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Le défi de gérer en temps de compressions budgétaires successives

 

 

 

 

Entrevue avec Brigitte Bourdages, directrice générale du Cégep de Drummondville

 

 

 

Deux compressions dans la même année
Active dans le réseau depuis 20 ans, Brigitte Bourdages ne se souvient pas d’avoir dû faire face à des compressions budgétaires d’une telle importance. Deux compressions dans la même année… et des modalités d’application floues qui font mal. Elle explique : « Les collèges ont connu des compressions importantes dans les années 1990. Mais à l’époque, il y avait dans la grande majorité des collèges une croissance des effectifs étudiants. Le contexte socioéconomique dans les régions était plus facilitant. Cette fois, la dernière compression n’était évidemment pas annoncée et elle est survenue un mois après que les décisions budgétaires aient été prises, et les contrats d’embauche signés. C’est extrêmement difficile. Il y a toujours moyen de dire que l’on va mettre un terme à tel ou tel contrat, mais derrière ce geste, il y a des humains; des personnes qui cheminent avec nous depuis un certain temps, une expertise difficile à remplacer. Il est donc plus que jamais important de se serrer les coudes (la direction, toutes les catégories de personnel, les étudiants), de partager de l’information (rigueur et transparence), et de ne pas perdre de vue notre mission éducative, nos valeurs».

Report de projets qui concernent la réussite des étudiants
À Drummondville, les compressions obligent le collège à reporter des projets sur lesquels il s’activait. Ces projets concernaient pourtant la réussite des étudiants. « Globalement, nos services en appui à la réussite sont restés les mêmes. Mais les besoins des différentes catégories d’étudiants dans nos collèges exigent des réponses de mieux en mieux adaptées. Je pense ici aux parents monoparentaux, aux étudiants qui covoiturent, à ceux qui allient le sport et les études, aux étudiants doués, aux étudiants en situation de handicap, etc. L’effectif étudiant est hétérogène. Il faut pouvoir répondre efficacement aux besoins multiples et complexes de toutes ces catégories d’étudiants. Ce sont des projets adaptés à ces réalités changeantes que nous avons dû mettre de côté. Bien sûr, le moral des troupes est atteint, et les gens deviennent parfois inquiets. Mais il n’y a pas 56 solutions. En temps de compressions, il faut resserrer les dépenses et augmenter les revenus en fonction des spécificités du milieu », souligne Brigitte Bourdages.

« Faites ce que vous avez à faire; vous vous justifierez après ».
La Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs des ministères, des organismes et des réseaux du secteur public ainsi que des sociétés d’État crée de nouvelles contraintes dans la gestion des compressions. La principale difficulté découle du fait que ses modalités d’application n’ont pas encore été précisées. « Aucune mesure claire ne nous indique ce qu’il faut exactement faire. On nous dit : « Faites ce que vous avez à faire; vous vous justifierez après ». La mécanique doit nous permettre de nous acquitter de nos nouvelles obligations légales. Comment savoir combien il nous reste d’heures disponibles pour engager tel ou tel enseignant? Qui va pouvoir nous préciser la marge de manœuvre restante pour engager un consultant à la formation continue ou aux services aux entreprises? Il nous manque encore beaucoup d’informations. À la mi-février, nous commençons à peine à prendre toute la mesure des impacts de l’application de cette loi», déplore la directrice générale du Cégep de Drummondville.

Faire évoluer la structure des programmes d’études
Brigitte Bourdages espère que les recommandations du Rapport Demers permettront de faire évoluer la structure des programmes d’études collégiaux en fonction des besoins du marché de l’emploi. « Pour certains collèges, l’offre est presque devenue incompatible avec la réalité de leur milieu.  Elle commanderait plus de souplesse dans l’élaboration et la reconfiguration de programmes, en lien avec des besoins plus régionaux. Nous avons la possibilité de travailler avec les conventions collectives, mais ce n’est pas toujours simple. Des étudiants décrochent parce que les modalités d’études ne conviennent plus. Les adultes ont des responsabilités; ils aimeraient pouvoir suivre des cours le soir afin d’avoir un boulot dans la journée, par exemple. Même les jeunes préfèrent obtenir un DEC à temps partiel... Et parallèlement, nos programmes sont restés plutôt traditionnels. Les besoins du marché de l’emploi ont évolué sans que la structure même des programmes le soit. Il ne faut pas tout chambarder, mais nous devons aller vers quelque chose de plus efficient », dit-elle.

La directrice générale du Cégep de Drummondville croit que, dans la foulée du Rapport Demers, les collèges devront davantage travailler en synergie. « C’est déjà amorcé. Évidemment, ça va demander de changer nos façons de faire. Il faudra savoir lire les nouvelles tendances. Nous avons encore des possibilités d’innovation et de développement. Même si les questions de financement demeurent préoccupantes, nous devrons utiliser certains leviers, quitte à en créer de nouveaux,  en particulier à la formation continue. Je vois des signes encourageants dans notre capacité de travailler ensemble sur des sujets sensibles. Nous avons maintenant cette capacité. Ça, c’est porteur d’avenir! », insiste-t-elle.

Croissance constante
Le Cégep de Drummondville a la chance d’être en croissance constante depuis les 5 dernières années. La région du Centre-du-Québec est celle qui détient néanmoins le plus bas taux de diplôme de première génération au Québec. C’est une des raisons qui a prévalu dans la lutte de la région pour obtenir un campus universitaire qui offrira dès l’an prochain des programmes d’études conduisant à des baccalauréats et à des maîtrises directement à Drummondville.

La région est donc mobilisée autour du premier diplôme et de la persévérance scolaire. Au niveau collégial, les deux collèges, Drummondville et Victoriaville, travaillent très fort pour que les détenteurs du diplôme d’études secondaires (DES) entament des études supérieures. « Il faut noter que quelque 25 % de nos effectifs étudiants proviennent de l’extérieur de la région. Cela tient au fait que le collège dispose de programmes d’études attrayants, crédibles et réputés faisant partie de pôles d’excellence qui dépasse les frontières de sa région. Notre pôle des Arts (Musique, Danse, Arts visuels) est très bien développé. Le collège se démarque également positivement avec son pôle Santé et enjeux sociaux. Le pôle qui représente un grand défi est toutefois Industries et commerces. Les besoins de main-d’œuvre sont là, mais les étudiants ne sont pas suffisamment nombreux dans certains de ces programmes, comme en Électronique ou en Logistique, pour répondre à la demande », explique Brigitte Bourdages.

Un acteur déterminant au Centre-du-Québec
Le Cégep de Drummondville a toujours été très présent dans sa communauté. Quand Brigitte Bourdages a été nommée à la direction générale, le conseil d’administration lui a demandé de poursuivre cette synergie avec le milieu et d’accroître le rayonnement du collège. «Quand on reçoit beaucoup, il faut aussi donner beaucoup. C’est pourquoi nous sommes au cœur des Jeux du Québec et des festivités entourant le 200e anniversaire de fondation de Drummondville, notamment. On ne vit pas cette synergie de la même manière à Drummondville qu’à Montréal. Dans la métropole, le rôle économique des cégeps est plus dilué par rapport à des établissements ou à des entreprises plus visibles et de plus forte stature. Dans une région comme la nôtre, le cégep est un acteur déterminant de l’enseignement supérieur, mais il est aussi concrètement un des plus importants employeurs. Si le cégep venait à disparaître, l’impact économique serait très néfaste.»

Nombreux projets malgré la morosité 
Au cours des dernières années, plusieurs projets majeurs d’infrastructures ont pu être réalisés au Cégep de Drummondville malgré le contexte des compressions budgétaires. En effet, il n’est pas dans les habitudes du collège de s’en laisser imposer ou de « suivre les traces ». Sa vision est plus du type entrepreneuriat, en sortant parfois même des sentiers battus.

La modernisation de la salle de spectacles Georges-Dor, l’aménagement d’un terrain sportif synthétique (en collaboration avec la Ville de Drummondville et la Commission scolaire des Chênes) et la construction d’un deuxième gymnase grâce à la Fondation du collège ne sont que quelques exemples de ce dynamisme. Deux résidences étudiantes ont également été érigées sur les terrains du collège, en partenariat public-privé. Et ce ne sont pas les incertitudes budgétaires qui viendront freiner le collège dans son élan, prévient Brigitte Bourdages. « La volonté est de faire, mais de faire des choses qui nous ressemblent, à notre façon, ensemble. Une garderie est en développement; elle servira d’observatoire pour notre programme Techniques d’éducation à l’enfance. Nous travaillons également sur un projet de centre intégré en génie mécanique, conjointement avec l’Université du Québec à Trois-Rivières. Nous espérons également obtenir de nouveaux programmes d’études, comme Techniques de pharmacie, sur lequel nous travaillons depuis trois ans. Nous faisons aussi des avancées dans le domaine de la vieillesse, avec notre Centre collégial d'expertise en gérontologie (CCEG). »

Dans l'ordre habituel, nous reconnaissons la directrice générale du Cégep de Drummondville et présidente du Centre collégial d'expertise en gérontologie (CCEG), Brigitte Bourdages; la présidente de la FADOQ du Centre-du-Québec, Louise Traversy; la directrice générale de L'APPUI Centre-du-Québec, France Côté, et le président du comité consultatif du CCEG, Jacques Lizée. (Photo : Service des communications, Cégep de Drummondville)

Entreprendre un deuxième mandat avec un réel optimisme

Brigitte Bourdages entreprend un deuxième mandat à la direction générale du Cégep de Drummondville, avec un réel optimisme. Elle ne semble pas trop s'inquiéter des baisses démographiques anticipées : celles prévues ne se sont pas concrétisées. Certes, le contexte de compressions budgétaires représente un inconnu, un important défi de gestion, mais elle soutient que la communauté collégiale saura y faire face en faisant ce qu’elle sait faire de mieux, soit placer l’étudiant au cœur de ses actions, comme l’y interpelle le Plan stratégique de développement du collège.

Entrevue et texte réalisés par Alain Lallier, édimestre, Portail du réseau collégial.






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