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Amours interdits entre professeurs et étudiants - Des syndicats veulent proscrire ces relations intimes au cégep et à l'université

5 avril 2017/ Artcile publié par Le Devoir /  |Marco Fortier |

Les rapports sexuels ou amoureux entre professeurs et étudiants ne font l’objet d’aucune réglementation dans les maisons d’enseignement supérieur.
Photo: iStock

C’est un immense tabou dans les collèges et les universités. Les relations intimes entre professeurs et étudiants — surtout des étudiantes — existent depuis toujours, mais des voix s’élèvent pour encadrer ces liaisons qui causent un malaise grandissant dans les campus du Québec.

Des syndicats d’enseignants montent au front et recommandent même à leurs membres d’éviter « tout rapport intime (amoureux ou sexuel) » avec une étudiante ou un étudiant, a appris Le Devoir. Ces syndicats prônent une forme d’autodiscipline de la profession, un peu comme les psychologues, les médecins ou les travailleurs sociaux, qui s’interdisent les relations intimes avec leurs patients.

En privé, des représentants syndicaux admettent « qu’on ne peut pas empêcher un coeur d’aimer ». Les liaisons entre professeurs et étudiantes sont courantes. La profession est divisée à ce sujet. Des universitaires disent redouter qu’un vent de rectitude politique dicte à des adultes consentants comment se comporter.

Les rapports sexuels ou amoureux entre professeurs et étudiants ne font d’ailleurs l’objet d’aucune réglementation dans les maisons d’enseignement supérieur. Des voix influentes s’élèvent tout de même pour demander l’encadrement de ces relations qui peuvent mener à des abus de pouvoir de la part de professeurs — ou à du chantage par des étudiants.

Dans un mémoire daté du 20 janvier 2017, la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (affiliée à la CSQ) prône un « code de conduite qui proscrit les rapports amoureux et sexuels entre le personnel et les étudiantes et étudiants ».

« De telles relations s’inscrivent dans un rapport de pouvoir “maître-élève”, elles peuvent devenir toxiques et avoir des conséquences néfastes pour les jeunes. Certaines directions ont déjà fait connaître leurs attentes à ce sujet, d’autres devraient y songer sérieusement », indique le document, qui a été soumis aux consultations du ministère de l’Enseignement supérieur visant à prévenir les violences sexuelles sur les campus.

Conflits d’intérêts

La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ), affiliée à la CSN, vient d’adopter une résolution qui va dans le même sens. Le conseil fédéral de la FNEEQ appelle ses syndicats affiliés à « proscrire tout rapport intime (amoureux ou sexuel) » avec des étudiants ou des étudiantes.

Les enseignants sont en « position de pouvoir » par rapport aux étudiants, note la résolution. Pour des raisons éthiques, les professeurs doivent éviter toute apparence de conflit d’intérêts dans leurs fonctions, et notamment dans l’évaluation des étudiants.

« Une relation intime entre un professeur et une étudiante, ce n’est pas recommandé. Il y a beaucoup de chances que ça finisse mal », dit Caroline Senneville, présidente de la FNEEQ, qui représente 34 000 membres issus de 101 syndicats dans les cégeps, les universités et des établissements privés.

Le syndicat a résolu de préparer un guide pratique destiné à ses filiales pour encadrer le traitement des plaintes pour harcèlement ou discrimination sexuelle. Ce processus doit être « sécuritaire, crédible, accessible, impartial et efficace ».

Un processus comme celui-là manque cruellement dans les collèges et les universités, a révélé une enquête du Devoir. La majorité des établissements d’enseignement supérieur n’a pas de politique claire pour prévenir le harcèlement sexuel ; et le traitement des plaintes varie d’un établissement à l’autre.

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