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Travailler ensemble à faire la différence

Entrevue réalisée par Marie Lacoursière avec Madame  Debby Ann Philie, conseillère pédagogique au Cégep Gérald-Godin et récipiendaire du Prix Vecteur pédagogique 2014.

Par la remise du Prix Vecteur pédagogique, le conseil d’administration de l’AQPC reconnaît la contribution particulière d’un membre du personnel professionnel qui soutient et accompagne sur le plan pédagogique les enseignants ou les gestionnaires de son collège de façon exceptionnelle et qui mobilise son milieu vers l’innovation pédagogique, le succès des étudiants et l’offre de programmes d’études enrichissants (1). Le prix Vecteur pédagogique 2014 a été remis, ce 3 juin dernier, à madame Debby Ann Philie, conseillère pédagogique au Cégep Gérald-Godin. Ce qui a frappé le conseil d’administration dans le dossier de candidature qui lui a été soumis par les collègues de madame Philie, c’est la rapidité avec laquelle elle a su non seulement s’intégrer dans son collège, mais surtout le mobiliser de belle façon à travers les nombreux défis qu’elle a dû relever en moins de quatre ans. Nous avons échangé avec Debby Ann Philie, une jeune conseillère pédagogique qui a le vent dans les voiles.

L’éducation, la découverte d’une passion

Au terme de ses études au baccalauréat en histoire et à la maîtrise en science politique profil relations internationales, Debby Ann Philie choisit d’enseigner au secondaire tout juste au moment où il y a pénurie d’enseignants dans ce secteur. Ce choix est d’abord motivé par le besoin de rembourser sa dette d’études, mais rapidement il devient motivé par la volonté de voir l’étincelle dans les yeux de ses élèves. Elle y découvre une passion pour l’éducation. « J’ai adoré l’expérience. Les conditions n’ont pas toujours été faciles, mais justement parce qu’elles n’ont pas été faciles, j’ai compris à quel point il était important de faire les choses parfois autrement pour s’assurer que l’éducation soit porteuse de sens, honnête, digne et humaine, surtout aux yeux des étudiants. » Lorsque la pénurie se résorbe quelques années plus tard, elle entreprend d’accéder à l’enseignement collégial, une idée qu’elle avait depuis longtemps. Au moment de sa dernière session d’études au programme court de deuxième cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), un concours de circonstances l’initie au conseil pédagogique. Elle obtient d’abord un contrat d’auxiliaire d’enseignant en évaluation des apprentissages auprès de Claire Bélanger, chargée de cours à l’UQAM et conseillère pédagogique à l’Université de Montréal, qui lui demande d’offrir une leçon sur la conception d’une activité intégratrice. Au même moment, elle réalise un stage d’enseignement au Cégep Édouard-Montpetit auprès de Jacques Provost, enseignant en science politique, qui l’encourage, avec la complicité de Christine Gaucher, conseillère pédagogique, à offrir cette même leçon en atelier lors de la journée pédagogique institutionnelle. L’activité est un succès. Ce bagage en main, Debby Ann postule à la rentrée suivante, en l’absence d’affichage en enseignement, sur un remplacement d’un an comme conseillère pédagogique au Cégep Gérald-Godin et obtient l’emploi qu’elle occupe depuis maintenant quatre ans.

Performa une ressource inestimable dans le développement professionnel des enseignants et des conseillers pédagogiques

À l’intérieur de ses six premiers mois en fonction au Cégep Gérald-Godin, elle se retrouve seule conseillère pédagogique à l’enseignement régulier. Un important roulement de personnel caractérise les premières années de carrière de Debby Ann, qui conséquemment se voit confier très tôt dans celle-ci la réalisation de chantiers d’envergure telle que la révision de la PIÉA. « J’ai donc dû apprendre la profession rapidement et par moi-même. Les défis ont été nombreux et de taille. J’ai travaillé fort pour les surmonter en ayant à cœur d’être à l’écoute et intègre, en mobilisant mes ressources dans le réseau, puis en valorisant la confiance en mon jugement et mon autonomie professionnelle. C’est ainsi que j’ai pu développer mon expertise et la mettre à profit. »

Un élément essentiel de cette intégration rapide et efficace est sans aucun doute pour Debby Ann le rôle pivot de communauté de pratiques et de perfectionnement qu’a exercé et exerce encore Performa dans son cheminement.

Sur la photo, les Répondantes locales Performa: Renée Asselin du Cégep Édouard-Montpetit, Catherine Boulanger du Cégep de Sorel-Tracy et Debby Ann Philie, du Cégep Gérald-Godin en groupe de travail lors de l’Assemblée des RL, PERFORMA (© 2013 (PERFORMA )

Pour elle, devenue répondante locale en 2011, Performa est une ressource inestimable dans le développement professionnel des enseignants, des conseillers pédagogiques, puis des collèges. « Si cela n’avait pas été de Performa, où j’ai pu aller me perfectionner, échanger avec des collègues d’expérience, puis me construire un réseau essentiel à mon développement professionnel, je ne crois pas que je serais conseillère pédagogique aujourd’hui. La pertinence de Performa est là. » 

Le moment décisif, la mobilisation autour du changement

Pour Debby Ann Philie, il est important que les membres d’une communauté collégiale travaillent ensemble dans un but commun, sans quoi sa mission perd son sens. « Au moment où on m’a confié la révision de la PIÉA, soit quelques mois après mon entrée en poste, je me suis rappelée les mots d’une collège qui m’avait dit que c’était comme la quête du Saint-Graal pour une conseillère pédagogique, soulignant par cette analogie la difficulté de mener à terme un tel chantier. Dès lors pour moi, le principal défi était de mobiliser l’ensemble de la communauté autour du changement que représentait la révision de la PIÉA. » Pour s’outiller, Debby Ann s’inscrit au cours DVP 821 Accompagnements d’équipes en période de changement offert par Sonia Marchand, conseillère pédagogique au Collège Laflèche de Trois-Rivières et personne ressource Performa. Ce cours fut un véritable tournant dans sa façon de concevoir son rôle de conseillère pédagogique et de mener son accompagnement. Cette façon de faire et de voir, elle l’a directement appliquée dans le processus de révision de la PIEA. « Cette période extrêmement formatrice fut incisive et a directement contribué à cristalliser mon identité professionnelle.J’ai suivi minutieusement le devis d’évaluation établi en réalisant chacune des trois consultations prévues au cours de l’année et en ayant à chaque fois le souci de faire ressortir les forces de chacun au profit de la communauté. Les trois consultations se sont super bien déroulées, donnant lieu à des échanges positifs et constructifs qui m’ont ouvert la porte par la suite pour travailler avec les enseignants qui me connaissaient moins. J’ai développé une relation de confiance avec les enseignants, les professionnels et les membres de la direction en étant à l’écoute, franche et authentique. Tout s’est fait en travaillant ensemble dans le respect des rôles et responsabilités de chacun… jusqu’au bilan sous forme de jeu-questionnaire, avec télévoteurs, présenté en journée pédagogique avec l’aide de ma collègue conseillère pédagogique TIC, qui fut tout aussi couronné de succès! » À partir de ce moment, Debby Ann Philie détenait sa signature comme conseillère pédagogique.

Un programme Sciences humaines renouvelé

Sa façon de faire et ses compétences reconnues, Debby Ann fut rapidement interpellée pour conduire d’autres projets d’envergure. Un de ceux-là touche le développement, avec l’équipe enseignante du programme, du nouveau profil appliqué avec mathématiques en Sciences humaines.Unique au ce profil offre des cours axés sur une pédagogie active appelant les étudiants à se mettre en action en classe et sur le terrain pour acquérir les compétences visées. Unique au Québec, « Le profil est actuellement en implantation. Une première cohorte diplômera à l’hiver 2015.Tout roule bien. Nous

Nouveau profil appliqué avec mathématiques en Sciences humaines. Première cohorte du profil, accompagnée de Dominique Thibault, enseignante de géographie, et de Nathalie Laferté, enseignante de sociologie, en sortie terrain à la Pinède d’Oka avec un aîné mohawk, novembre 2013 (CGG © 2013)

réalisons que les étudiants qui y sont inscrits sont très performants. Ils ont développé une très belle solidarité et poussent même les enseignants à aller plus loin, ce qui donne lieu à des projets stimulants. C’est très intéressant de voir l’évolution de ce nouveau profil qui vient bonifier l’offre de formation du programme. » Fort appréciée de ses collègues enseignants du programme, Debby Ann a aussi participé cette année à la révision du profil administration et encore une fois l’innovation était au rendez-vous. « Le nouveau profil administration en Sciences humaines offre deux cheminements avec mathématiques dont un avec la possibilité de réaliser quatre cours de la discipline en plus d’un cours de géographie et de sociologie des affaires, ce qui permet au profil de se démarquer de l’offre habituelle. » L’implantation du profil commence cet automne avec une diplomation de la première cohorte prévue à l’hiver 2016.

Des politiques pour développer la recherche

Un autre chantier d’envergure confié à madame Philie a été le développement de la recherche au Cégep Gérald-Godin, un jeune cégep qui par ailleurs fête ses 15 ans cette année. Après avoir participé à l’élaboration de la Politique de la recherche à l’hiver 2013, Debby Ann Philie a rédigé l’an dernier les deux autres politiques rendant l’institution admissible auprès des organismes subventionnaires, soit la Politique sur l’intégrité en recherche et la Politique d’éthique de la recherche avec des êtres humains. « J’ai travaillé de la même façon que pour les autres chantiers d’envergure réalisés par le passé. Ensemble, nous avons rédigé, adopté et mis en œuvre les politiques. Nous avons formé les différents comités, tenu nos premières réunions et évalué nos premiers projets. D’ailleurs, deux projets de recherche ont été acceptés et entameront leurs travaux cet automne. La recherche est un gros chantier, mais très motivant parce qu’il répond à un besoin de perfectionnement des enseignants. »

Une campagne de sensibilisation au plagiat pour oser faire la différence

Chelsea Aird, étudiante gagnante du concours de logo pour la campagne de sensibilisation au plagiat, accompagnée des membres du comité organisateur de la campagne : Geneviève Blais, enseignante et CP TIC, Debby Ann Philie, CP, Sylvain Benoit, enseignant, Charles Létourneau, directeur adjoint des études – Service des activités d’enseignement , Guylaine Mireault, enseignante, Roseline Dufault, SMTE, Sandra Dubé, enseignante, Anne-Catherine Caron, étudiante et François Bélanger étudiant,(CGG © 2014) .

À la suite de commentaires reçus dans le cadre  la révision de la PIEA, il fallait apporter des solutions aux problématiques liées au plagiat. « Nous avons travaillé pendant deux ans afin de trouver les réponses adéquates. J’ai mené le projet en collaboration avec ma collègue Geneviève Blais, conseillère pédagogique TIC. Ce fut un travail terrain axé sur les besoins des enseignants et des étudiants. Une fois les problèmes identifiés, nous avons construit des outils avec les étudiants et les enseignants. La boîte de production du cégep « L’Alvéole », accessible à tous les étudiants, a été mise à contribution. Dès l’automne 2012, nous avons travaillé en collaboration avec deux étudiants à la création de trois capsules vidéo sur le plagiat. Elles sont devenues centrales durant la campagne menée cet hiver. Dans la même perspective, nous avons travaillé avec une enseignante qui demandait à ses étudiants de mettre en forme une campagne de sensibilisation au plagiat comme projet de session. Nous étions membres du jury d’évaluation, ce qui nous a donné la possibilité de retenir les meilleures idées et de les mettre en lien avec les capsules réalisées l’année précédente. Tout ce matériel a été utilisé dans le cadre de la campagne de sensibilisation que nous avons menée cet hiver. Nous allons récidiver cet automne avec une approche renouvelée, arrimée sur les cours, afin de rejoindre le maximum d’étudiants, surtout de première session, et d’enseignants. Ça promet. Nous avons bien hâte de voir les résultats. »

Travailler ensemble dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun

La façon de faire de madame Philie repose en premier lieu sur la création de liens positifs et le travail collectif dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun. « Il faut savoir prendre sa juste place lorsque nous travaillons avec les autres. Lorsque chacun le fait en se souciant d’écouter l’autre, nous trouvons des solutions qui conviennent à tous les défis. C’est fondamentalement ma façon de travailler. Je suis une conseillère pédagogique, je ne suis pas une directrice. Je ne prends pas de décision et je n’impose pas de décision. Je travaille en collaboration avec des personnes afin qu’ensemble nous arrivions à trouver réponse à nos questions. Je ne pense pas que nous puissions faire les choses autrement. Dans les attitudes que je mets en pratique, il y a de façon incontournable l’écoute, l’écoute et encore l’écoute. J’ai appris en écoutant et en travaillant fort. J’avais tout à apprendre et je pense encore aujourd’hui que j’ai tout à apprendre. Je crois fondamentalement que ce n’est pas à moi de montrer aux autres comment faire, c’est en écoutant les autres que j’apprends comment faire pour les aider.» L’écoute, la bienveillance guident ma façon de faire. J’aime rapporter les forces de chacun au sein des équipes que j’anime et faire ressortir les forces individuelles au profit de ces équipes. L’authenticité et l’intégrité guident mes décisions, qui sont prises en lien direct avec mes valeurs. Je fais en sorte que, dans la mesure du possible, cela se fasse dans l’intérêt de tous ou de la majorité. J’essaie de rallier tout le monde dans la prise de décision et cela nécessite d’être honnête et franche, et ce, dans le respect du cadre institutionnel dans lequel mon travail s’inscrit. »

Comme elle le mentionnait dans son discours au moment de recevoir le prix du même nom, être vecteur pédagogique pour Debby Ann Philie, « c’est travailler ensemble, dans le respect des rôles et responsabilités de chacun, à surpasser les absurdités auxquelles nous faisons face dans notre travail afin d’offrir aux nouvelles générations le meilleur levier d’émancipation qui puisse être, soit une éducation porteuse de sens, digne, honnête et humaine ». Le Cégep Gérald-Godin est un jeune cégep qui a ouvert ses portes en 1999. Recevoir le prix Vecteur pédagogique constitue pour Debby Ann Philie une très belle reconnaissance de la part de ses collègues enseignants et de son supérieur immédiat signataire de sa candidature. Tout un pesant d’or, exprime-t-elle.

« J’ai compris le sens du prix en le recevant à l’ouverture du colloque de l’AQPC par ce que les gens m’ont témoigné, ce qui en décuple la portée et l’esprit rassembleur. Je me suis dit : si en recevant ce prix, je peux inspirer les autres à devenir eux-mêmes des vecteurs pédagogiques en travaillant à faire la différence, tant mieux. Je ne peux demander mieux! Quant à l’avenir, je souhaite voir exploiter davantage la force de la collaboration à l’intérieur des cégeps, entre cégeps et avec les universités. Dans le contexte actuel de plus en plus compétitif en éducation, nous travaillons trop souvent dans un esprit de chacun pour soi, parfois même l’un contre l’autre. Mon paradigme est contraire. Pour moi, la collaboration est la force qui doit être exploitée pour faire la différence. J’ai tout l’avenir devant moi pour continuer à m’investir dans ce sens. »






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