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Abolition des cégeps - Une «structurite» contagieuse

14 août 2014 | Olivier Bégin-Caouette - Candidat au doctorat en enseignement supérieur l’Université de Toronto | Le Devoir- Idées et Libre opinion //
On peut se questionner sur la pertinence d’utiliser les cégeps pour offrir des formations qui devraient être données en entreprise, mais on ne peut pas sérieusement affirmer que les cégeps sont déconnectés du marché de l’emploi.

Dans cette période estivale où l’information circule au ralenti, il semble que l’idée maintes fois répétée d’abolir le réseau des cégeps ait eu plus d’écho cette semaine que lorsque les universités, les commissions scolaires ou François Legault l’ont proposée. Il importe donc de rappeler aux jeunes libéraux que leur proposition de remplacer les cégeps par des écoles techniques ne peut répondre aux objectifs poursuivis.

L’argument structurel

Si les écoles de métier existent depuis le XVIIIe siècle, les collèges d’enseignement technique se sont répandus dans toutes les provinces canadiennes au cours des années 1960 afin d’accroître l’accès à l’enseignement supérieur et de répondre à la modernisation des industries. Pendant que la commission Parent recommandait la création des cégeps, le gouvernement ontarien choisissait d’instaurer des collèges de technologie et d’art appliqués pour ces étudiants qui « n’ont pas la capacité de poursuivre des études universitaires ». Ainsi, jusqu’à récemment, les Ontariens « capables » faisaient une 13e année afin d’accéder à l’université et les « incapables » entraient dans un collège. Ce système schizophrène empêchait les techniciens d’accéder à l’université puisqu’ils ne possédaient pas cette formation générale qu’offrait la 13e année. Or, avec l’avènement des technologies de pointe, certains techniciens souhaiteraient recevoir une formation plus approfondie. Mais comme les universités admettent rarement ces étudiants, les collèges ontariens offrent depuis peu à leurs étudiants des baccalauréats et souhaitent offrir des maîtrises en parallèle avec les universités. Pour que le gouvernement reconnaisse de tels diplômes, il faut cependant que ces derniers comportent une formation générale.

Ainsi, alors que les cégeps ont été bâtis sur les notions d’égalité entre les formations théorique et appliquée et de perméabilité entre les secteurs collégial et universitaire, les jeunes libéraux semblent préférer un modèle faussement allemand qui est décrié en Ontario et est en profonde transformation. Est-ce que les jeunes libéraux peuvent nous expliquer si les étudiants des écoles techniques auront accès à l’université et, si oui, en quoi ces écoles techniques qui offriraient par conséquent une formation générale (obligatoire pour l’entrée à l’université) seraient différentes de nos cégeps ? Il semble que ces « jeunes » aient été contaminés par la « structurite » de la CAQ.

L’argument historique

Dès leur création, les cégeps ont permis une démocratisation et une augmentation rapide de la participation à l’enseignement supérieur dans toutes les régions du Québec. Les cégeps forment les professionnels de leur région, embauchent des professeurs souvent hautement qualifiés (surtout ceux qui enseignent en formation générale) et, par leurs infrastructures scolaires, culturelles et sportives, contribuent au développement de leur localité.

En outre, lorsqu’ils participent à des activités internationales, les cégeps, de par leur caractère unique, font du même coup la promotion de l’enseignement supérieur québécois. Ayant développé une expertise particulière dans l’enseignement technique par compétences, les cégeps participent à plus de 60 projets de coopération internationale et font des petits au Sénégal et dans les Andes (avec le projet Éducation pour l’emploi de feu l’ACDI). L’UNESCO a même acheté les droits de la « méthode Québec » dans la formation technique et l’utilise dans ses opérations en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Notons aussi que les cégeps accueillent plus de 1800 étudiants internationaux intéressés par le modèle québécois. Remplacer les cégeps par des écoles techniques ferait donc tomber un des piliers de la diplomatie du savoir québécoise, mais il faut croire que nul n’est jamais prophète en son pays.

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