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Collège régional Champlain - Réinventer un cégep « ensemble »

Par Thérèse Lafleur

 

Fort de ses nouvelles lettres patentes, le Cégep régional Champlain amorce une nouvelle ère. Ensemble, les différentes instances ont su dégager une perspective d’avenir pour cette institution composite. Assujetti depuis le 4 septembre 2019 au chapitre II de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel (cégep), ce collège créé en 1971 est maintenant reconnu en tant que cégep régional avec trois collèges constituants : Lennoxville, Saint-Lambert et St. Lawrence. Plus de 5000 étudiants à l’enseignement régulier le fréquentent dans les Cantons-de-l’Est (1 250 étudiants), en Montérégie (3 000 étudiants)et dans la Capitale-Nationale (900 étudiants). C’est l’un des cinq collèges anglophones du Québec.

Depuis son entrée en fonction comme directrice générale à l’automne 2016, Odette Côté mène de main de maître cette transition vers de nouveaux statuts. C’est avec des yeux neufs qu’elle a abordé ce remaniement majeur et, sans faire fi d’une histoire marquée de velléités d’indépendance, elle a su amener les principaux acteurs à concevoir ensemble une entente gagnant-gagnant.

En ce sens, la vice-présidente du conseil d’administration, Pamela Booth-Morrison, tient à mentionner : « Nous sommes fiers du rôle que nous avons joué dans la refonte des lettres patentes. À cet égard, je salue les efforts de tous les membres du conseil d’administration qui ont veillé patiemment à l’instauration de ce bel esprit de collaboration menant à une vision porteuse du Collège comme un tout. Ainsi, les trois collèges constituants autonomes, soutenus par les services administratifs et rassemblés sous une solide gouvernance, sont bien positionnés pour se développer en proposant des programmes de formation stimulants aux étudiantes et aux étudiants anglophones du Québec. »

Membres du conseil d’administration et directeurs (18 septembre 2019)

Rangée du haut :  Nancy Beattie (directrice de campus - Lennoxville), Don Shewan (directeur de campus – St. Lambert), Mark Warnholtz (membre du CA), Yves Rainville (Directeur – Services administratifs), Brian Denison (membre du CA), Michel Léger (membre du CA), Randi Heatherington (membre du CA), Bruce Toombs (membre du CA), Daniel Perreault (membre du CA), Edward Berryman (directeur de campus – St. Lawrence), Nancy Chrétien (directrice des Ressources humaines et Secrétaire générale).

Rangée du bas :  Pierre Roy (membre du CA), Andrea Miller-Ffrench (membre du CA), Odette Côté (directrice générale, directrice des études par intérim et membre du CA), Pamela Booth-Morrison (vice-présidente du CA), Hélène Bélanger (membre du CA), Cathleen Scott (membre du CA).

Membres du CA manquants sur la photo : James Shufelt (président du CA), Fatiha Chandad, Helen Walling, Eric Thananayagam, Méganne Bériault et Julia Rocheford.


La force des idées

Depuis 45 ans à l’établissement de Saint-Lambert, le directeur Don Shewan se dit convaincu que le modèle est porteur d’avenir tout en étant conscient qu’il se concrétisera doucement :

« Au fil du temps, j’ai vécu les tensions générées par le besoin d’autonomie de chaque campus. Quand en 1971-1972, d’abord Saint-Lambert et Lennoxville et ensuite St. Lawrence, trois établissements de traditions, de culture et de région distinctes, ont été amenés à se regrouper sous une bannière commune pour former un seul collège anglophone, naviguer entre centralisation et autonomie a parfois relevé de l’exploit.

 

" Pendant cette transition faite dans la collaboration et le respect, nous avons mis en lumière la complémentarité des forces de chacun, des expertises que nous pouvons partager pour bâtir ensemble un collège de premier plan. " Don Shewan

« À travers le cheminement menant à l’adoption des nouvelles lettres patentes, des liens se sont tissés dans la perspective du service à l’étudiant d’abord. Pendant cette transition faite dans la collaboration et le respect, nous avons mis en lumière la complémentarité des forces de chacun, des expertises que nous pouvons partager pour bâtir ensemble un collège de premier plan. »

Edward Berryman, le directeur du Campus St. Lawrence de renchérir : « Pour St. Lawrence, l’implantation de la nouvelle structure représente le début d’un nouveau chapitre de son histoire. L’autonomie accrue, la création d’un conseil d’établissement local et d’une commission des études propre à St. Lawrence nous permettront de mieux répondre localement aux attentes des étudiants et aux besoins de la communauté régionale. »


Un défi historique de gestion, d’administration et de gouvernance

Pour en comprendre toute la complexité, laissons madame Côté, la directrice générale du Cégep régional Champlain, raconter cette refonte à la fois exigeante et exemplaire.

« Je suis entrée en poste bien informée que je ne naviguerais pas sur une mer tranquille. Soit ! J’avais la ferme intention d’axer mes interventions sur mon expertise et mes études doctorales portant sur le bien-être au travail. Comme l’affrontement ne fait pas partie de mon ADN, j’ai misé sur la compréhension et la participation pour dénouer les freins au travail collaboratif et pour arrimer les efforts menant à des alliances. Ça ne s’est pas fait tout seul, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et ses représentants, les campus et leurs communautés, les acteurs socioéconomiques, les dix instances syndicales ainsi que les administrateurs et les gestionnaires ont participé à un long processus pour bien cerner les besoins et les attentes de chacun et élaborer ‘ensemble’, j’insiste, une vision partagée de notre collège et de ses campus.

« D’emblée, je ne connaissais pas tous les enjeux et quelques écueils ont jalonné le parcours. Cependant je suis heureuse d’affirmer aujourd’hui que ces nouvelles lettres patentes sont l’aboutissement d’un large effort collectif d’entraide, de communication et de compréhension mutuelle. Nous avons travaillé avec les forces de chacun pour changer les choses et ne pas laisser le passé hypothéquer l’avenir. Moi, je crois au modèle de cégep régional doté de l’atout extraordinaire de pouvoir offrir des programmes dans trois grandes régions administratives du Québec. Toutefois, devant les aspirations à l’indépendance formulées par les campus, j’ai fait appel au Cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur d’alors, Hélène David, pour nous aider à dénouer l’impasse pendant mon mandat de cinq ans.

 

" Nous avons travaillé avec les forces de chacun pour changer les choses et ne pas laisser le passé hypothéquer l’avenir. " Odette Côté

 

« Ma demande pressante a été entendue. Madame David a donc confié à David Birbaum, le mandat d’examiner les faits, notamment sur la gouvernance, dans le but de mieux comprendre la situation. En août 2017, les recommandations du Rapport Birbaum ont  servi de levier pour nous amener à réinventer le Cégep régional Champlain et ses campus.

« Dès l’automne 2017, la ministre Hélène David a présenté elle-même les décisions du Ministère tout en convenant qu’il n’y aurait pas d’indépendance, mais qu’il fallait donner plus d’autonomie pédagogique aux campus. Fait notoire, la salle était pleine de représentants des trois campus réunis, une première. Le dialogue s’amorçait enfin !

« Préoccupée par la situation au Collège et dans l’intérêt de la communauté collégiale, des étudiants et des enseignants, madame David, a jugé nécessaire que des changements soient mis en place dans les trois constituantes du Collège selon les recommandations du Rapport Birbaum. C’est pourquoi elle a mandaté Sylvie Beauchamp, ancienne présidente du réseau de l’Université du Québec, pour accompagner le Collège régional Champlain dans une révision de sa gouvernance au bénéfice de toutes les parties.

« Au cours du processus, madame Beauchamp a passé le flambeau à Jean Beauchesne, médiateur et avocat ainsi que président de la Fédération des cégeps de 2011 à 2015. Il s’est adjoint, Serge Brasset, conseiller stratégique et ancien directeur général des cégeps Saint-Jean-sur-Richelieu et Édouard-Montpetit. Accompagnée de ces deux experts qui partageaient ma vision d’une démarche axée sur les compromis, j’ai poursuivi l’exercice avec la même philosophie centrée sur le bien-être au travail. Avec un sous-comité du conseil d’administration composé d’acteurs terrain (enseignants, présidents de syndicats d’enseignants, directeurs de campus, direction générale, secrétaire générale et des accompagnateurs messieurs Beauchesne et Brasset), nous avons pu trouver la recette gagnante.

« Si au départ le chapitre II de la Loi faisait figure de référence pour nous, le modèle envisagé exigeait toutefois des ajustements pour se déployer pleinement. Enfin c’est très bientôt, plus précisément lors du premier ‘nouveau’ conseil d’administration le 25 octobre 2019, que le Cégep régional Champlain et ses collèges constituants de Saint-Lambert, St. Lawrence et Lennoxville, amorceront officiellement leur fonctionnement à la lumière de leurs nouvelles lettres patentes.

« C’est beau ce qui se passe, comme un cadeau pour le réseau qui démontre qu’on a travaillé fort pour arriver à quelque chose d’intéressant et surtout de rassembleur. Ça me fait plaisir de rappeler que le vote pour de nouvelles lettres patentes et la redéfinition des rôles et pouvoirs été voté à 100 % favorable par tous les membres du conseil d’administration en septembre 2018.

" C’est beau ce qui se passe, comme un cadeau pour le réseau qui démontre qu’on a travaillé fort pour arriver à quelque chose d’intéressant et surtout de rassembleur ". Odette Côté

« Les collèges constituants ont ainsi l’autonomie pédagogique souhaitée et leur propre conseil d’établissement. Ils sont représentés au conseil d’administration du Cégep régional Champlain par des délégués socioéconomiques et conservent leurs ressources administratives. Par ailleurs, ils bénéficient des services administratifs du Cégep régional Champlain pour les appuyer dans leurs tâches quotidiennes visant à soutenir d’abord la pédagogie, les services aux étudiants et à la collectivité.

« Je suis heureuse d’avoir su démontrer que le tout dépasse parfois la somme de ses parties. Que les guerres du passé ne mènent pas à un avenir prometteur. Que pour aller de l’avant et savoir où on va aller, il faut parfois plonger dans le tsunami et nager ensemble. C’est certain que nous serons sous observation, j’en suis consciente. Mais si nous poursuivons la démarche ensemble, en nous penchant sur les préoccupations de chacunpour comprendre les doléances, une à la fois, et faire les ajustements nécessaires, notre persévérance créera l’harmonie et même l’enthousiasme des plus réfractaires. Je le sais, j’en ai été témoin en cours de route. »


Tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin

Les propos de Julien Lacombe, un professeur ayant pris part au processus et faisant partie du sous-comité du conseil d’administration, témoignent aussi de cette volonté de faire œuvre commune : « Née d’une insatisfaction quant à la structure du Collège, la transition du chapitre I vers le chapitre II fut jugée comme un compromis acceptable entre le statu quo et la séparation complète des trois campus.Tous les acteurs furent impliqués dans cette transition : le ministère de l’Éducation, le conseil d’administration, tous les employés et les étudiants.

" Je trouve que l’audace du conseil et l’apport des professeurs et des étudiants ont grandement contribué au succès de l’opération " Julien Lacombe

« À titre de membre du comité que le conseil d’administration a créé pour s’occuper du dossier, sur lequel furent élus des administrateurs, des professeurs et des étudiants, j’ai eu la chance unique de participer aux travaux de refonte. Rarement dans la vie d’un cégep les professeurs et les étudiants sont autant impliqués à un tel niveau. Bien que parfois perçus comme moins utiles — la gestion n’étant pas nécessairement notre spécialité — je trouve que l’audace du conseil et l’apport des professeurs et des étudiants ont grandement contribué au succès de l’opération.

« La nature de notre travail de professeur nous place en contact constant avec les étudiants. Nous sommes à même de constater les améliorations que la nouvelle structure peut apporter, notamment en rapprochant les décisions et les budgets des enjeux locaux. Cela devrait non seulement rendre les campus — ou plutôt les collèges — plus réactifs et plus agiles, mais devrait aussi, idéalement, augmenter les services offerts aux étudiants par une meilleure utilisation des ressources. C’est en tout cas l’espoir suscité initialement par la ministre David. L’avenir nous dira si notre nouvelle structure tient la route. Je suis convaincu que si tous mettent de l’avant le bien-être de nos étudiants, nous allons y arriver. Cette expérience où tous les acteurs collaborent dans un but commun est à répéter si d’autres occasions se présentent. »






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