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Cégep de Trois- Rivières

De meilleurs tuteurs coronariens au Centre de métallurgie du Québec

 

En cardiologie, il existe une intervention chirurgicale appelée angioplastie qui consiste à insérer dans un vaisseau sanguin bouché un tube fait d’un maillage métallique. Ce tuteur coronarien sera ensuite gonflé pour dilater le vaisseau afin de permettre au sang de circuler à nouveau librement dans le cœur. Ce minuscule objet est fait de métaux biocompatibles, c’est-à-dire d’un alliage de métaux ne présentant pas de toxicité pour le corps.

Par Brigitte Trahan

Le Nouvelliste

«Généralement, les tuteurs coronariens sont faits en alliage chrome-cobalt. Ils sont très résistants, très bons, mais on s’est rendu compte qu’un tuteur peut être un endroit propice à une récidive. Après un an, un an et demi, il fait son travail, mais il devient plus problématique pour le futur», explique Nicolas Giguère, directeur adjoint et de la recherche au Centre de métallurgie du Québec du Cégep de Trois-Rivières.

Des chercheurs, non pas en médecine, mais en métallurgie, étudient, depuis cinq ans, comment régler ce problème.


« Il faut que le tuteur soit très résistant, mais avec le temps, il doit se dissoudre. »

— Nicolas Giguère, directeur adjoint et de la recherche au CMQ


Des tests in vitro démontrent qu’«il ne se dégrade pas encore assez vite à notre goût. Il reste encore des ajustements à faire», explique-t-il.

Au départ, les chercheurs du CMQ avaient travaillé sur un alliage à base de fer avec manganèse. L’idée, explique M. Giguère, était d’arriver à créer un tuteur coronarien qui puisse se dissoudre dans les temps voulus et être éliminé par le corps après avoir joué son rôle. Il arrive parfois, en effet, que ce genre de dispositif doive être installé chez des gens relativement jeunes, voire chez des enfants dont le corps est en développement, d’où l’importance de cette dissipation au fil du temps. C’est comme un plâtre, explique-t-il. Après un certain temps, le corps n’en a plus besoin.

Récemment, le Centre de métallurgie du Québec a également collaboré avec une équipe de chercheurs internationaux afin de perfectionner le tuteur coronarien.

L’idée d’améliorer la composition métallique du tuteur est née d’un projet du professeur Diego Mantovani de l’Université Laval, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biomatériaux et bioingénierie pour l’innovation en chirurgie. Cette fois, on a misé sur le développement d’alliages à base de titane pour leur biocompatibilité et leur stabilité supérieure dans le corps humain. 

Voici le produit final: un tuteur coronarien qui aura nécessité l’expertise de plusieurs chercheurs internationaux et du CMQ du Cégep de Trois-Rivières.

Voici le produit final: un tuteur coronarien qui aura nécessité l’expertise de plusieurs chercheurs internationaux et du CMQ du Cégep de Trois-Rivières.

Courtoisie

«Il avait des idées de développement d’alliages, mais il fallait des métallurgistes dans l’équipe», indique M. Giguère. Le CMQ du Cégep de Trois-Rivières avait tout le savoir et la technologie pour aider les chercheurs à passer de la théorie à la pratique, dont un four à induction sous vide.

Pour réaliser ce genre de dispositif minuscule, «il faut des métaux qui ne sont pas toxiques», explique M. Giguère. Le professeur Montovani a donc voulu tester une famille d’alliages. Il lui fallait des installations très spécialisées pour faire ses essais, des installations comme on en trouve au CMQ. «On ne peut pas faire ça dans une université. Ça prend des méthodes de coulée particulières», explique le directeur de la recherche au CMQ.

L’alliage est garant du succès de l’installation du tuteur, car «il faut le déployer. C’est un ballon qui gonfle et lorsqu’il gonfle, le tuteur se déforme, mais quand on relâche le ballon, il doit rester en place. Il ne faut pas qu’il revienne. C’est un mélange de propriétés assez intéressantes à aller chercher», explique-t-il, pour qu’un alliage réponde à ce critère. «Il ne faut pas pomper cela au point de faire éclater le vaisseau. Ça prend juste la force nécessaire pour que le tuteur se déforme plastiquement de façon permanente», explique-t-il.

Pour arriver à leurs fins, les chercheurs ont choisi le titane comme base, un métal déjà utilisé en chirurgie buccale et pour le remplacement de certaines parties anatomiques comme les genoux. Toutefois, «la force qu’il faut pour déployer un objet en titane est trop grande», précise M. Giguère.

Il fallait donc créer un alliage pour améliorer certaines de ses propriétés. «En faisant un alliage titane, molybdène et fer, qui sont tous relativement biocompatibles», dit-il, les chercheurs sont arrivés à un résultat des plus prometteurs.

On aperçoit ici le four de fusion du CMQ utilisé pour préparer des alliages à base de fer, manganèse et carbone.

Il n’était pas simple, toutefois, d’en arriver à cette conclusion. «Selon la théorie des orbitales électroniques, il y a des paramètres physiques inhérents aux différents atomes qui font qu’on sait, en les mélangeant dans différentes proportions, ce que sera leur mécanisme de déformation. Déformer quelque chose lentement ou rapidement ne fait pas appel aux mêmes mécanismes» explique-t-il.

C’est en modélisant les niveaux d’énergie des orbitales des différents alliages qu’une étudiante au doctorat en métallurgie impliquée dans le projet, a réussi à trouver la recette parfaite.

Pour pouvoir passer de la théorie à la pratique, les chercheurs universitaires ont envoyé la recette au CMQ du Cégep de Trois-Rivières.

Ce centre collégial de transfert technologique dispose en effet d’équipements spécialisés, comme un four sous vide afin d’éviter les réactions entre le titane et l’oxygène. L’alliage à expérimenter comprenait aussi beaucoup de manganèse, qui est très volatile. «Il a fallu utiliser une méthode spéciale de fusion à l’air libre», ajoute M. Giguère. L’argon liquide est aussi employé afin d’éviter que le métal s’oxyde à l’air libre, précise-t-il.

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10 novembre 2022