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Des mannequins pour apprendre à soigner

Entrevue avec Monsieur Luc Grenier, infirmier en soins critiques, enseignant en soins infirmiers au Collège Shawinigan et oordonnateur du centre virtuel d’immersion clinique au même collège.

Le Centre virtuel d’immersion clinique (CVIC) a vu le jour en novembre 2012 au Collège Shawinigan. Initialement conçu pour le programme de Soins infirmiers, il dessert aujourd’hui tous les programmes de santé offerts au Collège et nourrit de belles ambitions.

Comme précisé par madame Sylvie Le Sieur, directrice des Études au Collège Shawinigan, lors de son inauguration en novembre 2012, « le CVIC permet d’aller plus loin dans l’enseignement ». Le but premier du projet visait à favoriser une pédagogie active en mettant l’accent sur des situations se rapprochant de la réalité. iI vise encore aujourd’hui,  les mêmes objectifs.

Une vision intégrée des soins

Selon monsieur Luc Grenier, actuel coordonnateur du Centre, le mode d’enseignement privilégié au CVIC encourage une vision intégrée des soins qui conduit à des actions concrètes reflétant les difficultés rencontrées par les étudiants en milieu hospitalier. La technique de simulation qu’il sous-tend est d’un grand intérêt. Elle offre des possibilités de maîtrise des conditions d’exercice de la profession et autorise une répétition parfaite des scénarios utilisés en milieu hospitalier, et ce, quelle que soit leur complexité. Les acquis faits en laboratoire permettent d’éviter que les étudiants stagiaires, les milieux qui les reçoivent et la population soient mis dans un contexte de dangerosité peu favorable.

Monsieur Grenier précise qu’avant 2012,« l’étudiant stagiaire devait se mettre en mode observateur et de prise de notes, afin d’apporter des clarifications cliniques ultérieurement, à son retour au collège. Ainsi, les étudiants transféraient leurs connaissances et réagissaient adéquatement en période critique seulement lorsqu’ils étaient devenus des infirmières et des infirmiers diplômés. Un chaînon pédagogique important manquait indéniablement dans la préparation des intervenants du système de santé au Québec qui requiert des infirmières et des infirmiers diplômés chevronnés, capables de répondre aux exigences pointues de la fonction et de la profession ».

Un centre virtuel qui représente la réalité

Le CVIC mis en place à Shawinigan est aménagé afin de représenter adéquatement la réalité d’un centre hospitalier en département d’urgence, de soins palliatifs, de médecine chirurgie, de pédiatrie, d’obstétrique et de psychiatrie. Monsieur Grenier confirme: « Il s’agit d’un concept novateur qui allie la haute technologie à des mannequins programmés par ordinateur. L’alliance s’effectue selon une approche sociopédagogique active qui favorise la pensée réflexive et facilite le transfert et l’acquisition des connaissances en améliorant le jugement clinique de l’étudiant, la prise de décision et qui augmente l’autonomie et l’estime professionnelle. Cette approche est centrée sur la formation, grâce à l’évaluation formative plus que quantitative. Les étudiants peuvent ainsi réagir, intervenir, penser et vivre les interventions sans référence à l’obtention d’une note. »

Selon le coordonnateur, les gestes posés au centre virtuel uniformisent la formation pédagogique : « Les étudiants ont l’occasion, au moyen de la manipulation des mannequins et aux sessions de bilan auxquelles ils sont soumis, de vivre, d’agir et d’interagir au regard de problématiques médicales diverses. Nous parlons, à titre d’exemple, de traitements d’infarctus, d’arrêts cardio-respiratoires, d’œdème aigu du poumon et j’en passe. L’étudiant est appelé à réagir ponctuellement aux interventions d’un superviseur, à affiner ses connaissances et à mesurer la portée des décisions prises en situation d’intervention. "

"La relation professionnelle entre l’étudiant et le mannequin qui verbalise et transmet des émotions, se rapproche étroitement de la réalité. À titre d’exemple, les changements hémodynamiques sont clairement identifiables. Les étudiants peuvent intervenir dans le réel, installer l’oxygène, introduire de la médication, etc. Des simulations se rapportant à divers éléments de compétences et à des objectifs programme sont mises à leur disposition. Elles leur permettent de mesurer leurs difficultés et leurs acquis. Quand l’étudiant se sent bien et prêt, il est soumis à une simulation d’une durée d’environ 20 minutes. Il est par la suite invité dans la salle de débriefing, où il peut visualiser la simulation filmée et enregistrée. Il peut également avoir facilement accès à un répondant médical crédible comme un médecin, un pharmacien, un technicien d’analyse biomédicale, etc. Ainsi, ils ont accès à une opportunité unique, des plus formatrices, rarement mise à leur disposition en milieu hospitalier.»

Monsieur Luc Grenier le confirme, en période de formation, l’étudiant est convié à faire de son mieux. Les formateurs qui les accompagnent sont unanimes. Dans le simulateur, l’étudiant peut transférer 20 %, 30% ou plus des connaissances qui lui ont été soumises. L’important est d’aider l’étudiant à rattacher ses connaissances dans un contexte de débriefing et de l’amener à atteindre un plus haut pourcentage de transfert à la sortie du débriefing. Il doit composer avec un niveau de stress tout à fait normal qu’il doit gérer. La métacognition, pendant le débriefing, permet aux étudiants de revoir les prises de décisions et de valider leurs interventions.

En débriefing, avec l’aide de son superviseur, il ira chercher en lui les connaissances qui permettront la reconstruction des concepts ou des approches à acquérir. « La puissance  de la simulation », précise M. Grenier, « réside en grande partie dans la magie de l’échange constructif qui en découle. Tout est une question d’attitude. Dans un premier temps, en toute confiance, l’étudiant est amené à situer ses zones de stress et d’inconfort. Par la suite il est invité à revoir les éléments de donnée et les prises de décisions qui s’y rattachent. Et dans un dernier temps, l’apprenant doit trouver les outils qui lui permettront de réagir différemment dans une situation ultérieure. L’atteinte des éléments de compétences et des objectifs pédagogiques est également mesurée afin de l’amener plus loin et de conscientiser chez lui les objets d’apprentissages à intégrer ou à parfaire. À la fin du débriefing, les étudiants sont ainsi beaucoup mieux outiller à intégrer le milieu hospitalier. Ils interviennent beaucoup plus adéquatement parce qu’ils sont moins concentrés sur leur peur ou leur crainte. Grâce à la simulation, ils peuvent identifier ce qui se passe, mesurer leurs carences et effectuer les transferts requis dans les interventions qu’ils doivent mener. »

Fidélis Lucina 

La santé de la mère et du nouveau-né est souvent influencée par les interventions des apprenants durant les accouchements. De nos jours, le temps consenti aux exercices dans un contexte clinique réel en obstétrique est limité, parce que cela entraîne des risques chez la patiente et son enfant. Dans ce contexte, les étudiants qui vont en stage et qui assistent à un accouchement le font à titre d’observateurs seulement. Grâce à l’acquisition du mannequin Fidélis Lucina, les étudiants acquièrent au centre virtuel d’immersion clinique une expérience hors du commun, précise le coordonnateur du centre.

« Les étudiantes et les étudiants ont la chance de participer à des accouchements virtuels avec ou sans complications durant lesquels ils sont appelés à effectuer des gestes éminemment pratiques, tels que des examens pelviens, l’identification des niveaux de dilatation, d’effacement du col, de positionnement et présentation de l’enfant. Cela représente un atout majeur sur le plan pédagogique. Les étudiants interviennent virtuellement avec une personne qui accouche et la part de la simulation est dans ce sens incontournable en soins infirmiers. Les pupilles de Lucina réagissent à la lumière, phénomène excessivement utile dans le cas de polytraumatisé. Elle peut convulser, pousser des cris, accoucher en position dorsale ou sur le côté, à quatre pattes. Elle permet la saisie du cœur fœtal, etc. Nous pouvons, comme dans les exemples précédemment mentionnés, identifier et programmer au centre virtuel des scénarios d’apprentissages excessivement pertinents afin de permettre le transfert de connaissances chez les étudiants en obstétrique, qui peuvent aller chercher des compétences cliniques se référant aux pathologies et aux interventions liées à la périnatalité et au nouveau-né. »

Développer des partenariats

« La simulation, c’est l’avenir», d’affirmer monsieur Luc Grenier, profondément convaincu. « Les étudiants de plusieurs disciplines, entourés d’enseignants et d’intervenants compétents, profitent de l’expertise que nous développons chez nous au Collège Shawinigan. Nous travaillons maintenant depuis près de trois ans en collégialité et convergeons lentement mais sûrement vers le développement d’une expertise prometteuse et ouverte à la collaboration. Nous développons des simulations inter-programme qui réunissent les programmes de Soins infirmiers, Soins préhospitaliers d’urgence, technique d’analyse biomédicale, hygiène et salubrité, géronto-gériatrie et le Département de psychologie. Les apprenants peuvent déjà apprendre à travailler en collaboration interdisciplinaire dans un contexte de virtualité. En faisant de nos limites un point de départ, je nourris, avec mes collègues, l’ambition de développer davantage le centre virtuel d’immersion clinique du Collège Shawinigan.

Entrevue réalisée par Mme Marie Lacoursière, le 12 février 2015.






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