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Capture de mouvements, numérisation 3D et réalité virtuelle et augmentée à Matane

Entretien avec Pierre Bédard, directeur général du Centre de développement et de recherche en imagerie numérique (CDRIN), affilié au Cégep de Matane

Le CDRIN a reçu sa reconnaissance officielle de CCTT en juillet 2014, figurant ainsi sur la liste des trois derniers centres créés par le gouvernement. Cette reconnaissance s’appuie sur une gamme de programmes déjà offerts au Cégep de Matane dans le domaine des arts et des technologies : Animation 3D et synthèse d’images, Intégration multimédia, Photographie, Informatique et Tourisme.

La mission du Centre
Le Centre de développement et de recherche en imagerie numérique (CDRIN) s’est donné une mission de recherche et de transfert technologique auprès de la petite, de la moyenne et de la grande entreprise dans le domaine de l’imagerie numérique, notamment en capture de mouvements, en numérisation 3D et en réalité virtuelle et augmentée. Il répond également aux besoins de développement des compétences et de perfectionnement de la main-d’œuvre de ce secteur en constante évolution. Le directeur général nous rappelle que 70 % des étudiants de Matane proviennent de l’extérieur de la région et que plusieurs viennent de la France. Le Centre vise à garder ces diplômés en région. Pour faciliter cette rétention, un incubateur d’entreprises a été créé avec le Cégep de Matane. Les diplômés disposent depuis d’espaces, d’outils informatiques, de logiciels des plus appropriés en plus d’avoir accès aux technologies du CDRIN pour leur permettre de lancer leur entreprise. Ils peuvent ainsi développer de nouveaux services dans le domaine de l’imagerie numérique. À moyen terme, le Centre vise le développement d’entreprises dans le secteur pour la région.

Démocratiser l’imagerie numérique
Pierre Bédard juge que tous les outils entourant l’imagerie numérique sont encore trop peu connus des entreprises québécoises. Bien sûr, les grandes productions cinématographiques comme Avatar et Star Wars ont contribué à les faire connaître. Actuellement, ce sont principalement les grandes firmes dans le domaine du jeu vidéo qui les utilisent. La capture de mouvements reste l’apanage des majors. Le CDRIN veut démocratiser ces technologies, les rendre plus accessibles, les intégrer dans des processus de création des plus petits studios en émergence.

Des équipements de haute technologie
Pour permettre aux entreprises de se développer, le Centre doit faire appel à des équipements très spécialisés et dispendieux. « C’est un défi de tous les jours pour nous à cause du coût de ces équipements. Nous avons le plus grand studio de capture de mouvements au Canada. Nous sommes même à certains égards mieux équipés qu’Ubisoft à Montréal. Nous y parvenons grâce aux programmes de subventions, tant provinciale que fédérale et grâce à notre fonds de roulement. »
Le Centre compte en permanence une quinzaine de personnes. À celles-ci s’ajoutent une dizaine d’enseignants du cégep qui participent à différents projets. Bon an mal an, un même nombre de stagiaires vient compléter l’équipe. Les équipements sont logés dans un bâtiment autonome à 100 mètres du cégep. Le Centre travaille étroitement avec la direction des études du collège pour s’assurer que les connaissances qui sont acquises en recherche et développement soient transférées aux enseignants du collège. De ce fait, le Cégep de se démarque de belle façon parmi les établissements qui offrent des programmes apparentés.

Une application mobile en écoconstruction
Parmi ses réalisations, le CDRIN a fait connaître en décembre dernier sa contribution à une application mobile de réalité virtuelle et de réalité augmentée. À l’été 2015, sur le site des Jardins de Métis, a été inaugurée une maison écologique qui se veut un centre d’interprétation sur l’écoconstruction. Le bâtiment exemplaire sensibilise le grand public à l’écoconstruction. C’est dans ce contexte que le CDRIN a été interpellé afin de développer une solution technologique multi-plateforme qui permet d’assister les touristes dans leur visite de ce centre. La maison a été modélisée en détail par l’équipe du CDRIN à partir des plans de construction. Une application mobile permet de découvrir les différents matériaux et fonctionnalités qui entourent le bâtiment. Un exemple probant où ont été mises à contribution des expertises interdisciplinaires, dont celles du Département de tourisme et du Département d’urbanisme du cégep.

En paléontologie virtuelle
Inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, le site fossilifère du Parc national de Miguasha est reconnu mondialement pour l’exceptionnelle qualité de conservation de ses fossiles. Le parc propose à ses visiteurs un fabuleux voyage dans le temps à la découverte de poissons et de plantes fossiles datant de la période du Dévonien, il y a 380 millions d’années.
En collaboration avec l’UQAR, le Cégep de Matane et le Parc national de Miguasha, le CDRIN a été approché pour reconstruire un poisson « préhistorique » en trois dimensions à partir de fossiles. Pour ce faire, il fallait développer des procédés permettant de :

  • Combiner différentes sources d’imagerie numérique dans le but d’obtenir une meilleure fidélité de modélisation ;
  • Remettre en volume des espèces fossiles ayant été déformées par le processus de fossilisation ;
  • Animer les modèles virtuels en suivant les contraintes biomécaniques imposées par l’anatomie.

Pierre Bédard explique : « Nous avons scanné des fossiles et avons reconstruit en trois dimensions le squelette du poisson. Il nous a fallu retravailler la peau, les nageoires et le mouvement. Nous avons réussi à produire une animation très réaliste du poisson tel qui vivait dans son cours d’eau à l’époque. Plusieurs manuelsde paléontologie dans le monde reprennent nos images pour représenter le Bothriolepis.»

Outil de simulation pour des patients en neuropsychologie
Dans un autre domaine, le CDRIN a travaillé avec Le Dr Frédéric Banville, professeur au département des Sciences infirmières de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Spécialisés dans le domaine de la neuropsychologie, les travaux de recherche du Dr Banville se concentrent sur l’utilisation de la réalité virtuelle dans le domaine de la réadaptation mentale. Pour ce faire, il utilise un environnement 3D. Le Virtual multitaskingtool, ou VMT, représente l’intérieur d’un appartement dans lequel le patient doit se déplacer et effectuer une série de tâches (répondre au téléphone, ranger l’épicerie, envoyer un fax, etc.). Cette série de tâches permet entre autres d’évaluer la charge cognitive, le stress et la capacité du patient à s’organiser.
Le CDRIN a amélioré cet environnement 3D et a bonifié la programmation des scénarios destinés aux patients. Le moteur de jeu Unity 3D a été utilisé et les meubles ainsi que les éléments de décor de cet appartement virtuel ont été modélisés par les artistes 3D du CDRIN. L’application est normalement conçue pour être utilisée avec un casque de réalité virtuelle à partir d’un poste informatique.

« La réalité virtuelle permet d’immerger les gens dans des environnements très réalistes. Nous connaissons maintenant ce genre de lunettes commercialisées par Google et Samsung. Grâce à ses lunettes, le patient est placé dans un environnement quotidien réel. Cet outil permet aux patients qui ont de la difficulté à gérer leurs tâches quotidiennes de graduellement maîtriser leur environnement. »
Voilà un bon exemple de l’élargissement de la mission du Centre : transférer les technologies développées par le monde du jeu vidéo vers d’autres secteurs d’activité comme la santé. À cause de l’importance du tourisme dans le Bas-Saint-Laurent, le développement d’applications pour ce secteur se révèle stratégique pour la région.

Autre exemple : interaction avec un avatar virtuel à distance
À l’aide de différents outils d’animation, un comédien prête sa voix et ses gestes à un personnage virtuel 3D qui interagit en temps réel avec différents publics. La 3D temps réel est une méthode de représentation de données 3D dans laquelle chaque image composant l’animation est rendue dans l’instant qui précède son affichage. « Lors d’un évènement comme le lancement d’un film, on pourrait à partir de Matane, avec des acteurs en capture de mouvements, reproduire ces personnages à l’écran et rétroagir lors d’une conférence de presse. On parle ici de capture de mouvements en temps réel à distance et nous sommes parmi les premiers à le faire. Un ordre de possibilités infinies s’ouvre au niveau de la promotion ou de l’événementiel. »

L’avenir du secteur passera par des alliances
Le Centre est jeune. Les projets mis de l’avant sont nombreux, et ce, dans un secteur du jeu vidéo en pleine croissance depuis plusieurs années. Pierre Bédard évalue que le secteur est encore en adolescence par rapport à d’autres secteurs industriels plus matures. Mais il croit que l’avenir passera par une étape de création d’alliances entre les différents acteurs. Ce qui devrait stimuler davantage sa croissance.

N.B. L'entretien avec Pierre Bédard a été réalisé au moment de sa nomination au poste de directeur général du Cégep de Matane. Le Portail le félicite pour cette nomination et lui souhaite bonne chance.

 

Dossier préparé par Alain Lallier, édimestre et éditeur en chef, Portail du réseau collégial.






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