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Entrevue avec Robert Howe, récipiendaire du Prix Gérald Sigouin 2019

Lors de son colloque annuel, tenu cette année à Rimouski les 5, 6 et 7 juin derniers, l’AQPC décernait son prix Gérald-Sigouin à monsieur Robert Howe. M. Alain Lallier, éditeur en chef du Portail rencontre le récipiendaire de ce prix afin d’en proposer un portrait sur quelques questions.

Portail : Que représente pour vous l’octroi du Prix Gérald-Sigouin ?

Robert Howe : Recevoir le prix Gérald-Sigouin, cela signifie pour moi que ma communauté pédagogique accorde une valeur particulière à ma longue contribution au réseau collégial.
Voilà un beau clin d’œil que l’AQPC me fait, alors que j’ai participé à la croissance de l’association depuis le tout début des années ‘80. Au fil des années, j’ai participé à l’évolution de l’AQPC de diverses façons, tant au conseil d’administration, sous la présidence de Gérald Sigouin, un ami de longue date, qu’à la mise sur pied la revue Pédagogie collégiale. Et c’est là d’ailleurs que j’ai choisi de publier mes textes pédagogiques. L’AQPC, c’est mon « chez moi » professionnel.

Remise du Prix Gérald-Sogouin en présence du président de l'AQPC et du directeur général

Portail : Vous avez commencé votre travail de conseiller pédagogique en 1975. Décrivez-nous le contexte et l’évolution de cette fonction dans le temps.

RH : Lorsque j’ai commencé ma carrière comme conseiller pédagogique, je savais que le travail d’enseignant était un travail difficile. Enseigner au collégial représente de nombreux défis qui sont spécifiques au mandat des collèges dans la société québécoise. Un des défis majeurs, à l’époque, résidait dans le fait que les enseignants des cégeps étaient (et sont toujours) des spécialistes de la discipline. Mais rares étaient ceux qui, à l’époque, avaient aussi une formation en pédagogie.

Mon travail consistait à assister les enseignants dans ce travail difficile, à les aider à résoudre des problèmes pédagogiques, à définir clairement les objectifs de l’apprentissage et à planifier un enseignement cohérent qui permettra aux étudiants de développer les compétences dont ils ont besoin.

À l’époque, il y avait un seul conseiller pédagogique par collège. Nous étions isolés. Jusqu’au jour où nous avons créé l’AQPC. Puis la revue Pédagogie collégiale. Et c’est là que, graduellement, s’est développé ce réseau d’entraide, de partage et de synergie qui nous donne aujourd’hui cette pédagogie de pointe, en évolution constante, une pédagogie qui s’adapte de façon continue à la réalité de la société québécoise. Aujourd’hui, les enseignants du collégial sont toujours des spécialistes de matière. Mais ils sont aussi des pédagogues formés aux meilleures pratiques pédagogiques. Même les futurs enseignants - la relève - sont souvent formés, en amont, dans d’excellents microprogrammes de formation initiale en enseignement collégial, comme le MIFIEC de l’université de Sherbrooke auquel je suis heureux de collaborer.

Portail : Dans votre allocution du 5 juin à Rimouski, vous avez parlé de la période de la page blanche. De quoi s’agit-il ?

RH : Suite à l’adoption desmesures de renouveau de l’enseignement collégial, en 1993, le réseau a vécu ce que j’appelle la période de la page blanche.  Je m’explique.
Tous les collèges, aujourd’hui, ont une PIEA. Plusieurs tiennent pour acquis ces politiques. Ce qu’on oublie parfois, c’est qu’avant 1993 (il y a 26 ans), personne n’avait de PIEA. Ça n’existait pas. À cette époque, tous les collèges ont été engagés dans une réflexion nouvelle : qu’est-ce qu’une politique d’évaluation des apprentissages ? Comme tous les CP et la plupart des membres de la direction pédagogique, j’ai été appelé à proposer un projet de politique. J’étais devant une page blanche. Nous avons échangé des idées, l’AQPC a été mise à contribution, avec d’autres instances, et les PIEA sont devenues ce que nous connaissons aujourd’hui : des balises de « bonnes pratiques », raffinées, qui aident clairement à résoudre des problèmes.

Cette période de page blanche, nous l’avons vécue, de la même manière,avec les politiques d’évaluation de programme et avec l’épreuve synthèse de programme.Et ainsi de suite, avec plusieurs autres concepts structurants :les comités de programme, l’approche-programme, l’approche dite « par » compétences.

Portail : Le réseau fait appel à votre grande expérience et expertise. Qu’est-ce qui est en demande aujourd’hui ?

RH : Des collèges me mandatent parfois pour accompagner des départements d’enseignants qui vivent des défisde relations interpersonnelles. Des conflits entre enseignants, dans la vie départementale; des problèmes d’attitudes difficiles à concilier entre enseignants plutôt élitistes et d’autres perçus comme trop permissifs; des dilemmes éthiques avec les notes au bulletin, entre autres.

Mais je reste surtout sollicité par des mandats de perfectionnement concernant l’évaluation des apprentissages. Et, depuis deux ans, on me demande d’aider des équipes d’enseignants à planifier la mise à jour de certains programmes en focalisant sur le développement des compétences.

Portail : Les cégeps ont fêté leurs 50 ans d’existence. Quels sont leurs défis pour les prochaines années ?

RH : La liste serait longue. Et forcément incomplète.
Je souhaite que les leaders des collèges résistent à l’usure du temps et ne perdent pas de vue la raison d’être, l’intention originelle de la création de cet ordre d’enseignement. Il faut se rappeler le sens de l’acronyme CEGEP. Tous les enseignants, dans tous les programmes, sont appelés à participer à la formation fondamentale des étudiants. Le mandat social des cégeps inclut l’éducation à des habiletés utiles tout au long de la vie.

Quelle sorte de personne voulons-nous former ?
Alors qu’on entend des gens se dire surchargés, laissés à eux-mêmes, épuisés, je m’inquiète de les voir aux prises à des clientèles nouvelles qui, dit-on, ont besoin d’aide particulière. La pression sur la réussite des étudiants génère de la pression supplémentaire sur le personnel.

Les nouvelles technologies peuvent sembler prometteurs mais je crois toujours que rien ne remplacera jamais la relation personnelle entre un prof et son étudiant. Ni son jugement professionnel.

Portail : Avez-vous un souhait de fin de carrière ?

RH : J’ai le sentiment de partir avec un immense bagage de compétences et j’aimerais pouvoir, je ne sais pas comment, léguer une partie de tout ça à une relève. Mais je ne cherche pas une relève « technicienne » qui ne serait intéressée qu’au savoir et au savoir-faire. Mon souhait le plus cher serait de transmettre aussi la conscience, l’éveil au mandat social que nous avons comme cégeps, comme collèges, comme éducateurs. Nous savons tous que, lorsque nous enseignons quelque chose à quelqu’un, cette personne est changée. Pour toujours.
J’espère de tout cœur que j’aurai pu, moi aussi, enseigner quelque chose à quelques-uns dans le réseau collégial.


Un dossier préparé par Alain Lallier, éditeur en chef, Portail du réseau collégial

Note: Le Portail du réseau collégial félicite Robert Howe pour ce prix. Nous sommes heureux d'ajouter son nom à notre galerie des personnalités marquantes du réseau.






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