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Les cégeps démunis quant à la radicalisation

La Fédération des cégeps s’estime exclue des efforts de lutte contre le phénomène

 

 

 

 

Le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

 

26 août 2016 |Philippe Orfali | Le Devoir.com.//Frappés de plein fouet par le phénomène de la radicalisation, mais mal outillés pour y faire face, les cégeps peinent à comprendre pourquoi le gouvernement de Philippe Couillard semble vouloir les exclure des efforts de lutte contre l’intégrisme, affirme le président de leur fédération, Bernard Tremblay.

En rencontre éditoriale au Devoir à l’occasion de la rentrée scolaire, le président-directeur général de la Fédération des cégeps a déploré que les institutions collégiales soient « tenues à l’écart » des efforts gouvernementaux de lutte contre la radicalisation, alors qu’elles sont parmi les plus touchées par ce fléau, selon un rapport du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.

« Il y a un an ou deux, personne n’aurait pu prédire l’ampleur que prendrait cette problématique. On ne se met pas la tête dans le sable, on essaie d’y faire face, mais il faut qu’on ait l’appui » du gouvernement, plaide-t-il, en évoquant plusieurs revendications.

La Fédération a notamment milité, lors des consultations entourant le projet de loi 59 sur le discours haineux, pour que les cégeps obtiennent un pouvoir discrétionnaire qui leur permettrait de refuser d’accorder un contrat de location à des groupes jugés suspects, ou encore de résilier plus facilement un bail lorsque, comme dans le cas du collège de Maisonneuve et du prédicateur Adil Charkaoui, les activités tenues dans les locaux loués sont source de préoccupations. M. Tremblay souhaite également que le gouvernement adopte des mesures qui faciliteraient le partage de renseignements personnels d’élèves au potentiel plus « problématique » lors du passage d’un palier scolaire à un autre, par exemple du secondaire au cégep. Les maisons d’enseignement doivent également disposer des fonds nécessaires pour fournir des services et des activités parascolaires susceptibles d’intéresser les étudiants vulnérables.

« On a rencontré dès le début de ce phénomène le cabinet du ministre de la Sécurité publique, on a interpellé le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de l’Immigration, énumère M. Tremblay. Ils nous ont dit : “Ne vous occupez pas de ça, on s’en occupe, le gouvernement a un plan.” On leur a dit qu’on voulait contribuer. Mais on attend toujours d’être interpellés par Québec », plusieurs mois plus tard.

Exclus d’un colloque

La Fédération et ses 48 institutions membres s’attendaient par exemple à être convoquées à Québec à l’occasion d’une conférence internationale sur la radicalisation qui se tiendra les 31 octobre et 1er novembre. Son thème : « Internet et la radicalisation des jeunes : prévenir, agir et vivre ensemble ». Plus de 250 experts issus de différents paliers gouvernementaux, d’organisations internationales, du secteur privé, du milieu universitaire et de la société civile y sont attendus.

Bernard Tremblay, lui, attend toujours son invitation. « On en appelle au gouvernement. Moi, j’ai interpellé le cabinet de la ministre [pour y être], mais on n’est pas là, le collège de Maisonneuve non plus. On ne sait pas pourquoi. On veut être utiles dans cet exercice. »

Il importe que tous aient les outils nécessaires pour lutter contre l’endoctrinement des jeunes. Or, à force d’avoir eu à couper et abolir au fil de compressions budgétaires imposées au cours des dernières années, les cégeps ont été réduits à leur plus simple expression, et ils ont perdu une grande partie de l’expertise et des services nécessaires pour appuyer ces jeunes vulnérables.

« Il y a parmi nos élèves des groupes qui sont plus à risque, et si on ne met pas en place des mesures de soutien, on ne pourra pas régler la situation, dit-il. Le problème, c’est que ces services, ce sont des services dans lesquels on a coupé et coupé ces dernières années. Ça prend des gens qui organisent des activités, qui soutiennent nos jeunes, qui leur donnent la parole. Il faut un contrepoids à ces agents provocateurs, pour que ces discours n’aient pas de prise parmi nos étudiants. Mais dans les 155 millions de compressions qu’on a vécues, ce qu’on a coupé, ce sont des ressources, des services aux élèves. C’est ça qu’on coupe quand on n’a plus le choix. C’est ce qu’on a fait. »

Jusqu’à maintenant, un seul cégep, celui de Maisonneuve, a eu accès à des fonds spécialement consacrés à la lutte contre la radicalisation. Ailleurs, les intervenants font ce qu’ils peuvent en attendant le réinvestissement promis en éducation par le gouvernement Couillard.

« On sait que les élections approchent et que les surplus risquent d’être au rendez-vous. M. Couillard nous a dit qu’il était le premier ministre de l’Éducation. On le croit sur parole. À ce stade-ci, c’est assez timide. On vit d’espoir. »