilise. La robotique collaborative permet d’éliminer les cages et de collaborer avec la robotique, et ce, grâce à des censeurs sur ses axes ou sur sa base qui le mettent en arrêt immédiat si quelqu’un ou quelque chose entre en contact avec lui. Grâce à ces capteurs, nous sommes en mesure de lui montrer ce qu’il faut faire, ce qui ouvre encore de nouvelles possibilités aux entreprises. »

Quelques réalisations du Centre
Le Centre travaille avec une variété d’entreprises allant de l’agroalimentaire à l’aérospatiale. M. Bordeleau donne trois exemples de réalisations.

1. Une entreprise québécoise a obtenu le contrat des conduites forcées qui alimentent les turbines du chantier de la Romaine. Les dirigeants ont fait appel au Centre pour les aider à souder ces conduites à l’aide de robots. On parle ici de tuyaux de 5.7 mètres de diamètre interne, d’une épaisseur de 5 centimètres avec un V de 5 centimètres de large à remplir sans aucun défaut. Le Centre a développé un système de robots sur des rails magnétiques; le robot soude en multipasses (autour de 20) 180 degrés internes et 180 degrés externes. Deux petits robots sont toujours en opposition pour essayer de minimiser les tensions. Le contrat a été réalisé dans les temps, donc sans aucun retard et aucune pénalité. Le client peut de plus utiliser ce développement pour d’autres applications.

2. Dans le domaine des orthèses prothèses, le Centre a développé un projet avec un autre CCTT et une entreprise privée. « Nous avons adapté un scanneur 3D pour scanner le membre d’un patient qui doit être immobilisé par une orthèse ou une prothèse. À partir de cette numérisation, l’entreprise produira en fonction des besoins du client une orthèse personnalisée. L’innovation est maintenant commercialisée. Il s’agit là d’une application basée uniquement sur la vision. »

3. En collaboration avec le TechnoCentre éolien et une multinationale du domaine, le Centre a développé un système de mesure pour l’évaluation du givre sur les pales des éoliennes. La formation du givre vient déséquilibrer les pales et créer de nombreux problèmes.

Le CRVI compte quatorze personnes à temps plein, en excluant les professeurs et les étudiants du cégep. On y retrouve trois personnes détenant un doctorat, deux une maîtrise, quatre un baccalauréat, deux techniciens et trois personnes affectées aux tâches administratives. « Nous avons une excellente collaboration avec la direction du cégep et ses départements. » Le Centre est géré par une corporation indépendante et il est logé dans les locaux du cégep de Lévis-Lauzon.

Le Centre privilégie les alliances stratégiques avec d’autres CCTT. À titre d’exemple, une de ces alliances regroupe le Centre de technologie aérospatiale (Cégep Édouard-Montpetit), celui des matériaux composites à St-Jérôme et le CRVI, de manière à offrir des services intégrés au domaine de l’aérospatiale.

Des projets pour l’avenir
Pour l’avenir, le Centre désire demeurer à l’affût des besoins des entreprises en robotique et en vision. « Nous travaillons afin d’être reconnu comme un centre d’expertise facile d’approche et axé sur les résultats. Nous sommes actuellement dans une période de croissance et avons, de ce fait, quatre postes à combler. Le CRVI est de plus en plus reconnu pour son expertise et devient un incontournable dans le marché. Nous entendons de plus raffermir les liens avec les grands manufacturiers de robots industriels. Nous sommes déjà un partenaire FANUC, ce qui nous donne un accès à la formation chez eux et tisse des liens privilégiés avec les leaders technologiques de cette entreprise. La mission du CRVI est de faire progresser les entreprises afin de les rendre plus compétitives en travaillant en collaboration avec tous les intervenants du milieu incluant les intégrateurs. Le CRVI, étant un organisme neutre aidant les entreprises à intégrer dans leurs opérations quotidiennes les technologies qu’il maîtrise, travaille donc le plus possible en collaboration avec les intégrateurs qui eux, vendent la robotique, en font l’installation et la mise en marche.

» Ce que nous vendons, c’est un service neutre qui ne favorisera aucun intégrateur ou manufacturier de robots. »

Entrevue et texte réalisé par Alain Lallier, édimestre, Portail du réseau collégial.






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