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Noms autochtones des équipes sportives - Redmen, Indiens, faut-il changer votre nom ?

Article publié par La Presse+

3 novembre 2018 - Dénoncés par les représentants des Premières Nations, les noms autochtones d'équipes sportives ont été graduellement abandonnés, mais certaines organisations s’y accrochent. Au Québec, les équipes de deux établissements, le collège Ahuntsic et l’Université McGill, s’appellent encore les Indiens et les Redmen. Mais pour combien de temps ?

Un dossier de Michel Marois

Collège Ahuntsic
Une démarche qui dépasse le volet sportif

Michel Marois
La Presse

Le cégep et l’arrondissement d’Ahuntsic doivent leur nom à un Français « huronisé », compagnon du père Nicolas Viel, qui aurait perdu la vie avec le missionnaire en 1625 quand leur canot a chaviré dans des rapides de la rivière des Prairies.

Est-ce une raison pour justifier que les équipes sportives de l’établissement portent encore aujourd’hui le nom « Indiens » ? Le collège Ahuntsic a amorcé récemment un processus d’« autochtonisation » pour non seulement étudier la question du nom des équipes, mais aussi réfléchir à l’ensemble des rapports entre l’établissement et les communautés autochtones.

Ce n’est rien de moins qu’une « déconstruction du regard réducteur et colonialiste encore trop souvent porté sur les Premières Nations » que le cégep espère amorcer avec cette démarche. La directrice générale, Nathalie Vallée, reconnaît en entrevue qu’elle entend aussi de cette façon aller au-devant d’éventuelles controverses autour du nom des équipes sportives.

« Notre établissement est riche en diversité, il suffit de se promener dans les corridors pour le réaliser. Nous sommes aussi très proactifs dans nos efforts pour établir des ponts avec les communautés autochtones. »
— Nathalie Vallée, directrice générale du collège Ahuntsic

 

« Le projet Rencontres autochtones, créé il y a près de 10 ans par Julie Gauthier, une enseignante en anthropologie, s’est traduit par plusieurs activités culturelles ou sociales. Et nous organisons chaque année des visites d’étudiants dans la communauté d’Opitciwan », explique-t-elle.

Mme Gauthier, qui s’est toujours intéressée aux problématiques autochtones, souligne l’importance de traiter de ces enjeux dans des consultations en dépassant les questions de censure ou de « politiquement correct ».

« Il sera notamment question de l’utilisation des noms et des logos des équipes sportives et d’improvisation de l’établissement, les Indiens du collège Ahuntsic », précise-t-elle.
« Ces consultations seront menées dans le respect de toute la communauté, des employés et des étudiants, en gardant l’objectif de susciter une réflexion et une conscientisation de la part de tous. »
— Julie Gauthier, enseignante en anthropologie au collège Ahuntsic

La direction du cégep s’est engagée dans cette démarche qu’elle entend mener de façon progressive, intelligente et surtout respectueuse de toutes les parties concernées. Comme l’a expliqué Mme Vallée, « une volonté d’autochtonisation doit passer par une réflexion sur ses propres réflexes coloniaux et sur les façons de les corriger. »

« Le Collège s’engagera ainsi dans un processus de reconnaissance officielle des territoires autochtones sur lesquels il est construit. Éventuellement, on pourrait aussi adapter les critères d’admission et mettre en place des mesures de soutien aux étudiants et étudiantes autochtones ».

Des questions essentielles
Mené conjointement avec l’organisme de sensibilisation et d’éducation autochtone Mikana, ce projet d’autochtonisation déborde largement des débats sur le nom ou l’emblème des équipes sportives, on vient de le voir. Ceux-ci restent néanmoins importants, ne serait-ce que sur un plan symbolique.

Dans un document expliquant sa démarche, Mme Gauthier soulève un ensemble de questions fondamentales : « Qui sont, par exemple, ces “Indiens” dont on porte le visage et les couleurs sur les uniformes des équipes sportives et sur les vêtements promotionnels vendus à la Coop du collège ? Quelle est l’origine de l’actuel logo [et des précédents] ? »

Les Kanien’kehá:ka (Mohawks), gardiens ancestraux de Tiohtiá:ke (Montréal), ont-ils été partie prenante de la décision d’utiliser ce nom et ce symbole ? Leur a-t-on déjà demandé ce qu’ils en pensaient ?

« A-t-on déjà questionné les étudiants athlètes qui portent ce nom et cette représentation autour desquels ils construisent la solidarité et l’esprit d’équipe nécessaires à leur victoire ? Quel est leur rapport identitaire à ce logo et à cette dénomination ? À la justification souvent évoquée de la volonté de rendre hommage à la force et au courage des guerriers “indiens” sur le “champ de bataille” d’un terrain de football, de soccer ou de basketball, a-t-on déjà demandé aux autochtones de ce territoire s’ils souhaitaient qu’on leur rende hommage de cette façon ? »