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Les élèves de la réforme devront travailler plus fort au cégep

La Fédération des cégeps dit fonder de grands espoirs sur ces jeunes de la réforme. «On espère que la réforme va faire en sorte que [les étudiants] vont arriver mieux préparés», affirme la porte-parole Caroline Tessier. Photo : Métro.


Par Marie-Ève Shaffer

La marche que les premiers élèves issus du renouveau pédagogique devront gravir pour accéder au cégep sera plus haute qu’elle ne l’était pour leurs prédécesseurs.« Ce sont des élèves qui ont développé leur capacité de socialisation, mais pas leur autonomie », déclare le professeur et chercheur du département d’Éducation et de formation spécialisée de l’Université du Québec à Montréal Gérald Boutin.

Ces jeunes, qui deviendront des cégépiens en septembre, ont été évalués pendant leur cheminement scolaire selon leur capacité à développer leur compétence plutôt qu’acquérir des connaissances. Leurs enseignants étant devenus des accompagnateurs, ils ont appris en travaillant en équipe et en réalisant des projets.

Des études internationales ont démontré que le rendement des élèves québécois a diminué depuis l’instauration du nouveau régime pédagogique il y a 10 ans. En lecture, le Québec a dégringolé de 2000 à 2006 du 2e au 4e rang au classement du program­me international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE.

L’enquête internationale sur la mathématique et les sciences (TEIMS) rapportait en 2007 les difficultés des Québécois à atteindre les objectifs en science. La Belle Province occupait le pire rang depuis son adhésion à l’enquête en décrochant la 15e position, selon l’analyse du ministère de l’Éducation.

Des cours de rattrapage nécessaires ?
Selon l’Alliance des professeurs de Montréal, il est clair que des cours de rattrapage devront être offerts à ces élèves. « Une mise à niveau est nécessaire surtout pour les élèves de secondaire quatre et cinq, qui sont rendus dans des étapes cruciales pour aller en formation professionnelle, en formation technique ou en formation générale au cégep », fait savoir le porte-parole de l’Alliance, Yves Parenteau.

La récente entente entre l’Alliance et la Commission scolaire de Montréal a redonné un peu d’espoir au milieu de l’éducation. Elle recommande à la ministre de l’Éducation le retour à l’évaluation des connaissances considérées comme « fondamentales et prioritaires » dès septembre. Mais ces modifications, approuvées par la ministre, arriveront trop tard pour les élèves qui préparent leur bal de fin d’études.

« La mise à niveau devrait commencer dès maintenant, insiste le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Pierre St-Germain. Il faut cesser de faire ce qu’on fait actuellement. Il faut arrêter de surcharger les profs de toutes sortes d’affaires administratives pour qu’ils puissent se concentrer sur l’enseignement, sur la récupération, et qu’ils puissent aider les élèves. »

Le professeur Boutin croit aussi que des élèves finissants auront besoin d’accompagne­ment. «Les élèves les plus forts vont s’en tirer, mais pour ce qui des plus faibles, ça pose problème», mentionne-t-il. Adoptant un ton plus nuancé, le président de la Fédération des enseignants de cégep, Mario Beauchemin, convient aussi que des cours de rattrapage devront être donnés en début de trimestre. « Mais il y a toujours une petite mise à jour à faire, peu importe la provenance des élèves, lorsqu’ils arrivent au collégial », dit-il.

Les professeurs de cégep ont quelques appréhensions, mais avant de monter aux barricades, ils veulent prendre le temps de faire connaissance avec les nouveaux cégépiens. Ils sont peu inquiets du fait que les élèves ont appris par projets ou que ce sont leurs compétences qui sont évaluées puis­que c’est une approche pédagogique qui est en place au cégep depuis 1994.

Le ministère réfléchit
Au ministère de l’Éducation, des comités de travail ont commencé à réfléchir aux conséquences de la formation reçue par les élèves du secondaire. Le but est d’aider les enseignants des cégeps à mieux comprendre le bagage de ces jeunes.

Dans les rapports sur l’arrimage secondaire-collégial issus de ces comités de travail, il leur est recommandé de varier leurs stratégies pédagogiques – cours magistraux, travail d’équipe, recherche – et de bien expliquer les grilles d’évaluation. Ils sont aussi invités à vérifier les acquis de ces élèves dès la prochaine rentrée scolaire afin « d’apprendre à connaître leurs forces et leurs faiblesses ». Les cégeps et les commissions scolaires échangent également sur la formation de ces élèves qui passeront au niveau supérieur en septembre prochain.

Pas lieu de paniquer
Même si certains élèves issus de la réforme pédagogique auront besoin d’aide, voire de cours de rattrapage, il ne faut pas paniquer, avertit le professeur et chercheur du département d’Éducation et de formation spécialisée de l’UQAM Gérald Boutin. « Ils ont entendu que la réforme bat de l’aile, indique-t-il. Alors il faut les rassurer. [...] Leur passage n’est pas impossible. »

Tout de même normal
Nonobstant le renouveau pédagogique, l’accession à un niveau supérieur d’étu­des comporte toujours son lot de défis, selon M. Boutin. « Il est normal que le passage vers le cégep crée quel­ques problèmes, et ce n’est pas propre au Québec », dit-il. Les futurs cégépiens devront s’adapter à un enseignement qui est différent de celui qui leur a été donné jusqu’à maintenant et ils devront répondre à de nouveaux critères d’évaluation.

Période d’adaptation
« Il y a toujours une période d’adaptation quand on passe du secondaire au collégial, soutient quant à lui le président de la Fédération des enseignants de cégep, Mario Beauchemin. Il est sûr et certain que la première session sera toujours cruciale. Ça va nécessiter un bon encadrement et un suivi serré de ces nouveaux étudiants. »