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La loi 101 au cégep? Une fausse bonne idée!

Lettre publiée par Le Devoir -

«Nous sommes prêts à mettre en oeuvre, dans l'ensemble des collèges du réseau public, y compris dans les cégeps anglophones, un déploiement intensif d'activités éducatives et culturelles faisant la promotion du français, mettant en lumière des oeuvres et des artistes québécois», écrit l'auteur.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne

Auteur: Bernard Tremblay
Président-directeur général de la Fédération des cégeps

16 avril 2021- En ce qui concerne les enjeux de vitalité du français, en particulier à Montréal, plusieurs personnes ont proposé d'étendre au niveau collégial les dispositions de la Charte de la langue française sur la langue d'enseignement. Même si cette proposition est discutable, on ne peut que se réjouir de la prise de conscience et de cette volonté de réagir pour assurer l'avenir de la langue française au Québec. Car les constats sont bien là et demandent une réaction vigoureuse.

Cependant, une question demeure : que faire pour intervenir de manière judicieuse et efficace ? Il peut être tentant de proposer des solutions simples à des problèmes complexes. L'application de la « loi 101 » au cégep se rangerait assurément parmi ce type d'approches. Cela reviendrait également à dire que les cégeps font partie du problème. Or, ce n'est pas le cas. En revanche, ils font partie de la solution : l'ensemble des cégeps, y compris les cégeps anglophones, souhaitent exprimer leur volonté ferme de contribuer à l'effort collectif pour assurer la vitalité du français au Québec.

Rappelons d'ailleurs que les collèges anglophones contribuent pleinement à la société québécoise et jouent un rôle important dans l'acquisition de compétences langagières en français au sein des communautés d'expression anglaise. Ils participent à l'accessibilité à l'enseignement supérieur, à la vitalité de ces communautés, mais aussi à l'édification d'une culture du dialogue. Rappelons également que les cégeps figurent parmi les pierres angulaires de la francisation des personnes immigrantes dans les régions du Québec et favorisent leur intégration citoyenne, en français, à la société québécoise. Le réseau collégial ne fait assurément pas partie des menaces au rayonnement de la culture québécoise et à la vitalité de la langue officielle du Québec !


Faux sentiment de sécurité

Souvenons-nous, par ailleurs, qu'en cohérence avec la vision de la Charte de la langue française, l'action gouvernementale doit aborder plusieurs fronts pour porter ses fruits, notamment ceux de la langue du travail, de la langue de l'administration publique et de la langue du commerce et de l'affichage. Cette charte, malgré les attaques qui l'ont affaiblie, a généré au fil des années un faux sentiment de sécurité au sein de la population québécoise. Pour plusieurs, le chapitre le plus révolutionnaire ou radical de cette loi est celui consacré à la langue de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire. Loin de nous l'idée de remettre en question cette mesure et sa pertinence encore aujourd'hui. Cependant, est-ce en élargissant la contrainte aux jeunes adultes qui font le choix de l'enseignement supérieur qu'on réglera le problème ? Et quel serait l'effet réel d'une telle contrainte sur la vitalité du français ? Ne serait-ce pas une autre façon de créer un faux sentiment de sécurité linguistique en évitant l'enjeu fondamental de la langue de travail et des exigences démesurées que ressent une partie de la jeunesse québécoise ?

Il faut plutôt agir pour assurer à la langue française au Québec le statut incontesté de langue commune et en assurer le prestige face à l'anglais, pour en faire le facteur de cohésion sociale permettant de bâtir des ponts et d'établir un dialogue interculturel dans une société fière de sa diversité. Pour ce faire, il faut intervenir sur une multitude de fronts, mais principalement sur la langue de travail et la culture. Si le désir d'étudier en anglais chez des jeunes est motivé par des considérations liées au marché du travail, de plus en plus exigeant à cet égard, il faut se rappeler que la langue est l'une des clés qui permettent de participer à cette culture unique que le Québec a développée au cours des siècles. Ainsi, au lieu de rassurer superficiellement les Québécoises et les Québécois en mettant en oeuvre des dispositions qui ne nourriront jamais leur ambition et leur fierté de se définir comme peuple francophone, il faut redonner à l'ensemble de la population le goût de cette langue et de cette culture.

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