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FEC-CSQ - Nos cégeps ne sont pas à vendre

Lucie Piché, présidente de la FEC-CSQ

Les débats entourant l'offre de cours du Cégep de la Gaspésie et des Îles à Montréal expriment de façon « exemplaire » les dérives de la marchandisation de l'éducation. Il y a, bien sûr, la question de la langue d'enseignement où l'on dénonce le fait qu'un cégep de la Gaspésie ouvre une antenne à Montréal en ne dispensant que des cours en anglais, ajoutant encore un peu plus au déséquilibre linguistique de la métropole. La direction du cégep a d'ailleurs déjà réagi à la suite des demandes du ministre Roberge. Le site Internet sera traduit et une offre de cours en français devrait être développée. Mais est-ce suffisant face à ce nouveau « modèle d'affaires » ?

Quiconque s'attarde aux arguments évoqués par la direction du cégep pour justifier cette antenne montréalaise y verra en effet un discours essentiellement mercantile : chasse à la clientèle, ouverture de nouveaux marchés internationaux, profits. C'est, du moins, ce qui ressort des propos tenus par Sylvain Vachon, le responsable de la formation continue du Cégep de Gaspé qui est au coeur du recrutement à l'étranger. Se dégage des entrevues qu'il a accordées récemment à ce sujet une image malheureusement trop courante du développement du réseau collégial, particulièrement du secteur de la formation continue, soit un cégep géré comme une PME dont il faut augmenter les parts du marché à l'heure de la concurrence planétaire — un cégep qu'il faut faire croître pour augmenter ses profits en développant de nouveaux produits, et ce, au nom du néolibéralisme et du commerce planétaire ! Et si ce n'est pas nous qui le faisons, ce sera un autre, qui plus est du secteur privé, de justifier Sylvain Vachon !

Ce qu'on oublie ici de mentionner, c'est que d'une part, ce développement atypique a été favorisé par l'austérité libérale et le manque de soutien des cégeps de région qui se sont lancés dans l'innovation à tout vent. D'autre part, il est essentiel de mentionner que cette marchandisation se fait également sur le dos des employées et employés.

Les modifications que le gouvernement a voulu apporter au Programme de l'expérience québécoise l'automne dernier (PEQ) avaient soulevé un tollé en région, révélant à plusieurs l'importance des étudiantes et étudiants étrangers pour maintenir à flot les effectifs des cégeps en région. Toutefois, il ne s'agissait là que de la pointe de l'iceberg, car cela fait près de deux décennies que nous militons pour la défense et la promotion d'un accès à l'enseignement collégial de qualité dans toutes les régions du Québec. La baisse démographique qu'ont connue les régions, couplée aux années d'austérité du gouvernement libéral ont en effet mis en grande difficulté les établissements collégiaux de la Gaspésie et d'ailleurs. Outre nos revendications pour un réinvestissement qui ont fini par être partiellement entendues, les directions locales ont souvent fait preuve d'une imagination fertile pour compenser les pertes, innovations qui ont conduit aux dérives que nous connaissons aujourd'hui.

Diverses « innovations » se sont également faites sur le dos du personnel, que l'on pense à la formation à distance, notamment, mais également à la formation continue comme au campus de Montréal. Dans ce cas, c'est la recherche de profits tous azimuts qui se fait aussi en embauchant des dizaines de personnes à qui l'on dénie le statut de professeures et professeurs pour les payer à tarif moindre comme chargé.e.s de cours embauché.e.s à la leçon et ce, dans des conditions de travail qui laissent grandement à désirer. Des charges de cours pour lesquelles n'est prévue aucune rémunération pour l'encadrement de la « clientèle » qui fréquente les cours offerts dans les diverses attestations d'études collégiales (AEC) que dispensent les cégeps du Québec. Au campus de Montréal, comme ailleurs dans le réseau collégial, toutes ces personnes méritent que l'on parle de leur situation de travail, car la marchandisation de l'éducation se fait également sur leur dos. C'est ce que nous nous attarderons à faire avec conviction dans le cadre de la négociation en cours.