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Pour un passage réussi à l’industrie 4.0



Entretien avec monsieur Sébastien Houle, directeur général de Productique Québec, CCTT affilié au Cégep de Sherbrooke

Un texte d'Alain Lallier, éditeur en chef, Portail du réseau collégial

Créé en 1986, Productique Québec est reconnu comme CCTT depuis 1989. Parmi les 59 centres collégiaux de transfert existants aujourd’hui, Productique Québec se distingue comme un CCTT transversal. Non associé, comme plusieurs centres de transfert, à un secteur industriel en particulier, il s’intéresse aux technologies numériques associées à la production et à la transformation manufacturières de façon générale. « Il y a de nombreux chemins qu’une entreprise peut prendre pour sa transformation numérique. Nous les guidons dans ces choix. Comment les technologies numériques peuvent-elles les aider à optimiser leurs ressources, rendre leur offre de service distinctive sur le marché ou même modifier leur modèle d’affaires ? Nous les accompagnons dans cette transformation, explique Sébastien Houle. Nous avons plusieurs expertises qui le permettent. Le liant entre celles-ci consiste essentiellement à rendre disponible la bonne information, à la bonne personne, au bon moment pour que la meilleure action soit réalisée. »

Au temps de l’industrie 4.0
Dans une période où l’on entend de plus en plus parler d’industrie 4.0, le centre voit sa mission répondre exactement aux besoins de cette révolution numérique des entreprises. « Ça fait trente ans que nous faisons ça. À l’époque, nous n’appelions pas ça industrie 4.0, mais nous étions dans cette mouvance de valorisation des données. La création de richesse va provenir de l’accès aux données de qualité et à leur valorisation. Les Google, Facebook et les Amazon de ce monde ont bien compris le principe. Avec l’information, j’ai la capacité de comprendre mon environnement et d’interagir sur lui et de prédire les événements et leurs résultats. Les données seront au XXIe siècle ce que le pétrole a été au XXe siècle. Ce qui rend cette transformation plus urgente, c’est que nous n’avons pas vingt ans devant nous. Aujourd’hui, ce n’est pas la grosse entreprise qui mange la petite ; mais bien la plus rapide qui mange la lente. Ce qui est intéressant : ce sont les opportunités que ces technologies offrent aux petites entreprises. Tu n’as pas besoin d’être une très grosse entreprise pour prendre une bonne part du marché. Au niveau du commerce de détail, les géants que nous connaissions il y a vingt ans sont réduits à une peau de chagrin, s’ils n’ont pas fait faillite. De nouveaux modes d’affaires ont pris la place. »

La transformation numérique, c’est plus qu’une transformation technologique
Sébastien Houle insiste : la transformation numérique n’est pas seulement une transformation technologique. Pour lui, une réflexion au niveau du mode de fonctionnement de l’organisation, du modèle d’affaires, de la gestion des connaissances et de la gestion du pouvoir s’impose. « Il faut envisager la situation dans sa globalité et surtout avoir un plan. Les technologies sont là que pour servir un objectif d’une entreprise, elles ne sont pas une fin en soi, mais un ensemble de moyens pour surmonter les enjeux stratégiques. Le secret se trouve alors dans la sélection, l’intégration et l’appropriation des technologies les plus pertinentes en lien avec son plan d’affaire et tenant compte des forces et faiblesses de son entreprise. C’est ce que Productique Québec et les escouades numériques du réseau Trans-Tech s’efforcent de faire. Nous ne vendons pas une technologie, nous accompagnons les industrielles dans ses choix technologiques et nous nous assurons que les conditions gagnantes soient réunies. Le temps joue contre eux et ils ne peuvent pas se tromper. »

Le diagnostic numérique
Dans cette perspective, un des outils offerts par le Centre demeure le diagnostic numérique, sorte de carte routière des entreprises indiquant les chemins qu’elle devra emprunter pour réaliser leur transformation numérique. Le Centre a réalisé plusieurs projets de diagnostic numérique ou d’audit 4.0 avec des collègues d’autres CCTT. Ce qu’il a compris au fil des ans, c’est que ce n’est pas seulement l’expertise de Productique Québec qui peut être mise à profit pour les entreprises. « Il y a beaucoup d’expertises que nous n’avons pas chez nous. La beauté du réseau Trans-tech et de ses multiples expertises, c’est d’utiliser aux bons endroits les capacités de chacun d’entre nous pour que le diagnostic soit le plus pertinent pour un client. Les audits numériques que nous faisons sont réalisés en collaboration avec un autre CCTT. Par exemple, pour une industrie du bois, l’analyse est faite par un chargé de projets de Productique Québec accompagné d’un spécialiste d’Innovem de Victoriaville qui connaît bien les réalités de ce secteur d’activité. Autre exemple, lors d’une intervention avec une entreprise spécialisée en électroniques, nous avons interpellé les gens du CIMEQ de Sainte-Thérèse pour nous accompagner. La vision de ce qu’on appelle le Groupe d’expertise numérique consiste à travailler tous ensemble afin d’offrir au client le meilleur produit. C’est la beauté et la grande force du réseau collégial de recherche appliquée que sont les CCTT. Le réseau collégial mise également sur sa large présence régionale à travers tout le Québec. »

L’équipe
L’équipe du centre compte une vingtaine de personnes. Dans le contexte où la numérisation des entreprises est à l’ordre du jour et est encouragée par les gouvernements, le nombre de personnes qui travaillent au centre est appelé à grossir. Sébastien Houle avoue cependant que la rareté de main-d’œuvre rattrape également les CCTT. À cet égard, quatre personnes de l’équipe sont basées sur la Rive-Sud et la Rive-Nord de Montréal afin de se rapprocher de la clientèle.

Les installations
Les installations du centre se situent en dehors du campus du Cégep de Sherbrooke dans un parc industriel situé à proximité. « Nous avons un appui formidable et une excellente relation avec le cégep. En ce moment, nous sentons une très grande effervescence pour la recherche appliquée. Cela restera toujours un défi d’intégrer les professeurs du cégep dans nos projets, mais nous ne ménageons pas les efforts dans cette direction. Le centre accueille également des stagiaires étudiants et ouvre son laboratoire de productique aux étudiants pour des travaux de fin d’études. »

Un exemple de réalisation du centre
Dans un vidéotémoignage diffusé sur YouTube, Marthieu Claveau, directeur de projets chez Julien, une entreprise de Québec spécialisée dans la transformation de l’acier inoxydable, témoigne de la manière dont l’intervention de Productique Québec a permis à son organisation de « rester en avant ». Il résume en trois mots les interventions du centre : expertise, impartialité et efficacité.

Élargir les collaborations
Sébastien Houle met beaucoup d’emphase sur la collaboration entre les différents CCTT et entre les chercheurs du collégial. Historiquement, le centre a été associé au département de génie électrique du Cégep de Sherbrooke. Mais, ses collaborations se diversifient maintenant entre autres départements comme celui des techniques administratives ou du département de physique. « Il faut ouvrir nos horizons en matière de capacité et d’intérêt des professeurs du collégial à faire les liens avec notre CCTT. Pour moi, c’est important d’offrir ces opportunités de recherche à l’ensemble de la communauté collégiale. N’ayant pas fait carrière dans le monde collégial, je suis très impressionné par la grande qualité des chercheurs présents au cégep ainsi qu’au formidable apport que ces projets de recherche ont sur la capacité d’innovation des PME impliquées. La collaboration entre CCTT est bien réelle, je souhaite maintenant étendre cette collaboration aux professeurs/chercheur d’autre cégep qui ont des intérêts et dans nos champs d’expertise. Il y a de superbes ressources dans le réseau collégial, il faut être capable de les valoriser à travers les avantages qu’offre le réseau des CCTT.  Il faut être ouvert à ce genre de collaboration gagnant-gagnant, comme on dit en chinois : “Think outside the box” ».