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70 ans de Refus global - Madeleine Arbour honorée

Article publié par la Presse+
Les 70 ans de Refus global
Refus global, qui a ouvert la voie de la modernité artistique et sociale du Québec, aura 70 ans demain. Parmi ses 16 signataires figurent Madeleine Arbour, pionnière du design de présentation, et le photographe Maurice Perron (1924-1999), éditeur du manifeste dont nous publions des images évoquant cette riche période de l’histoire du Québec.
Éric Clément
La Presse

Éric Clément
La Presse

Comme Louise Renaud, Françoise Sullivan et Françoise Riopelle, Madeleine Arbour fait partie des dernières signataires du manifeste Refus global à pouvoir encore témoigner de l’importance historique de ce défi adressé aux autorités politiques et religieuses le 9 août 1948. Pour ce geste et pour sa carrière d’artiste, de designer et d’enseignante, Mme Arbour a été honorée par le cégep du Vieux Montréal.

Madeleine Arbour a dispensé des cours au cégep du Vieux Montréal jusqu’en 1982. Depuis juin dernier, une salle du cégep porte son nom. À cette occasion, le cégep lui a décerné un diplôme honoris causa. « Je suis d’autant plus enchantée que je n’ai jamais eu de diplôme », a-t-elle lancé en riant.

Contrairement aux Borduas, Riopelle, Ferron et Barbeau, Madeleine Arbour n’était pas peintre. Son art, elle a commencé à l’exprimer comme étalagiste vedette chez Birks, où elle créait des vitrines. Un talent qu’elle a construit petit à petit et qui l’a amenée à être considérée aujourd’hui comme la pionnière québécoise du design de présentation.
Elle a développé ses talents de designer chez Seagram, chez Archambault ou encore à la Maison du Québec à New York. Elle a aménagé et décoré les trains de VIA Rail, l’intérieur des avions d’Air Canada et la résidence du gouverneur général.

La boîte à surprises

Première femme à avoir présidé le Conseil des arts de la métropole, Madeleine Arbour a été très active durant les premières années de la télévision, créant des marionnettes et les scénarios de La boîte à surprises au début des années 60. Madeleine Arbour a aussi fait sa marque comme professeure à l’Institut des arts appliqués de Montréal, puis au cégep du Vieux Montréal dans les années 70, où elle a créé le programme Esthétisme de présentation (devenu Design de présentation).

Enseignante en design d’intérieur au cégep du Vieux Montréal, Louise Tellier n’avait que 4 ans quand elle regardait La boîte à surprises à la télévision. Madeleine Arbour y apprenait aux plus jeunes téléspectateurs comment bricoler.

Quelques années plus tard, Louise Tellier est allée suivre le cours Esthétique de présentation de Madeleine Arbour au cégep du Vieux. « J’étais comblée, dit Mme Tellier. Mme Arbour donnait le cours de design. On touchait à l’étalage, au design d’exposition, aux décors de télévision et de théâtre. Un jour, elle nous a demandé de dessiner les décors de la pièce Ubu roi jouée à La Roulotte de Paul Buissonneau… qui était venu critiquer nos travaux ! »

Une femme d’action
Madeleine Arbour faisait venir au cégep des gens de différents milieux, car cela ouvrait de nouveaux horizons aux élèves : « Je commençais toujours mes cours en disant aux étudiants : “Allez-vous-en si vous trouvez ça ennuyant !” »

Louise Tellier a travaillé pendant quatre ans dans l’atelier de Mme Arbour. « C’est là que j’ai appris les bases de mon métier de designer d’intérieur », dit-elle.
« Madeleine Arbour créait des installations épurées, sans superflu, pour ne conserver que l’essentiel d’où naissent la grâce et la beauté. Elle a toujours su créer de la magie, rendre l’ordinaire extraordinaire. »
— Louise Tellier, ancienne élève de Madeleine Arbour

« J’ai pu, en la côtoyant, rencontrer de grands peintres comme Marcel Barbeau et Jean Paul Riopelle, avant de fonder mon entreprise en 1985, puis d’enseigner », raconte Louise Tellier.

Mme Arbour a raconté que lorsque Jean Paul Riopelle venait lui rendre visite dans son atelier du Vieux-Montréal, elle faisait « de grandes croix sur les tables », pour le taquiner. « J’étais très heureuse de vivre et de m’exprimer comme je voulais », ajoute Madeleine Arbour.

Cette liberté de ton, Mme Arbour l’a toujours eue. En 1948, avec les Automatistes, elle n’avait pas craint de critiquer l’emprise de l’Église catholique sur la société québécoise et la sclérose qui en résultait. C’était toute une décision pour celle, alors âgée de 25 ans, qui ne manquait pas de courage.

Montrer la voie
Rencontré lors de la célébration de Mme Arbour au cégep du Vieux Montréal, Raymond Lefebvre a dit avoir créé son entreprise, Présentation Design, en 1973, après avoir suivi les cours de Madeleine Arbour. Une personne pour laquelle il a un respect sans limites.
« Elle apprenait aux étudiants à monter des kiosques d’exposition, à créer des vitrines et à faire des aménagements intérieurs pour présenter des produits. Avant qu’elle innove avec ce cours, il n’y avait rien de tel au Québec. On apprenait juste la décoration de scène. Mme Arbour a ouvert énormément de possibilités dans les arts appliqués. »

Raymond Lefebvre se rappelle combien Madeleine Arbour aimait ses élèves et les motivait.
« Elle était très débrouillarde, savait vraiment bricoler et nous disait : “Foncez, n’ayez pas peur.” Du coup, j’ai lancé mon entreprise. »
— Raymond Lefebvre, ancien élève de Madeleine Arbour
« Cela fait 45 ans que je fais des kiosques d’exposition partout sur la planète pour toutes sortes d’entreprises. Elle m’a littéralement permis de faire ma vie », indique Raymond Lefebvre

À 95 ans, Madeleine Arbour profite de sa famille et de ses amis. Rencontrer les médias est une source de fatigue pour elle, mais elle apprécie que l’on n’ait pas oublié sa contribution à la société québécoise. Une contribution exemplaire.
Le Musée national des beaux-arts du Québec nous a permis de diffuser quelques œuvres d’art qu’elle a créées de 1963 à 1990.

D’autres hommages
Deux autres signataires de Refus global seront honorés à l’automne au Québec. Le Musée national des beaux-arts du Québec présentera, du 11 octobre au 6 janvier, la plus grande rétrospective jamais consacrée au peintre Marcel Barbeau.
Puis, le Musée d’art contemporain de Montréal proposera, du 20 octobre au 20 janvier, une rétrospective qui soulignera la contribution majeure de la peintre, danseuse et chorégraphe Françoise Sullivan à l’histoire de l’art moderne et contemporain du Québec. L’exposition sera ensuite présentée dans d’autres villes du Canada.

Les signataires de Refus global
Madeleine Arbour, Marcel Barbeau, Paul-Émile Borduas, Bruno Cormier, Marcelle Ferron, Pierre Gauvreau, Claude Gauvreau, Muriel Guilbault, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau, Maurice Perron, Louise Renaud, Thérèse Renaud, Jean Paul Riopelle, Françoise Riopelle et Françoise Sullivan.